Je me dois de rappeler qu’il y’a des sujets, des contextes, des circonstances et des situations pour lesquels, on ne peut pas accepter l’idée d’un état de grâce.
TRIBUNE – Parce qu’y prendre certaines décisions stratégiques peut créer et/ou pérenniser, la prégnance de structures économiques et sociales qu’une élection révolutionnaire a justement promis de détruire.
C’est le cas de la dernière élection présidentielle au Sénégal, qui est jusqu’ici, considérée comme un des signes de la libération des peuples africains par les urnes, après un baroud de déshonneur par des tentatives avortées de coups d’état institutionnels.
Je répète, les institutions de Bretton Woods ont été créées entre 1944 et 1947, par les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale, pour [leur] “assurer l’accès équitable aux ressources dont leurs économies ont besoin pour poursuivre leur développement.”
C’est cette même volonté séculaire d’accaparement des ressources qui a motivé, organisé et développé l’esclavage des Africains, la colonisation de leur continent et, la continuation de son pillage par procuration, avec l’aide de ses propres enfants.
C’est cette même logique qui a piégé des dirigeants africains incultes, simples administrateurs de colonies, issus de coups d’état militaires et/ou institutionnels, avec de la simple dette publique stupide, pour les faire plier au chantage des appuis budgétaires et, in fine, les obliger à ne point s’engager dans des politiques de développement endogènes et inclusives qui sont basées sur la transformation de leurs propres ressources.
Parce que l’enjeu, c’est toujours le contrôle des ressources. Et permettre aux dirigeants africains, de faire de l’industrialisation endogène, c’est leur permettre de contrôler eux-mêmes, l’utilisation de leurs propres ressources. C’est ce qui serait la vraie révolution.
C’est donc avec ce prisme qu’il faudrait observer et analyser l’évolution politique dramatique, que le Sénégal a connu depuis 2012, avec tout ce tricotage résolu, déterminé et assidu, pour dévoyer ses institutions républicaines et, y installer une dictature de fait, qui n’aurait rien à envier à celles de militaires corrompus, criminels, sanglants, fous et truands.
C’est ce qui explique ce prix élevé en termes d’autosabotage, avec de l’embargo économique interne contre toute une région du pays; contre un pays voisin, principal client de son port.
C’est ce qui explique tant de morts, de blessés, d’emprisonnement criminel de jeunes, et d’autres formes de terrorisme d’état pour faire taire toute voix discordante.
C’était le prix que des dirigeants a-patriotiques ont accepté de faire payer aux populations sénégalaises, pour faire du Sénégal la dernière frontière à ne pas franchir, et ainsi, conserver l’Afrique dans le giron du pillage systématique de ses ressources.
Le peuple sénégalais a payé cet énorme prix pour gagner sa liberté de s’autogérer de manière légitime. Nous ne devrions donc laisser personne essayer de lui voler sa victoire et encore moins, l’espoir de lendemains meilleurs pour tout un continent, en nous taisant, lâchement.
Je peux donc comprendre, sans justifier, que des « cadres » Africains soient des patrons dans ces institutions. Mais je dis encore que:
1. s’ils ne connaissent pas vraiment la raison d’être de ces institutions, avec leurs politiques systémiques, ils sont des ignorants et des incompétents, malgré leurs diplômes et;
2. s’ils savent tout cela et ne le combattent pas à l’intérieur de leurs institutions, ils doivent accepter d’être vus comme des traîtres aux populations africaines.
C’est pourquoi j’ai personnellement décidé de les quitter et de combattre leurs méthodes de l’extérieur, après y être entré pour les combattre de l’intérieur, non sans quelques succès notables.
Vous avez dit changement systémique ? Il faudrait donc commencer par arrêter avec la publication sur les réseaux sociaux, de ces photos aguicheuses de certains de nos nouveaux dirigeants, avec des figures africaines qui sont honteusement célèbres, en étant des porte-drapeaux du système de fabrique de pauvreté en Afrique.
C’est comme si on y célébrait les honneurs de la trahison assumée, dans ces grandes messes de précieux ridicules auxquelles, je refuse de participer, pour éviter de donner le sentiment que je ferais partie d’un système que je combats, en renonçant à ma carrière internationale et au déshonneur de ses honneurs.
Je préfère être dans une situation où je peux aider des dirigeants engagés à changer de cap et à se doter de stratégies de développement endogène, sans être obligé de rompre brutalement avec des institutions dont nos pays sont membres et clients.
Pour cela, je ne peux pas poser avec des “vedettes”, genre nègres de salon des institutions internationales, qui doivent justement leurs carrières à leur appartenance à un système de fabrique de pauvreté sur leur propre continent, comme si elles m’avaient dans leurs poches, pour continuer de faire les mêmes choses contre les populations africaines.
Certains sont libres de le faire, par ignorance ou vanité. Je continuerais alors d’exposer leurs attitudes pour avertir les populations qu’ils disent prétendre servir, en attendant qu’ils me portent la contradiction.
Parce que l’heure est grave et que quand on est dans une dynamique de changement structurel, il est plus avisé de cesser de trop communiquer par la parole, les gestes controversés et l’inaction troublante, pour se concentrer sur la réflexion stratégique, s’instruire et s’informer avant d’agir.
Sinon, on peut communiquer d’une manière a-stratégique, qui fait prendre une direction totalement opposée à celle qu’on a l’obligation de prendre, quand on a promis une révolution que tout un continent attend, pour sortir de la pauvreté structurelle dans laquelle ses populations sont plongées depuis trop de siècles.
Pape Demba Thiam
Maderpost