Le journaliste sénégalais d’investigation Pape Alé Niang, qui jouit d’un grand audimat, a passé sa première nuit en prison. Depuis son arrestation, une mobilisation d’une kyrielle de médias locaux et internationaux s’est organisée autour de cette affaire qui fait grand bruit.
ARRESTATION DE PAN – Le journaliste sénégalais Pape Alé Niang, fondateur et directeur du site d’informations Dakarmatin croupit dans les géôles de Sebikotane, une localité située à 42 kilomètres de la capitale sénégalaise. Il a été placé sous mandat de dépôt depuis le mercredi 9 novembre 2022. Une suite logique de sa longue interrogation entamée dimanche après une arrestation musclée dans les rues de Dakar alors qu’il changeait un pneu de sa voiture. Une audition et des aller-retours entre le commissariat central et le tribunal de Dakar éprouvant. L’emprisonnement acté, les soutiens du journaliste Pape Alé Niang se multiplient. De Dakar à Montréal en passant par Paris, Bamako et Yaoundé, les hommes de médias donnent de la voix et fustigent cette arrestation.
La coordination des Associations de Presse (Cap) basée à Dakar et qui regroupe toutes les organisations des médias est à la pointe du combat. Réunie jeudi 10 novembre avec d’autres journalistes épris de justice, elle compte dérouler un certain nombre d’actions dont une marche nationale. Parallèlement, une pétition en guise de soutien au journaliste est en ligne. Elle a déjà reçu plus de 300 signataires en quelques heures. « Le seul crime de Pape Alé NIANG, c’est d’avoir refusé d’être comme l’autre le voulait. C’est ainsi qu’à travers sa voix captivante, il a consacré plusieurs fois des chroniques sur les scandales à répétition qui ont jalonné le magistère du régime Macky SALL. Son arrestation par la justice du Sénégal est perçue auprès d’une grande frange de la population comme une « intimidation » aux fins de museler un journaliste libre, outillé à débusquer les gros scandales qui éclaboussent le régime. Cherche-t-on à étouffer deux autres scandales relatifs au nébuleux contrat d’armement et au rapport confidentiel de la gendarmerie sur l’affaire du leader Ousmane Sonko- Adji Sarr et qui mouille des autorités politiques et militaires. Le combat prend de l’épaisseur. Reporters Sans Frontières (RSF) demande la libération immédiate du journaliste Pape Alé Niang.
Anachronisme
Il est anachronique de voir un journaliste en prison dans un pays comme le Sénégal, considéré comme l’une des démocraties les plus stables en Afrique et doté d’un paysage médiatique pluriel et foisonnant, estime l’organisation de défense des journalistes. «La dépénalisation des délits de presse n’est toujours pas effective au Sénégal et cela continue de poser problème. Les textes régissant les médias doivent être réexaminés », a déclaré dans un communiqué l’organisation. Les autorités sénégalaises doivent immédiatement libérer le journaliste d’investigation de Dakarmatin Pape Alé Niang et veiller à ce que les médias puissent couvrir des sujets d’intérêt public sans courir le risque d’une détention arbitraire. Au lieu de censurer la presse en ciblant les journalistes pour leur travail, les autorités devraient dépénaliser les délits de presse affiche Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, un comité de protection de journalistes. Une voix de plus dans ce concert de protestations. A Confidentiel Afrique, nous considérons que l’arrestation d’un journaliste est une monstruosité démocratique. L’histoire du marché de l’armement à 45 milliards de FCFA entre l’État du Sénégal et Aboubacar Hima Alias Petit Boudé, n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. Là aussi, ce sont des journalistes réunis autour d’un consortium qui ont permis aux Sénégalais de découvrir les contours du contrat. L’État devant l’ampleur de la médiatisation dudit contrat d’armement a été obligé de sortir de sa réserve via un démenti pris avec des pincettes. Le pouvoir n’a pas jugé nécessaire de traduire en justice les «indélicats ». Il est sans doute conscient de la vacuité d’une telle procédure. Le Sénégal est un pays qui se veut démocratique. Et tout ce qui est démocratie ne doit pas lui être étranger. L’arrestation d’un journaliste dans le cadre de son travail est un acte qui fait désordre en démocratie. De tels actes, de tels faits ne se passent que dans des pays spéciaux dirigés par des hommes et femmes loin d’être à la hauteur des enjeux du moment. Embastiller des journalistes, des activistes et autres leaders d’opinion sous le prétexte fallacieux de « secrets d’État » le plus souvent loin d’être un secret. De telles justifications qui ne sont en réalité qu’un moyen pour nous éloigner de l’essentiel ou pour mieux gérer de manière opaque des ressources qui ont l’habitude d’être saccagées à longueur de journées. Les marchés de gré à gré, les détournements et les contournements occupent la une des médias. Le drame est que, malgré les rapports accablants des corps de contrôle, malgré les indications de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) contre certaines personnalités, les demandes de sanctions à la hauteur de la gravité de la gabegie, les lignes n’ont pas du tout bougé. L’arrestation de Pape Alé Niang dans des conditions rocambolesques ne fait que renforcer le doute qui englobe une certaine manière de gouverner. La sérénité y a peu de place. La mesure est en train de foutre le camp. Dans ce contexte, les dissertations autour de ce qu’il ne faut pas publier, ne peuvent être considérées que comme des positions purement opportunistes face à la conjoncture du moment. Libérez Pape Alé Niang et Rendez nous le comme le titrait dans un style imprégnant Mamadou Oumar NDIAYE, Directeur de Publication du TÉMOIN.
Maderpost / Ismael AÏDARA / Confidentiel Afrique