La politique d’industrialisation vise à transformer la structure de l’économie sénégalaise basée sur l’agriculture et les services en une économie dont le socle sera l’industrie et les manufactures. L’Objectif est double. Il s’agit d’une part de créer une croissance économique durable, inclusive et d’autre part, de favoriser la création de milliers d’emplois pour faire face au chômage notamment celui des jeunes.
INDUSTRIALISATION – En inaugurant, le mardi 05 décembre 2023, la deuxième phase de la plateforme industrielle de Diamniadio, le Sénégal vient de franchir un pas de plus dans son processus d’industrialisation.
Cette plateforme qui fait partie des projets phares du Plan Sénégal émergent propose sur une superficie de 40 hectares comprenant, entre autres commodités, 17 hangars, 17 restaurants, une cité pouvant accueillir 1 400 personnes, un entrepôt de 1 800 m², un terrain omnisport, des aires de jeux et de loisirs, et un bâtiment administratif bref, des bâtiments modernes, qui en plus sont soutenus par un train de mesures comme des avantages fiscaux et non fiscaux et des facteurs de production compétitifs.
L’infrastructure est une réponse à la demande d’espaces dédiés en vue de désengorger Dakar et d’attirer des investisseurs.
« Cet ensemble présent sur le Parc contribuera à améliorer nos capacités productives par le gain de temps et le bien-être des travailleurs, dans le respect des normes environnementales et sociales, en cohérence avec notre stratégie de transition écologique et de contribution à la lutte contre le réchauffement climatique », s’est félicité le président Macky Sall à l’inauguration, réaffirmant son ambition d’ériger le Sénégal au rang des pays les plus industrialisés d’Afrique à l’horizon 2035.
Pour rappel, le pays s’est doté d’une nouvelle politique d’industrialisation validée, en octobre 2021 et qui est déclinée en plans quinquennaux. Cette politique vise à transformer l’économie sénégalaise basée sur l’agriculture et les services en une économie, dont le socle sera l’industrie et les manufactures.
L’actualisation de la politique industrielle du Sénégal est motivée par les enseignements tirés de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et la perspective de l’exploitation du pétrole et du gaz. « La pandémie de la Covid-19 continue d’impacter tous les secteurs de la vie et aucun pays n’est épargné par ses effets négatifs. Mais cette crise a surtout révélé la faiblesse de nos systèmes productifs, nos modes de consommations extravertis, notre dépendance vis-à-vis des pays industrialisés », déclarait le chef de l’Etat sénégalais.
Quatre axes stratégiques guident cette nouvelle politique d’industrialisation. Il s’agit :
- de la transformation des ressources agricoles, sylvopastorales et halieutiques ;
- de la transformation industrielle des ressources minérales et des hydrocarbures ;
- du développement de l’industrie pharmaceutique et de la pharmacopée ;
- et du développement des industries à forte intensité technologique et d’innovation.
Elle se concentre sur les secteurs de l’agroalimentaire, des ressources minières, des industries manufacturières où le Sénégal dispose d’un important potentiel.
Dans le secteur minier, par exemple, le Sénégal a le phosphate, l’or, le pétrole, le gaz, le fer, le zircon, etc. Ces ressources pourraient être exploitées pour développer une industrie minière moderne et compétitive. Le potentiel pour développer des industries manufacturières dans les secteurs de l’électronique, de la construction et des équipements est également considérable.
Des leviers sont identifiés pour assurer la mise en œuvre et la réussite de la politique d’industrialisation. Pour Ibrahima Sonko, directeur des Stratégies de développement industriel au ministère de l’Industrie et de la Petite et moyenne industrie plusieurs leviers doivent être mis en branle.
Il cite notamment, l’accès au financement, un cadre des affaires attrayant et attractif, le renforcement des capacités techniques, technologiques, commerciales et d’innovation, le développement du capital humain, le développement des infrastructures, le cadre de gouvernance et de mise en œuvre, la promotion de la coopération internationale, le renforcement des capacités des entreprises industrielles. C’est un gros challenge.
L’Etat, pour attirer les investisseurs étrangers, a créé des zones économiques spéciales (ZES) et des agropoles. Il a aussi mis en place des programmes de soutien aux entreprises notamment des subventions, des crédits et des formations, mais aussi promeut la recherche dans le secteur industriel. L’objectif est de créer, d’ici 2025, 100 000 emplois industriels.
Selon les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), la contribution du secteur industriel au Produit intérieur brut (PIB) du Sénégal, en 2022, était environ de 20 %.
La valeur ajoutée brute du secteur industriel a atteint 3 563 milliards de FCFA (5,4 milliards d’euros) en 2022, en hausse de 24 % par rapport à 2021. Cette croissance a été portée par les activités de transformation agroalimentaire, de production textile et d’industrie manufacturière.
Le gouvernement espère avec la politique qu’il mène que le secteur industriel pourrait offrir davantage d’opportunités d’investissement, de production, de création d’emplois, d’innovation et de circulation des personnes et des biens comme souhaité par le chef de l’Etat sénégalais.
« L’industrie et les infrastructures sont deux déterminants majeurs du renouveau productif de notre pays, parce qu’elles contribuent grandement à la croissance économique indispensable au développement », a-t-il déclaré.
Un constat partagé par Ibrahima SY, directeur général délégué du groupe MFB propriétaire au Sénégal des sociétés FKS Foods, Bisa, etc. Voyant partout des opportunités, il affirme que le Sénégal a le potentiel pour être un pays industriel.
Donnant l’exemple de l’arachide, M. Sy indique que chaque dérivé est une niche. « Avec la graine d’arachide, on peut avoir trois à quatre produits industriels et y gagner de l’argent au plan local et à l’échelle sous régionale et internationale. Il en est de même pour le zircon, le phosphate, le gaz, etc., » confie-t-il.
Toutefois, le directeur général délégué du groupe MFB soutient que le Sénégal pèche toujours dans la mise en œuvre de ses politiques. « Aujourd’hui, on parle beaucoup de politique d’industrialisation du Sénégal mais nous avons un problème pour valoriser nos ressources. »
Toutefois il reconnait que le Sénégal est un pays pauvre avec peu de ressources financières (le nerf de la guerre), mais soutient néanmoins que ce handicap n’est pas insurmontable dès lors qu’il y a la volonté politique, même si celle-ci à elle seule n’est pas suffisante.
« Les hommes d’affaires doivent pouvoir nouer les partenariats nécessaires pour pouvoir mobiliser les ressources financières parce que sans celles-ci, on a beau avoir toutes les ressources naturelles et des idées, on n’ira pas loin », confie-t-il. A son avis, il faut, en plus d’une politique claire, une conjugaison des efforts de tous les acteurs de l’écosystème. « Tous les pays industrialisés ont une politique claire qui incite le secteur privé à investir », insiste Ibrahima SY.
Pilier majeur du Plan Sénégal émergent (PSE), dans la stratégie de développement du pays à l’horizon 2035, l’industrialisation est importante selon Ibrahima Sonko.
D’abord, elle permettra à son point d’achèvement, de lutter contre le chômage notamment celui des jeunes par la création de milliers d’emplois d’une part, et d’autre part, d’augmenter les revenus des populations et de réduire la pauvreté. Ensuite, elle va donner un coup de fouet à l’économie par sa diversification et la rendre plus résiliente aux chocs externes.
D’où la territorialisation des politiques publiques qui la sous-tend, pour un « développement inclusif et durable et le bien-être des populations du Sénégal ». La création de la zone économique spéciale de Sandiara et celle de Foundiougne en est la traduction dans le secteur de l’industrie.
Le gouvernement envisage d’en créer d’autres. Cependant, pour réussir cette industrialisation, certains défis doivent être relevés notamment l’accès aux ressources financières, mais aussi une main-d’œuvre qualifiée.
Les agropoles
La production agricole est faible au Sénégal malgré un réel potentiel. Pourtant, le pays dispose de terres fertiles, d’un climat favorable et d’une main-d’œuvre abondante. Pour remédier à ces problèmes, le gouvernement a mis en place les agropoles.
Elles sont conçues pour créer des zones dédiées à la transformation des produits agricoles et sont un élément clé de la politique d’industrialisation du Sénégal. Ces zones offriront des infrastructures et des services adaptés aux entreprises agroalimentaires, telles que des zones industrielles, des centres de recherche et développement et des écoles de formation.
Au départ, elles étaient au nombre de trois (agropole zone sud, centre et nord) mais on en a créé deux autres (agropole est et ouest) en les spécialisant. L’agropole nord située dans la région de Saint-Louis, se concentrera sur la transformation de l’arachide, du riz et de la pêche ; l’agropole centre située dans la région de Thiès va se focaliser sur la transformation des céréales, de l’arachide et du sel.
L’agropole sud située dans la région de Ziguinchor mettra l’accent sur la transformation des fruits et légumes. Si ces agropoles sont réalisées, elles vont décentraliser le tissu industriel sénégalais et l’objectif sera que , le Sénégal produira ce dont il a besoin avec comme slogan « de la fourche à la fourchette ».
Les agropoles devraient également créer des milliers d’emplois dans le secteur agroalimentaire et contribuer à augmenter la productivité agricole tout en continuant à réduire la pauvreté.
Cependant, les agropoles présentent certains défis d’ordre financier. Le gouvernement doit mobiliser d’importantes ressources financières pour la construction et le développement des agropoles.
Selon Ibrahima Sonko, directeur des Stratégies de développement industriel au ministère de l’Industrie et de la Petite et moyenne industrie, le gouvernement travaille à relever ces défis avec ses partenaires tels que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, qui a récemment accordé le financement pour l’agropole nord.
Les zones économiques spéciales du Sénégal
Les zones économiques spéciales (ZES) sont un autre élément clé de la politique d’industrialisation du Sénégal. Elles ont pour objectif d’attirer les investisseurs étrangers et de créer des emplois dans le secteur industriel. Les ZES offrent aux entreprises des avantages fiscaux et douaniers, ainsi qu’un accès à des infrastructures et des services de qualité.
Elles sont aujourd’hui situées dans des zones géographiques stratégiques, telles que des zones portuaires ou aéroportuaires. Le Sénégal compte actuellement deux ZES : La zone industrielle de Diamniadio située à proximité de l’aéroport international Blaise Diagne est spécialisée dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et des Techniques de l’information et de la communication (TIC).
La zone industrielle de Foundiougne située dans la région de Fatick est spécialisée dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la pêche.
Il y a également la zone économique spéciale de Sandiara (région de Thiès) qui est une zone industrielle. Elle a été créée en 2017 par le gouvernement dans le cadre d’une stratégie de développement économique régional. Elle s’étend sur une superficie de 100 hectares et peut accueillir jusqu’à 30 usines.
La ZES de Sandiara offre aux investisseurs une série d’avantages fiscaux et douaniers, notamment une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant cinq ans, une exonération des droits de douane sur les importations de matériel et d’équipements.
Elle a déjà attiré plusieurs investisseurs notamment des entreprises chinoises, turques et sénégalaises. Les secteurs d’activité les plus représentés sont la transformation agroalimentaire, la production textile et l’industrie manufacturière. Les ZES ont le potentiel d’aider le Sénégal à atteindre ses objectifs d’industrialisation.
Maderpost / Lejecos