Grande tristesse, gros chagrin et forte indignation. Comment ne pas s’indigner devant tant de souffrance pour reprendre la philosophie humaniste du grand résistant de la seconde guerre mondiale Stéphane HESSEL dans son célèbre opuscule « INDIGNEZ VOUS ».
TRIBUNE – Nous sommes tous indignés de voir notre charmant Sénégal, un pays où il fait toujours grand soleil, baigné dans les vagues de l’océan et ventilé par les alizés de l’Atlantique être au bord de l’abime. Le pays de l’hospitalité et de la « Teranga » où il fait bon vivre voler en éclats en interne et jeté en pâture à l’extérieur. Tout le monde en pâtit. De la politique à l’économie en passant par le social. Tout est mis en berne. La République du Sénégal est malade.
Les sénégalais souffrent. Ils vivent dans l’inquiétude et l’angoisse. La cause L’annonce par le Président de la République du report de l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février sine die. INEDIT! La justification Une forte crise préélectorale qui présageait d’un chaos post électoral. Un processus électoral fortement décrié : manquements et dysfonctionnements, accusations et coaccusations de double nationalité et de soupçon de corruption des juges constitutionnels, de validations et d’invalidations irrégulières et tutti quanti… Pléthore de contestations sur le processus en cours s’enchevêtrant et s’emballant les uns sur les autres.
Le Président de la République gardien de la Constitution dans une logique précautionneuse d’anticipation « Gouverner c’est prévoir » crut décider du meilleur avec le report de l’élection présidentielle du 25 février pour garantir l’organisation d’une élection libre, transparente et inclusive et s’inscrire dans la longue tradition démocratique d’un pays qui vote depuis 1848 et qui au demeurant a même envoyé son cahier de doléances aux États Généraux de la révolution française de 1789; et éviter le pire à savoir tout risque de chaos post électoral qui mettrait en péril notre République.
Toutefois une masse critique de citoyens sénégalais de l’intérieur comme de la diaspora ont considéré que le report sine die et inédit était le seuil critique à ne pas franchir, la ligne rouge à ne pas atteindre. Surtout Une classe politique farouchement opposée au report a estimé que le Président de la République du Sénégal venait de franchir le Rubicon. De ces contestations démocratiques naquirent des détestations républicaines divisant et fracturant notre chère nation.
Le Président de la République malgré sa posture de Président sortant non-candidat et sa réitération à ne pas briguer un 3ème mandat, il y eut une réédition des violentes manifestations de mars 2021 et juin 2023. Et la « chienlit » verbatim Général de Gaulle fit irruption. Le désordre électoral déjà constaté avec une inflation de candidatures plus d’une centaine (100) s’amplifia. Le chaos démocratique tant redouté commença à prendre place. Et le tumulte républicain assourdissant s’installa. En un laps de temps, l’image de notre aimable Sénégal s’est soudainement assombrie, passant de la lumière à l’ombre.
L’image noire d’un corps social en souffrance, assis sur un volcan et une chape de nuages sur la tête le mettant dans une atmosphère cataclysmique. Crise institutionnelle ou crise insurrectionnelle? On est dans un pays dévasté avec des pertes humaines et des dégâts matériels. Des corps mutilés et des ouvrages éventrés. Une République balafrée. Une nation fracturée. Un vivre ensemble en ruines avec des cœurs brisés, des âmes éteintes, des corps blessés et des esprits torturés.
L’on constate avec désolation et indignation qu’une avalanche de commentaires et un déferlement de chroniques se sont abattus sur le Sénégal. Amis et ou partenaires se tournent tristement vers le Sénégal. Notre pays est devenu sinistrement attractif. Partageant le tryptique de l’actualité brulante GAZA_UKRAINE_ SENEGAL. L’on note avec amertume qu’une fade lumière grise est braquée sur le Sénégal. Tous les yeux sont rivés sur la jeune et exemplaire République du Sénégal et toutes les oreilles restent pendues à ses convulsions démocratiques et l’évolution de son processus électoral pour le choix de son futur 5ème Président de la République. Force est de constater que l’émotion a été mondiale. Le monde surtout occidental a eu peur.
Toutes les grandes démocraties ont exprimé leur solidarité à l’endroit du peuple sénégalais. Il faut dire qu’il y va de leur intérêt vital de ne pas laisser le seul écrin démocratique en Afrique de l’Ouest se briser. Il y va de leur intérêt stratégique de préserver l’exception démocratique sénégalaise, l’un des rares pôles de stabilité et de sécurité qui n’a jamais été contaminé par l’épidémie de coups d’état militaires et de régimes autoritaires.
L’on comprend mieux la préoccupation pressante et insistante des occidentaux car notre stabilité sociale commande leur paix publique. Les phénomènes de crise migratoire mortelle et de terrorisme sanglant du Sahel disséminés en Occident consécutifs à la déstabilisation de la Libye montrent à suffisance leur intérêt à préserver la stabilité de notre cher continent. C’est dire que leur solidarité n’est ni gratuite ni fortuite.
La chute de la démocratie sénégalaise c’est la déstabilisation achevée de l’Afrique de l’Ouest et l’insécurité croissante de l’Occident. L’on comprend davantage leur solidarité si affirmée et si puissante avec son lot de leçons démocratiques qu’ils oublient le principe sacrosaint de la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains pleinement souverains. Tout en ignorant dans le même temps tous les autres régimes autoritaires où il y a vraiment nécessité à enseigner leur modèle démocratique des droits de l’homme (Chine, Corée du Nord, Russie pour l’actualité…)
La décision du Conseil Constitutionnel arriva. Et vint à son heure. La décision Numéro 1/C/2024 du 15 février 2024 du Conseil Constitutionnel invalidant la loi instituant le report de l’élection présidentielle et abrogeant le décret s’y rattachant fut salutaire pour la République et la vie de la nation.
A priori, grâce à cette décision symbolique la mort de la République fut enterrée. Notre République laïque éminemment croyante renait de ses cendres avec l’aide d’Allah notre Seigneur. La nation en agonie revit et se revigore. Les citoyens se mettent à cesser de pleurer. Ils commencent à sécher leurs larmes et à enterrer cette funeste séquence avec la multiplication de manifestations pacifiques.
Grace à cette décision essentielle, la réalité de l’État de droit refait surface. D’une part avec l’injonction du Conseil Constitutionnel à l’endroit du pouvoir exécutif au premier chef le Président de la République d’organiser les élections dans « les meilleurs délais »; et d’autre part avec la réaffirmation de l’État de droit illustré par la séparation des pouvoirs exécutif, judiciaire et parlementaire. Mais un grand paradoxe surgit dans le dénouement de cette crise devenue inextricable.
Car à posteriori, la décision censée préciser et éclairer la lanterne des sénégalais a engendré confusion et incertitude. Un débat sémantique sur la notion de meilleurs délais. Des interprétations diverses et divergentes de ladite décision engendrent une accentuation de la crise et une radicalisation des positions.
Quant au Président de la République dans son rôle et dans ses prérogatives constitutionnelles il prit acte et se conforma lui aussi à ladite décision Erga Omnes avec l’autorité de la chose jugée. Il initia la tenue d’un dialogue national pour un consensus fort sur le choix de la date de l’élection et le modus opérandi du processus. Aujourd’hui plus qu’hier, après la première décision du Conseil du 15 Février et les recommandations du dialogue national ainsi que la position réaffirmée et ferme du Président de la République de quitter ses fonctions au terme de son mandat le 2 Avril 2024, le problème reste entier.
Les difficultés s’accumulent, les oppositions s’amoncellent dans une dynamique de dégringolade démocratique et dans un esprit de décadence républicaine sans pareille mesure. Et la République se voit mourir de sa belle mort et le monde entier la regarde périr. Dans cet imbroglio juridico politique et ce flou sémantique entourant la date de l’élection ou le jour J sacré de la République, le Sénégal est encore au bord de l’abime, il demeure au bord du précipice et tout pourrait basculer à tout moment. Seule la valse à deux temps entre le Président de la République et le Conseil Constitutionnel sauvera notre République.
Le salut de la République viendra de leur réalisme et de leur double sens de la responsabilité et de l’histoire. Le réalisme c’est faire le constat que le report est acté depuis le 25 février et que le jeu est déjà fait. Et qu’il faut décider de manière concrète en tenant compte que l’élection ne pourra en aucun cas se tenir avant le 02 avril. En écho à l’illustre pensée du Général De Gaulle « il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités » Concernant le Conseil Constitutionnel ma conviction citoyenne est qu’il sera le Sauveur de la République.
Nul doute que la décision attendue sera à la hauteur de la gravité du moment. Nul doute qu’elle sera historique. Nul doute que le Conseil constitutionnel dans ses prérogatives exceptionnelles de créateur de droit de notre vivre ensemble à ce moment exceptionnel gratifiera la République d’une décision exceptionnelle empreinte de droit légal et de culture républicaine.
Une décision qui garantit l’État de droit et l’unité nationale. Une décision qui dit la norme juridique et qui favorise la paix sociale. Après avoir été à l’écoute d’un pays aussi fracturé et d’une nation si déchirée, Les sept « sages » dans leur sagesse ne sacrifieront pas le pays sur l’autel d’un calendrier républicain dogmatique. Rien ni personne n’ébranlera leur sagesse. Malgré la pression pressante et oppressante des politiques il demeure le maître des horloges.
Alors nul doute qu’il s’agira d’une décision de compromis et de synthèse qui redonnera confiance aux sénégalais dans leur démocratie et qui réhabilitera le Sénégal dans son rôle de modèle démocratique. C’est dire que les « 7 sages » dans leur rôle de créateur de droit dans cette séquence inédite ; avec leur neutralité bienveillante et à équidistance du jeu politique viseront de manière concomitante la légalité et la stabilité du pays. Nul doute qu’ils mettront en œuvre un format institutionnel de sortie de crise et une transition pertinente exonérant la république de tout vide institutionnel et l’instabilité y afférent. Avec comme seul double objectif l’État de droit et la concorde nationale. S’agissant du Président de la République, son devoir républicain dans cette crise n’est pas seulement de fixer la date de l’élection dans les meilleurs délais mais d’organiser les meilleures élections, d’assumer et d’assurer la meilleure passation du pouvoir républicain dont il est dépositaire.
L’ultime chantier du Président de la République et l’aboutissement de son œuvre c’est de s’investir personnellement et fortement, se retroussant les manches à tout lieu et tout temps dans sa position de non participant, pour la tenue des meilleures élections dans un climat de concorde nationale et de paix sociale. Le devoir républicain du Président c’est certes de fixer la date de l’élection mais avec un préalable majeur : parler à son peuple, converser avec les citoyens, leur dire et redire l’importance de préserver la concorde nationale. Et après avoir dit, faire en poursuivant la dynamique de réconciliation engagée.
Le devoir républicain du Président c’est de finir sa mission républicaine comme un Président d’anthologie portant en bandoulière les meilleures élections et la meilleure transition démocratique du Sénégal qui seront inscrites dans le Panthéon de la démocratie ; et pouvoir franchir successivement la porte de sortie du Sénégal et la porte d’entrée de la cour des grands hommes. In fine, dans mon appel à l’indignation, ma conviction citoyenne est que cette séquence fut elle douloureuse sera un choc salutaire à l’épreuve d’une maturité démocratique. La République en sortira plus forte et plus robuste pour poursuivre le chemin du progrès au bénéfice d’un peuple sénégalais fier et digne avec une démocratie qui renoue avec son rôle de modèle universel.
Mame Diarra SOW Citoyenne