Invité de l’émission Objection du dimanche 19 mai, Abdou Karim Sock, Expert en gestion des finances publiques, a confirmé la situation de tension à laquelle sont confrontées les finances publiques, et dont a héritée la nouvelle équipe dirigée par le président Bassirou Diomaye Diakahar Faye. Dans un réquisitoire sans complaisance, l’ancien chef de bureau à la direction du ministère de l’Economie, a justifié l’existence d’une telle crise par le simple fait d’une option politique basée sur le financement du développement du Sénégal beaucoup plus appesantie sur les infrastructures à travers l’endettement.
FINANCES PUBLIQUES – « Les finances publiques sont mal en point » ; c’est en tout cas l’avis d’Abdou Karim Sock, expert en finance publique, par ailleurs ancien chef de bureau à la direction du ministère de l’Economie. L’expert a justifié cette tension financière par le fait qu’il y a eu sous le régime du président Macky Sall, beaucoup d’investissements qui ont été réalisés dans le cadre de l’axe 1 basé sur l’endettement.
M. Sock a déploré le fait que « La transformation structurelle de l’économie sous Macky Sall, c’est aller s’endetter pour financer des projets en montage complexe et qui sont déroulés en marge du secteur privé national ».
Parmi ces projets phares, il cite comme exemple le Bus Rapid Transit (BRT) comme l’une des infrastructures sous Macky Sall, dont la réalisation a coûté très cher, environ 300 milliards. « Ce BRT a été monté dans des conditions de marché clé à main avec son lot de problèmes de soutenabilité budgétaire et éventuellement de conséquences au niveau de la trésorerie. Il en est ainsi du TER également et puis les stades de Diamniadio », a-t-il fustigé.
L’expert en finance publique de poursuivre : « Aujourd’hui, si on veut faire le point sur la situation des finances publiques, il faut les appréhender à travers les critères de convergence de l’UEMOA, qu’on appelle un peu les indicateurs macro-économiques. Prenons le déficit budgétaire, le critère de convergence de premier rang dans l’UEMOA dit qu’il doit être inférieur à 3% du PIB. Nous sommes sensiblement à 4%, après un déficit de 5% environ en 2023».
De même, l’encours de la dette, selon l’invité de l’émission Objection, est aujourd’hui à 15 000 milliards, soit 73% du PIB pour ce qui concerne la dette de l’administration centrale, dépassant même la dette communautaire de 3%. A cet effet, l’expert indiquera que « Si on raisonne en termes de déficit public, on prend en compte les déficits au niveau des organismes publics, on rajoute aux déficits un peu des administrations centrales, nous sommes à peu près 80%, avec un service de la dette qui est chiffré à 1800 026 000 000 FCFA».
Abdou Karim Sock n’a pas aussi manqué de pointer du doigt le budget 2024 dont il dénonce la non-sincérité liée au mélange de choses qui ne vont pas ensemble. Selon lui, « La loi organique relative à la loi de finances est très claire. Elle dit qu’il faut séparer les ressources et charges budgétaires, des recettes et dépenses budgétaires, des ressources et charges de trésorerie. Alors que quand vous regardez tel que le budget est conçu, ils ont mélangé les ressources budgétaires, des ressources de trésorerie, les charges budgétaires, des charges de trésorerie ».
Devant ces faits qui font froid dans le dos, l’invité de Baye Oumar Guèye estime que le Projet répond par la nécessité de procéder à des réformes de la fiscalité intérieure pour avoir des ressources endogènes. Pour lui, le projet « C’est d’abord la maîtrise du déficit budgétaire, la rationalisation des dépenses, la réforme de la fiscalité et des ressources des recettes intérieures mais également la maîtrise de la dette parce qu’il y a des relations étroites entre le déficit budgétaire et l’endettement». Dans ce même sillage, il plaide pour la rationalisation des dépenses publiques. D’après lui, « Les dépenses publiques ne sont pas centrées autour des objectifs. C’est distrait. Ça va dans tous les sens. Il y a des activités qui ont des chapitres budgétaires qu’on peut supprimer. »
Par contre, l’économiste exhorte les Sénégalais à s’armer de patience estimant qu’il faudra se projeter à partir de 2025 pour espérer voir enfin une loi de finance qui a été élaborée par les autorités qui sont là. « Les Sénégalais doivent aussi être tolérants. Ce qui a lieu, c’est le bilan de ceux qui sont passés. Ce qui va venir, ça vient d’être semé : il faut prendre le temps de le laisser grandir pour après récolter les fruits. C’est à cela que j’appelle les Sénégalais », a-t-il conclu.
Maderpost / Sud quotidien