L’Association nationale des femmes magistrats a été créée officiellement samedi dernier. Selon ses membres, cette structure ne vient pas concurrencer l’Ums, elle est là pour répondre à une demande internationale, qui place la question du genre au cœur des politiques publiques.
JUSTICE – L’Association nationale des magistrates du Sénégal a été portée, avant-hier samedi, sur les fonts baptismaux. Pour ses membres, c’est une anomalie qu’elles viennent de corriger. Marie Odile Ndiaye Thiakane, porte-parole du jour des femmes magistrats, explique le début du processus. Elles ont reçu une invitation de l’Union internationale des femmes magistrats à Fès au Maroc. En dépit des délais courts, trois ont réussi à y aller. «Nous ignorions totalement l’existence de cette association. Et d’ailleurs, l’expression de nos consœurs étrangères à notre arrivée en disait long sur le retard accusé par le Sénégal avant d’adhérer à cette Union internationale des femmes magistrats», explique-t-elle. C’était en 2019. Après cette rencontre, il fallait répondre à la demande internationale. «Il s’agit donc de s’aligner sur une mouvance mondiale qui place la question du genre, notamment la place de la femme, au cœur des politiques publiques. Le Sénégal ne peut et ne doit pas faire exception à cette cause, d’autant plus que les femmes magistrats y sont largement minoritaires», avance Marie Odile Ndiaye Thiakane.
Cette association pourrait aider à faire changer le regard que portent les citoyens sur la magistrature. «Ce sera un cadre de revendication, une entité d’information pour faire comprendre la Justice avec les visages de femmes, de mères, de sœurs et d’épouses, pour donner notre étreinte chaleureuse à une Justice souvent jugée froide, insensible et en déphasage avec les réalités», enchaîne la juge, qui rappelle que l’association reste ancrée dans l’Union des magistrats sénégalais (Ums).
Présent à cette rencontre, le président de l’Ums parle aussi d’une mise à jour au niveau international avec une intégration de la dimension genre et des questions spécifiques à la femme. Dior Fall Sow, première procureure au Sénégal, avance «que cette association pourrait grandement contribuer à la crédibilité de la Justice sénégalaise».
IMF : «Cette organisation n’est pas le fruit d’une scission ni d’une sécession…»
Ismaïla Madior Fall lève aussi les doutes. «Cette organisation n’est pas le fruit d’une scission ni d’une sécession, elle est membre à part entière de l’Ums. Ce n’est pas un syndicat, encore moins une corporation des femmes magistrats», assure le ministre de la Justice. Il assure que cette création est bénéfique au secteur de la Justice. «Quand les hommes et les femmes s’expriment sur des sujets, il peut y avoir des convergences de vues compte tenu des spécificités distinctives, a-t-il expliqué. Elle va apporter une valeur ajoutée dans ce qui se fait déjà. Parfois, dans la masse des problématiques, les unes noient les autres. L’association va prendre en compte la condition féminine. Elle va donner de la voix et faire entendre ces problèmes comme étant prioritaires», espère le Garde des sceaux. Il espère que la création de l’Association des femmes magistrats va en attirer d’autres dans la magistrature : «Si on regarde les statistiques, il faut se féliciter du nombre, mais ce n’est pas suffisant. Des femmes de valeur ont incarné la magistrature et on pourrait encore en avoir. En France, plus de 64% des magistrats sont des femmes. Il y a donc des efforts à faire. L’association pourrait prendre en charge le problème de la discrimination des femmes dans la magistrature et la Justice.»
Maderpost / Le Quotidien