Cyril Hanouna est revenu, lundi 14 novembre, sur son altercation avec le néodéputé et ancien chroniqueur de son émission Louis Boyard. Regrettant, du bout des lèvres, les insultes qu’il a proférées, il a surtout mobilisé son parterre de courtisans pour venir à sa rescousse, C8 sortant l’artillerie lourde pour réhabiliter son présentateur-star.
Par Jean-Loup Adenor
C8 – La crise se nourrit de la crise. Alors qu’il s’était déjà livré à une performance déroutante en insultant, en direct à une heure de grande écoute, le député La France insoumise Louis Boyard, qui a annoncé qu’il portait plainte, Cyril Hanouna est revenu sur l’incident lundi 14 novembre au soir.
Fidèle à sa grande expertise dans l’érection de tribunaux médiatiques, Cyril Hanouna, qui a également annoncé qu’il allait déposer plainte, a fait défiler ses chroniqueurs et ses invités – dont trois députés – afin qu’ils relativisent la gravité des injures publiques et surtout, qu’ils dévoilent la face supposément cachée du député, érigé en traître et grand manipulateur.
« Louis Boyard a trahi », répéteront-ils à plusieurs reprises. Mais qui donc ? La grande famille de Touche pas à mon poste (TPMP)… et Vincent Bolloré.
Rappelons brièvement les faits : Louis Boyard, lui-même un produit de TPMP dont il a été chroniqueur, aujourd’hui député La France insoumise âgée de 22 ans, a tenté d’évoquer, en direct jeudi soir, l’impact des activités de Vincent Bolloré sur le continent africain, en accusant les « cinq personnes les plus riches » de France d’ « appauvrir l’Afrique » : « Je voudrais qu’on arrête d’opposer les Français pauvres et les immigrés. Aujourd’hui, vous avez cinq personnes qui possèdent autant que 25 millions de personnes. Et elles appauvrissent l’Afrique. Je vais vous donner l’exemple de Bolloré, qui a déforesté le Cameroun. »
La séquence a provoqué un immense tollé – entre critiques acerbes de la servilité de Hanouna envers Vincent Bolloré et une vive réprobation de sa vulgarité à l’encontre d’un député de la République. Alors pour éteindre l’incendie, Cyril Hanouna a fait ce qu’il sait faire de mieux : une émission entière consacrée à la « crise Boyard ».
Car depuis la polémique sur les nouilles dans le slip de Matthieu Delormeau, Cyril Hanouna est devenu expert dans l’organisation de ces procès médiatiques où les chroniqueurs jouent les procureurs et lui-même, juge et victime, s’en remet au jugement du jury, c’est-à-dire à un sondage de ses abonnés sur les réseaux sociaux.
Une belle histoire d’amitié
Lundi soir, le plateau se devait d’être à la hauteur de la crise. Éléments de langages ciselés, invités taillés sur mesure, découpage de séquences avec injures bipées… C8 a sorti l’artillerie lourde pour réhabiliter son présentateur-star. Dès 20 h 10, la réécriture peut commencer : sur le plateau, les chroniqueurs expliquent aux téléspectateurs ce qui s’est vraiment passé jeudi soir. Non, Cyril Hanouna n’a pas insulté un député de la République, il a « engueulé Louis Boyard comme on engueule un copain », il a « connu un moment d’emportement [qu’on peut] comprendre », il a été « poussé à bout », il a essayé de « faire retomber à plusieurs reprises la tension ».
Il ne s’agit pas du pétage de plombs d’un présentateur inféodé à son actionnaire milliardaire et prêt à tout, même à l’insulte et la menace, pour le défendre, non. C’est « une dispute entre deux personnes qui se connaissent ».
Cyril Hanouna n’est d’ailleurs pas un employé ultra-zélé à la colère éruptive, c’est un « ami loyal », un homme « trahi ». Cirage de pompes niveau expert avec Danièle Moreau : « J’ai vu en vous comme une bête blessée, j’avais envie de lécher vos plaies. »
Et palme du culot à Géraldine Maillet : « C’était un peu comme un dépit amoureux finalement entre vous et Louis Boyard… »
Les téléspectateurs n’ont rien compris : en fait, Cyril Hanouna a le cœur brisé. D’ailleurs, Vincent Bolloré n’est « pas [s]on patron ». C’est « un ami de 20 ans », un « ami qui [l]’a toujours soutenu, qui était le seul à [l]’appeler quand [il avait] 200 euros par mois et par semaine parfois (…) le seul qui prenait des nouvelles, le seul. » Vous entendez ?
La séquence n’est pas emblématique de la censure à l’oeuvre dans le groupe Canal dès qu’on cherche à critiquer les activités du grand patron. Non, c’est une affaire de loyauté, une belle histoire d’amitié.
« Buzz » et « victimisation »
Mais grimer le pape colérique qu’est Cyril Hanouna en homme blessé ne suffit pas, il faut aussi salir l’ennemi.
Là, c’est un véritable festival. Tour à tour, les chroniqueurs et invités pour l’occasion (dont Jean-Marie Bigard et l’avocat complotiste et antivax Fabrice Di Vizio) dépeignent Louis Boyard en individu « totalement ingrat », « d’une extrême vulgarité », « insultant et agressif », un « arnaqueur », un « usurpateur », le « symbole de l’impolitesse ».
Un joli tour de force, qui ferait presque oublier que la seule personne à avoir été vulgaire ce soir-là, c’est Cyril Hanouna, leur patron au grand cœur. Trois députés se prêtent même à la pantomime avec Pierre-Henri Dumont pour LR, Julien Odoul pour le RN – les deux plus virulents – et Karl Olive pour Renaissance.
Réprouvant très brièvement les insultes proférées envers l’un des leurs, ils s’empressent de charger leur collègue : « Il a fait quoi dans sa vie Louis Boyard ? », s’emporte Pierre-Henri Dumont, brocardant la « stratégie du buzz permanent » de LFI (mais pas celle de Hanouna), tandis que Julien Odoul étrille « la stratégie de la victimisation permanente » (mais pas celle de Hanouna).
Cette fois encore, Géraldine Maillet fait la course en tête de peloton : « Est-ce que le vrai racisme c’est pas de refuser de serrer la main aux députés du Rassemblement national ? »
On s’interroge encore sur le sens de la question. Elle enchaîne : « Ou de participer à une manifestation qui se termine par “mort aux juifs” ? ! », lance-t-elle en référence à la manifestation contre « l’islamophobie » à laquelle a participé La France insoumise en 2019.
« Il y était hein ? », demande quand même Cyril Hanouna. « Oui, oui », répond la chroniqueuse.
Renseignements pris : Louis Boyard n’y était pas.
Mais vient bientôt le coup de grâce, le dernier clou dans le cercueil du député traître. Louis Boyard n’a-t-il pas été chroniqueur à TPMP et n’a-t-il pas, à ce titre, profité de l’argent de ce « capitaine d’industrie » (selon les mots du député LR Pierre-Henri Dumont) qu’est Vincent Bolloré ?
Alors pourquoi ne pas afficher la grille des gratifications touchées par l’ex-chroniqueur sur l’écran géant du plateau ? Trois cents euros minimum par passage, soit 6 784 euros.
Comprendre : à partir du moment où une entreprise appartenant à Vincent Bolloré paye quelqu’un, toute critique devient une traîtrise, une véritable forfaiture. De quoi expliquer le zèle de Hanouna et de sa bande à défendre leur « ami » milliardaire.