Merci à l’État de droit. Ousmane Sonko peut dire merci à cette justice sénégalaise qu’aucun homme politique avant lui, n’avait à ce point osé insulter, vilipender, invectiver, défier. Il peut dire aussi merci aux juges sénégalais qu’aucun homme politique avant lui n’avait osé humilier en les agonisant d’injures en des termes aussi outranciers qu’outrageants. Il peut surtout dire merci aux magistrats sénégalais qu’aucun justiciable avant lui n’avait aussi impunément osé attenter à la dignité. Sans oublier l’institution judiciaire qu’aucun sénégalais avant lui, n’avait osé intimider et piétiner de manière aussi violente et assumée, donnant presque parfois l’impression de s’essuyer les pieds sur la robe des juges.
TRIBUNE – Jamais dans l’histoire du Sénégal, un simple justiciable n’avait à ce point osé profaner l’état de droit. Jamais un citoyen n’avait osé déclamer, dans l’enceinte d’un tribunal sénégalais, tout le mépris qu’il avait pour la justice de son pays. Jamais dans l’histoire du Sénégal, la Justice, pilier essentiel de notre système démocratique, n’avait subi un tel niveau d’affront de la part d’un citoyen.
L’élection présidentielle en bruit de fond du procès
Dans son procès en diffamation qui l’opposait au ministre du Tourisme, le président du Pastef risquait gros parce qu’il a joué gros en défiant régulièrement les institutions de la République.
Finalement condamné dans son procès pour diffamation à deux mois de prison avec sursis et deux cents millions de dommages-intérêts alors que le ministère public réclamait deux ans de prison, dont douze mois ferme, on peut dire qu’Ousmane Sonko s’en tire pas trop mal dans une procédure à fort enjeu politique et sous haute surveillance médiatique et diplomatique.
Ce verdict rendu de manière exemplaire « au nom du peuple sénégalais », consacre l’honneur de la magistrature sénégalaise qui, depuis le déclenchement de cette affaire, a été lourdement attaquée et brutalisée par Ousmane Sonko.
Car ce procès qui s’est tenu avec en bruit de fond l’élection présidentielle de 2024 où la question de la participation du président du Pastef était l’enjeu central, avait une dimension plus politique que judiciaire.
Alors dire que le juge a eu la «main molle », chacun pourra en juger. Parce qu’il encourait une peine d’inéligibilité qui allait décapiter sa candidature à l’élection présidentielle, le dénouement provisoire de ce procès, puisqu’il y a appel, sauve momentanément Sonko de l’ascenseur judiciaire qui allait le mener vers l’échafaud politique.
Du coup, n’en déplaise aux contempteurs de la justice sénégalaise et à tous ceux qui s’attendaient à un coup de force judiciaire avec un verdict connu d’avance dont la seule finalité serait l’arrêt de mort politique de Ousmane Sonko, la sentence prononcée par le juge a démontré de manière magistrale que l’indépendance et l’impartialité de la magistrature sénégalaise, sans être à toute épreuve, ne sont pas qu’illusions.
C’est pourquoi, le verdict rendu par le juge devrait être source d’examen de conscience pour tous ceux qui sont si prompts à dénoncer une justice aux ordres ou à parler de complot ourdi tout au sommet de l’état pour empêcher le principal opposant au Président Macky Sall, d’être candidat à la prochaine élection présidentielle.
Ousmane Sonko pas au-dessus des lois
S’il est admis que derrière chaque verdict, il y a avant tout, une histoire d’intime conviction, il est incontestable que le contexte pré-électoral brouillé et bouillant, ponctué par des accès de violence qui ont déjà provoqué des morts, aura indéniablement eu un impact sur la sentence. Une peine clémente diront certains, une décision sage jugeront d’autres, un verdict d’apaisement à tout le moins pour tout le monde.
Car l’affaire Mame Mbaye Niang-Ousmane Sonko, plus qu’un procès, est le symbole d’une dualité qui traverse le pays. Au-delà des partisans du Président et des sympathisants de l’opposant radical, presque chaque citoyen sénégalais a fait de cette procédure, l’étendard de son inclination politique.
Mais abstraction faite de tout sentiment partisan, la jurisprudence constante appliquée aux procès en diffamation autorisait le juge à déchoir Ousmane Sonko de ses droits civiques. Et personne ne pourrait rien trouver à y redire. Aucun sénégalais de bonne foi n’aurait crié au scandale. Car pour le même délit, le directeur de publication d’un quotidien sénégalais et deux de ses collaborateurs avaient été condamnés dans un jugement en date du 5 mars 2020 à six mois de prison avec sursis avec une amende conséquente.
Mais pour un homme qui a fait de la violence et de la terreur, la marque de fabrique de son action politique, sa condamnation est un rappel à l’ordre républicain. Qu’être opposant ne vous place pas au-dessus des lois, ne permet pas tout et ne justifie pas tout.
Sonko, stratège de sa propre déchéance
Ousmane Sonko s’est-il égaré dans ses illusions de puissance au point de croire que sa grande popularité pouvait lui servir de totem d’immunité et d’impunité pour accuser sans preuve, défier les institutions de la République, fragiliser la cohésion nationale et appeler sans cesse à l’insurrection pour semer le chaos dans le pays ?
En adoptant cette posture dangereuse pour la stabilité du pays et indigne de quelqu’un qui aspire à présider aux destinées du Sénégal, Ousmane Sonko s’est transformé en stratège de sa propre déchéance.
Lui qui croyait que le tribunal de la rue pouvait se substituer au suffrage universel, aucun de ses derniers appels à manifester n’a trouvé de véritable écho dans le pays. Sa dernière tentative foireuse de manipulation pour saper la fête de l’indépendance le 4 avril est le signe avant-coureur d’une dégringolade et d’un mouvement de rotation politique qui commence à poindre dans l’opinion et chez ses alliés Un immense doute est en train de s’installer.
Comme si une partie des Sénégalais voulait lui notifier que la préservation de la stabilité du pays, de l’exception démocratique sénégalaise et de la cohésion nationale étaient supérieures à sa survie politique. Comme si le peuple voulait lui notifier qu’il devait assumer les conséquences de ses propres déviances.
Sous la pression politiquement suffocante de deux affaires judiciaires à moins d’un an de l’élection présidentielle, le président du Pastef est fragilisé comme jamais. Son aura s’est affaissée. L’armure de l’opposant radicalo-intouchable s’est sérieusement craquelée. Elle risque d’être pulvérisée par la chronique de ses démêlés judiciaires. Ousmane Sonko est aujourd’hui un homme touché qui pourrait en cas de condamnation plus sévère en appel, plonger dans ce qui risque d’être un désastre personnel et politique.
Tantôt Sankara, tantôt Trump
Mais au-delà de ses mises en cause judiciaires, c’est l’attitude d’irresponsabilité de Ousmane Sonko qui interroge. Elle pose la question sur la présidentialité d’un homme qui ne montre aucun respect pour les institutions qu’il cherche à incarner, d’un homme qui n’a d’autres horizons que sa survie politique. Quoiqu’il en coûte. En vies humaines et en conséquences économiques.
On ne peut pas s’autoproclamer « patriote » et s’affranchir des principes fondateurs d’une nation. Et c’est tout le problème avec Ousmane Sonko dont on ne sait jamais si c’est Thomas Sankara le panafricaniste dont il se réclame ou Donald Trump le manipulateur et inspirateur de l’attaque la plus rude portée contre les institutions américaines.
Mais une chose est sûre. Les dégâts judiciaires de l’affaire Adji Sarr et du procès en appel qui va l’opposer à Mame Mbaye Niang auront des conséquences irréversibles sur son avenir politique.
Coincée entre le marteau d’un procès pour viol présumé et l’enclume d’un jugement en appel pour diffamation, la perspective d’une candidature d’Ousmane Sonko à l’élection présidentielle de 2024 n’a jamais été aussi hypothétique.
Malick SY
Conseiller en Communication de Monsieur Doudou Ka
Ministère des Transports Aériens et du Développement des Infrastructures Aéroportuaires
Maderpost