D’après l’encyclopédie Larousse « Le terme d’humanisme est l’un de ceux sur le sens desquels personne ou à peu près ne s’entend vraiment. » Toutefois, selon l’acception du dictionnaire français, Trésor de la langue française, qui semble être celle qui se rapproche le plus de celle de l’Occident, l’humanisme est défini comme une « attitude philosophique qui tient l’homme pour la valeur suprême et revendique pour chaque homme la possibilité d’épanouir librement son humanité, ses facultés proprement humaines ». Celle-ci est la conception d’un mouvement intellectuel qui s’est développé en Europe pendant la Renaissance, c’est-à-dire entre le 14ème et le 17ème siècle.
TRIBUNE – L’ancien Testament de la Bible et le Coran rédigés et compilés respectivement entre le 10e et le 6e siècle avant notre ère, et au 7e siècle, sont allés beaucoup plus loin que le courant humaniste européen sur la consécration de l’Homme sur Terre, plusieurs siècles avant son avènement en Europe.
En effet, la centralité et la responsabilité de l’espèce humaine sur Terre ont été consacrées par le verset 1:26 du livre de la Genèse – premier livre de la Bible hébraïque et de la Bible chrétienne – en ces termes : « Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la Terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la Terre. »
Et, selon le verset 30 de la sourate 2 du Coran, pour annoncer aux Anges l’arrivée de l’Homme sur Terre et la mission qui lui est assignée, Dieu dit « Je vais établir sur la Terre un khalife ». D’autres religions et courants spirituels comme le bouddhisme, le confucianisme et l’animisme accordent aussi une place très importante à l’humanisme. Les animistes attribuent même une âme ou une essence vitale aux éléments de la Nature, ce qui les engage à préserver cette dernière, comme les pratiquants des religions abrahamiques.
Ce bref rappel de la valeur et des attributs de l’Homme, selon les courants de pensées philosophiques et religieuses, permet de constater que nul ne devrait être plus humaniste que les croyants-pratiquants de ces religions, notamment les juifs, les chrétiens et les musulmans. Dieu ne leur a pas seulement confié l’entretien et le bien-être de leurs semblables mais surtout la gouvernance de la Terre et de son contenu. En définitive, selon les écritures saintes, Dieu a confié à l’Homme la préservation de la Nature, notamment de sa propre espèce ; par contre, l’acception occidentale de l’humanisme, en plus de la valeur suprême qu’elle attribue à l’Homme, favorise l’absolutisme des libertés individuelles qui, si on n’y prend garde, pourrait conduire à l’extinction de l’espèce humaine. Donc à la disparition du sujet et de l’objet de l’Humanisme.
Une de ces libertés que promeut l’humanisme occidental est celle de choisir librement son orientation sexuelle. Rappelons que ce n’est que le 17 mai 1990 que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rayé, à juste raison, l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Quelques décennies plus tard, en 2022, le manuel pour les parlementaires publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), intitulé Promouvoir les droits et l’inclusion des personnes LGBTI renforce l’argumentaire de la décision de l’OMS en ces termes : « Il existe aujourd’hui un large consensus mondial parmi les scientifiques sur le fait que l’homosexualité est une variation normale et naturelle de la sexualité humaine, sans aucune conséquence néfaste pour la santé. »
En effet, des résultats des recherches menées par des biologistes et des physiologistes ont montré le caractère inné de l’homosexualité. Le Professeur Jacques Balthazart, biologiste belge de l’université de Liège, auteur du livre intitulé Biologie de l’homosexualité. On naît homosexuel, on ne choisit pas de l’être, paru en 2010, estime entre 2 et 10 le pourcentage d’homosexuels dans la population humaine, le taux variant en fonction du contexte culturel et social. Il a mené des expériences de laboratoire sur des rats dont il a réussi à modifier le comportement sexuel par des manipulations hormonales prénatales et néonatales favorisant les attributs du sexe opposé. Ainsi a-t-il rendu « homosexuels » des rats initialement « hétérosexuels ».
Ce qui, soit dit en passant, laisse augurer que le comportement homosexuel d’un individu n’est pas une fatalité. En somme, les résultats des travaux du Professeur Balthazart suggèrent que les pulsions homosexuelles sont liées au fonctionnement physiologique de l’Homme, et que leurs manifestations extérieures ou non dépendent de l’environnement culturel et social. Notez aussi que, bien avant ces résultats, les recherches sur l’origine biologique de l’homosexualité ont été encouragées par la découverte en 1991 du Dr Simon LeVay de l’Université de Stanford, qui avait prouvé que la taille du noyau pré-optique de l’hypothalamus détermine l’orientation sexuelle.
C’est pour ces raisons que nous ne pouvons être que partiellement en phase avec le président du Pastef, Ousmane Sonko lorsqu’il dit, lors d’une conférence qu’il co-animait, le 16 mai 2024, avec Jean-Luc Mélenchon, homme politique français, défenseur des homosexuels, à l’Université Cheikh Anta Diop, que, au Sénégal, l’homosexualité n’est pas acceptée mais tolérée.
Et je trouve également que ses adversaires qui ont cherché à attaquer une telle déclaration ont totalement tort, car, l’homosexualité prise comme phénomène de la Nature, ne laisse aucun choix à l’Homme. Qu’il l’accepte ou non, elle existe. Qu’il la tolère ou non, elle existe. C’est comme qui dirait telle société n’accepte pas la naissance d’humains qui mesurent moins de 1,47 mètre ou plus de 2 mètres.
La problématique de l’homosexualité qui était juste un sujet parmi d’autres abordés lors de la conférence, a finalement ravi la vedette à tous les autres au niveau médiatique, à cause du contexte politique bien chargé, mais aussi de l’importance et de la sensibilité de la question. Et c’est normal, l’homosexualité devrait être au centre des préoccupations de tous les humanistes, notamment les pratiquants des trois religions dites du livre, pour deux raisons : 1. combattre l’homosexualité revient à lutter contre la Nature ; 2. promouvoir l’homosexualité est un jeu dangereux pour l’espèce humaine.
L’attitude des humanistes à l’égard des personnes nées homosexuelles devrait être teintée de compassion et d’empathie. Imaginons le déchirement que pourrait vivre un jeune sénégalais qui en grandissant se rend compte que ses pulsions sexuelles le poussent vers les garçons.
L’imam homosexuel d’origine algérienne Ludovic-Mohamed Zahed décrit bien cet état psychologique qui parfois mène au suicide, à cause d’un profond mal-être social. Et selon l’ouvrage Les minorités sexuelles face au risque suicidaire édité en 2014, en France, par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (devenu Agence nationale de santé publique en 2016), la prévalence des tentatives de suicide chez les homo-/bisexuels est de 2 à 6 fois plus importante que chez les hétérosexuels. La prévalence étant encore plus importante chez les jeunes de moins de 20 ans. L’ouvrage montre que depuis la fin des années 90, les structures de recherche occidentales ont produit une multitude de résultats sur la suicidalité des personnes ne satisfaisant pas la conformité aux stéréotypes de genre. On y trouve des études portant sur les Etats-Unis, le Canada, l’Australie,… et sur différents pays de l’Europe de l’Ouest et du Nord. Même la Turquie.
Le taux extrêmement élevé de suicide chez les personnes à orientation homosexuelle prouve qu’ils n’ont pas, en général, pris cette option par vice ou quête de jouissance dans le stupre. L’affaire est beaucoup plus sérieuse que cela. Et on peut bien comprendre qu’au vu de cette situation humainement alarmante certains humanistes occidentaux s’engagent résolument dans la protection des homosexuels.
Le souci vient plutôt de ce qu’ils semblent verser dans l’apologie du phénomène au risque de compromettre l’avenir de l’Humanité. L’Homme étant de nature intelligente et résiliente, si les différentes sociétés humaines ne s’enferment pas dans des dogmes, elles pourront, comme sur d’autres questions existentielles pour l’espèce humaine, créer un cadre d’échange afin d’arriver à une solution durable pour notre espèce.
Pour ce faire, les Occidentaux doivent mettre un terme à leur obstination, au nom de l’humanisme, à promouvoir l’homosexualité non seulement chez eux, mais partout à travers le monde. Ils sont certainement victimes de la faiblesse humaine dont parle Yuval Noah Harari dans son livre paru en 2018 et intitulé 21 Leçons pour le 21ème siècle. Harari fait cette assertion étayée par des exemples pris dans diverses régions du monde : « La plupart des peuples ont tendance à croire qu’ils sont le centre du monde, et que leur culture est le pivot de l’histoire humaine. »
Le jour où le projet occidental de promouvoir l’homosexualité dans tous les pays du monde aura abouti, le risque majeur que court l’humanité est une décroissance exponentielle de sa population. En effet, tout le monde peut au moins s’entendre sur le fait que l’homosexualité ne peut avoir qu’un effet négatif sur le taux de croissance intrinsèque de la population humaine. Or, cette dernière, définie comme la différence entre le taux de natalité et le taux de mortalité, est le facteur le plus déterminant de l’évolution de la population d’une espèce selon la théorie de Thomas Robert Malthus (1766-1834) améliorée par Pierre-François Verhulst (1804-1849). Le modèle de dynamique des populations de Malthus-Verhulst dit que, si le taux de croissance intrinsèque de la population d’une espèce est négatif, cette dernière est vouée à l’extinction.
Ceci nous amène à évoquer les paradoxes des humanistes occidentaux qui encouragent l’homosexualité en suggérant à leurs enfants que le choix est libre entre être un garçon, une fille ou quelque chose entre les deux. Le premier paradoxe est que l’absolutisme des libertés individuelles de l’être humain les amène à favoriser les conditions de sa propre disparition, celle du sujet-objet de l’humanisme ; le deuxième paradoxe est présenté sous forme de questions.
Au nom de l’absolutisme des libertés individuelles, pourquoi pas la polygamie et la polyandrie, si toutes les parties prenantes sont consentantes ? Pourquoi le Code rural et le Code pénal français interdisent, de fait, la consommation de viande de chien et de chat ? En réalité, les libertés individuelles ne sont qu’un prétexte que nos cousins occidentaux agitent pour imposer au reste du monde certaines de leurs valeurs civilisationnelles, qui, du reste, sont récentes du point de vue de l’histoire.
Quant aux organisations qui militent pour le respect des bonnes mœurs au Sénégal, et qui font souvent référence à l’Islam, elles devraient davantage méditer le verset 30 de la sourate 2 qui assigne à l’Homme la mission de Khalife sur Terre. Avant de chercher à le faire condamner, elles devraient plutôt mettre l’accent sur l’accompagnement du jeune homosexuel psychologiquement et sociologiquement déchiré.
Evidemment, les actes contre-natures, ainsi que l’apologie de l’homosexualité et le mariage de Ngor et Gorgui ou de Maty et Madjiguène ne peuvent pas être acceptés au Sénégal, mais évitons de développer une vive répulsion populaire vis-à-vis des innocents d’apparence et/ou de physiologie homosexuelle. Injustice ne serait pas plus grande que de rejeter l’être humain en prononçant des sentences imprécatoires à son encontre, à cause de ses attributs congénitaux. Imaginez l’état de délabrement mental dans lequel nous mettrions ce jeune qui n’a pas demandé à naître et n’a pas non plus choisi son patrimoine physiologique.
Compte de tenu de la complexité du phénomène de l’homosexualité, nous voudrions inviter les chercheurs sénégalais et africains à courageusement approfondir la réflexion sur le sujet. Qu’ils soient physiologistes, biologistes, démographes, psychologues, philosophes, historiens, théologiens, juristes ou socio-anthropologues, les chercheurs sénégalais et africains doivent davantage faire entendre la voix de l’Afrique sur la question. L’homosexualité est aujourd’hui, de toute évidence, un sujet sociologiquement délicat à aborder au Sénégal et dans beaucoup de pays d’Afrique mais, quel que soit ce que cela peut coûter en matière de notoriété sociale, nous n’avons pas le droit de l’occulter en tant que chercheurs.
D’autant plus que le législateur nous incite à affronter tous les problèmes de la Cité à travers la loi 94-79 sur les franchises universitaires qui, à son article 15, stipule : « Les enseignants et chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leur fonction d’enseignement et de leurs activités de recherche sous les réserves que leurs imposent les principes d’objectivité et de tolérance. »
La question de l’orientation sexuelle des humains – une question existentielle – est trop importante et complexe pour que le monde académique africain ne la prenne pas en charge dans les différents programmes de recherche. Comme l’Occident, l’Afrique doit aller au dialogue des peuples armés de solides arguments scientifiques fournis par les chercheurs, au lieu de laisser les seuls chantres de l’éthique et de la morale religieuse porter sa voix.
Nous devons nous prononcer parce que c’est un devoir, et comme le disait le président Mamadou Dia, on peut renoncer à un droit mais, on ne peut pas renoncer à un devoir.
Abdou Sène est Professeur titulaire de classe exceptionnelle en mathématiques appliquées, Université numérique Cheikh Hamidou Kane.
Maderpost / Seneplus