La raison du cœur a eu raison sur ma raison !
Ma raison s’est alors éclipsée
Résonnent à présent les raisons du cœur ;
Mon cœur accuse ma raison
Comment peux-tu accepter dit-il avec une inaction et un mutisme coupable que ces scènes odieuses se déroulent sous tes yeux sans t’indigner, sans résister ?
Je t’accuse de lâcheté.
TRIBUNE – J’accuse, répondit à son tour ma raison, mon éducation « spirituelle », mes textes de lois désossés, « colonisés », ma culture dessalinisée, mon école dévoyée, mes enseignants aux sciences sans conscience, ma société tiktokisée, mes gouvernants vassalisés, ma presse pressée, l’affairisation de la régulation sociale …
Ne vois-tu pas mon mal-être, dit la raison ?
Je n’ai personne pour m’exhumer de l’ignorance dans laquelle une pensée européocentrique m’a longtemps maintenu ? Derrière l’apparence de la raison triomphale, je refoule et traque les manifestations de la déraison que seule ma raison sait.
Oh mon cœur, secours-moi ; ma raison déraisonne de plus en plus.
Les sources de la vie ne jaillissent plus de mon cœur ; ce dernier est corrompu par le virus du superficiel et de l’artificiel que lui miroitent l’au-delà de l’Atlantique, mais aussi ces faux modèles dont le succès ne repose que sur le nombre de click et leur capacité à faire du bad buzz.
Et depuis je vis une ataraxie, une frigidité, un désœuvrement, une léthargie et une prostration.
Et la quête de savoir n’étant pas la priorité sous nos cieux, ma raison s’est amollie sous l’effet pervers des réseaux sociaux.
Je suis devenu un mort ambulant, car il y a la même différence entre les savants et les ignorants qu’entre les vivants et les morts disait Aristote.
J’accuse, dit encore la raison, mon État qui m’a mis dans cet état.
J’ai pourtant donné à mon État des droits afin qu’il me construise un État de droit dans lequel je vivrai la plénitude de ma sénégalité.
Ceux qui ont le titre de Sage dans la société m’enseignent que me taire, courber l’échine devant l’inacceptable, c‘est faire preuve de bonne citoyenneté. C’est la voie du salut. C’est le viatique du croyant.
Ils m’ont appris que la paix se forgeait de cette manière. Que la paix voulait dire absence de violence.
Les proches, au nom de leur amour pour moi, me recommandent tous l’indifférence lorsque l’injustice et la souffrance ne touchent que les autres et pas moi.
Ils disent de l’indifférence qu’elle est synonyme d’élégance et de leadership
Oui l’indifférence disent-ils fera de moi un homme différent et sans différend avec les autres.
Tous m’apprennent que le cœur, la foi, l’amour n’ont pas de place dans le discours froid de la République.
Et pourtant de l’autre côté de l’océan, j’apprends que leurs républiques et leurs institutions sont nées des entrailles de leurs histoires : leurs valeurs, leurs cultures, leurs luttes, leurs misères, leurs religions… les raisons qui gouvernent leurs cœurs.
Ils faisaient la différence entre récit et histoire pour bâtir leur nation.
Ils ont forgé l’âme de leurs républiques et institutions au lieu de la meubler.
Ici cependant, Ils m’exigent le respect des institutions sans me faire aimer l’effluve de leurs essences.
Ils croient peut-être que l’agrément de la raison, suffit pour adopter une éthique. L’’adhésion du cœur ne semble pas important pour ces tailleurs de lois.
Tantôt ma raison les entend dire : « c’est la loi », « ça a été voté à l’assemblée », « c’est la raison d’État », « c’est ça la politique », « il a trompé tout le monde, il est très politique »…. Tantôt elle les entend dire que c’est une décision de justice ; même injuste il faut opposer un mutisme ; ainsi tu seras un vrai républicain, un homme bien, un bon croyant.
Ma raison reste toujours stupéfaite devant leur manie à toujours trouver de bons arguments pour justifier leurs mauvaises actions.
Et ma raison se met encore à douter. Elle entend certains crier à la vérité et d’autres au mensonge.
Elle doute encore plus parce qu’elle sait que la vérité souffre davantage de l’empotement de ses partisans que des arguments de ses opposants.
Mais hélas ma raison comme celle de plusieurs millions de sénégalais, façonnée telle qu’elle est, finit par obéir à un système froid que les cœurs méconnaissent.
Tu aperçois alors des milliers de jeunes gens malheureux sur les pirogues de Barsakh, victimes de la guerre fratricide entre leurs raisons et leurs cœurs, s’exiler pour demander asile là où ils espèrent trouver une terre fertile pour la vie des cœurs.
Car ici, on leur a enlevé toute possibilité de fleurir là ou Dieu les a semés. Quelle horreur !
Mon cœur écœuré se révolte et s’écrie : halte à l’absurde, à l’ignominie, au crime, au mensonge, à la destruction de la Nation, à la course aux richesses.
Par la raison, plusieurs compatriotes comme du reste moi-même ont été si aliénés qu’ils ont fini par croire que le cœur n’était pas le vrai siège de la sage vérité.
Et pourtant, « ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais plutôt les coeurs dans les poitrines… » nous dit Allah dans le saint Coran.
Que votre parure ne soit pas une parure extérieure- cheveux tressés, ornements d’or ou vêtements élégants- mais plutôt celle intérieure et cachée du cœur, la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible, qui est d’une grande valeur devant Dieu dit aussi la sainte Bible
Oui j’accuse, poursuit ma raison, le discours de la globalisation qui légitime les compromis dans toutes les sphères du système. Des compromis destructeurs.
Ils n’ont peut-être pas entendu le mahatma Gandhi formuler cette observation : « Tout compromis repose sur des concessions mutuelles, mais il ne saurait y avoir de concessions mutuelles lorsqu’il s’agit de principes fondamentaux ».
Or nos fondamentaux sur lesquels reposent les raisons du cœur ont été pillés.
Aussi les cœurs ne résonnent-ils plus.
Aussi avons-nous perdu le courage ; parce que le siège du courage est le cœur.
Aussi avons-nous tout perdu ; car comme disait Aristote « le courage est la première des qualités humaines, car elle garantit toutes les autres. »
Sans courage, point de liberté et sans liberté point de bonheur
Puisqu’il y a par ailleurs plus de courage que de talent dans la plupart des réussites, alors fleurit la forêt des échecs en l’absence de courage.
Mon cœur, très remonté contre ma raison, proclame avant de prendre son envol : « Les décisions non enrobées dans le manteau de la sagesse peuvent longtemps galoper sans encourir la dure sanction des faits; mais leur conséquence est fatale et destructrice sur une nation ».
Je ne m’en tiendrai à leurs résolutions que parce qu’elles auraient été bonnes mais pas parce qu’elles ont été prises.
Je m’engage au changement.
Je suis le cœur.
Oh toi raison, Ôte-toi de mon chemin. Tu as failli. Tu n’as produit que des intellectuels dont les discours anesthésiants ne reflètent que les sombres méandres de leurs égos.
Tout comme l’eau reflète un visage, le cœur de l’homme reflète l’homme.
N’est-ce pas par là qu’ Allah oriente son regard ?.
Quand le cœur commande et dicte la conduite des hommes, tout devient humain, sacré, respectueux et surtout possible.
« Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne : “‘retire-toi de là et jette-toi dans la mer” et s’il ne doute pas dans son cœur mais croît que ce qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir. Marc 11 :23
Moustapha Mamba GUIRASSY.
Président du parti S.E.T (Sénégal En Tête)
Maderpost