Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) considère que l’Afrique est le continent le plus vulnérable aux effets du changement climatique. Inondations, feux de forêt, érosion côtière… Le berceau de l’humanité subit les affres de dame nature. Les chercheurs vont plus loin en affirmant que d’ici 2030 plus de 100 millions d’Africains seront menacés par le réchauffement climatique. Tour d’horizon de ces catastrophes avec un focus sur la situation au Sénégal qui prend d’ailleurs part à la Cop 27 qui s’est ouverte ce 7 novembre en Égypte.
COP27 – Il ne s’agit pas de phénomènes inédits mais leur ampleur l’est. Depuis le début de l’année, le continent africain ne cesse d’enregistrer des cataclysmes aux dégâts immenses. Dans la partie nord de l’Afrique, d’abord, où des feux de forêt ont été constatés au Maroc, Tunisie et en Algérie. Avec une trentaine de morts et des centaines de familles déplacées, le pays des fennecs est sans doute l’État qui a été le plus éprouvé par ces feux ardents.
En Afrique de l’ouest et du centre, c’est l’élément eau qui fait beaucoup plus la pluie que le beau temps. Ces régions ont enregistré des pluies aussi exceptionnelles que dévastatrices. Au Niger, plus de 100 personnes ont perdu la vie depuis le début de cette saison pluvieuse en juin dernier et 140 029 sinistrés. Au Tchad, le bilan semble beaucoup plus lourd. Selon des chiffres de l’ONU publié ce 24 août, les inondations provoquées par ces averses ont affecté 341 056 personnes dans le pays.
Sous nos cieux, l’on a encore à l’esprit les images de ces torrents d’eau s’écoulant dans les coins et recoins de la capitale dakaroise provoquant sur son passage inconfort, désolation et tristesse.
Prémices des conséquences du changement climatique
Depuis plusieurs années déjà, la communauté scientifique n’a eu de cesse d’alerter sur les effets dévastateurs du réchauffement climatique sur la planète et plus particulièrement sur l’Afrique. Cette dernière serait même la région du monde la plus exposée à ces chocs. Paradoxalement -ou curieusement- le continent ne génère que 4% de gaz à effet de serre (l’un des facteurs à l’origine du réchauffement climatique) contre 78% pour les pays membres du G20.
Pathé Dieye, chargé de recherche au Think Tank citoyen WATHI, nous dévoile les causes de cette vulnérabilité : « En fait, les climats d’Afrique sont le résultat direct de l’étalement du continent sur l’équateur. Les courants océaniques et de masses d’air en circulation dans le système climatique mondial sont alimentés par le réchauffement de la terre plus important près de l’équateur qu’aux pôles. Cela forme de grands tourbillons d’air. Lorsque l’air descend, il est sec et clair. Lorsqu’il monte, il produit des nuages et de la pluie. Par exemple, l’air ascendant de la région équatoriale génère d’énormes orages, tandis que l’air descendant subtropical crée les déserts du Sahara et du Kalahari ».
Le manque d’assainissement, principal source du mal
Dans une analyse publiée, ce lundi 8 septembre sur Seneweb, le Dr Anastasie Mendy, maître de conférences au département de géographie à l’UCAD est revenue sur les différentes origines des inondations que la capitale sénégalaise a connues ces derniers mois. Partant sur une relation de cause à effet avec le changement climatique, ayant provoqué des pluies exceptionnelles qui ont entraîné des inondations, la chercheure souligne que : « L’une des conséquences hydrologiques majeures de l’intensification des pluies demeure la récurrence des inondations urbaines. En effet, les pluies succèdent à une longue saison sèche. Elles surviennent sur des écosystèmes urbains bétonnés et imperméabilisés. S’y ajoute dans certains quartiers de la banlieue dépourvus d’assainissement adéquat, la nappe se rechargera par les rejets d’eaux usées brutes domestiques ». Autrement dit, la nappe dakaroise aurait atteint son niveau d’absorption maximale. A cela s’ajoute le fait que “la ville couleur de poussière rouge” –description de Dakar par l’auteur Boubacar Boris Diop- est une presqu’île car bordée par la mer au Nord, au Sud et à l’Ouest.
Le facteur humain pèse aussi lourd dans la balance. L’attractivité due à la concentration de la majeure partie des activités économiques de la capitale sénégalaise contribue grandement à l’accentuation du phénomène des inondations. Une hypothèse défendue par Niokhor Ndour directeur de la gestion et de la planification des ressources en eau (DGPRE) : « Au Sénégal, l’essor du développement urbain entraîne l’imperméabilisation des sols : les routes, les toits et les trottoirs, les pavages, entre autres, forment une couche imperméable sur une surface qui permettait auparavant l’infiltration de l’eau dans le sol. Cet aspect a une incidence directe sur la réponse hydrologique d’un cours d’eau en cas d’épisode pluvieux. Cette eau, qui aurait dû circuler lentement dans le sol pour atteindre le cours d’eau récepteur, ruisselle directement en surface ».
Processus irréversible mais l’espoir demeure
Il est clair que ces conséquences s’accentueront avec le temps, notamment en raison de la croissance démographique. Des prévisions alarmantes invitant les autorités à prendre le taureau par les cornes avant qu’il ne charge. Dans ce sillage, le Dr Anastasie Mendy pense qu’une refonte profonde du cadre de vie doit être effectuée : « Les actions de lutte doivent s’inscrire sur une temporalité longue qui intègre la dynamique urbaine et le changement climatique si le Sénégal veut atteindre l’objectif de développement durable (ODD) 11 qui promeut des villes et des établissements humains « ouverts pour tous, sûrs, résilients et durables ». L’efficacité des investissements et la durabilité des actions préconisées sont sous-tendues par des réponses structurelles. Le cadre d’intervention doit en outre s’appuyer sur une bonne connaissance des facteurs de vulnérabilité »
Parce que les inondations sont corollaires aux affres du réchauffement climatique, le travail à la source avec la participation de tout un chacun devient une priorité. Ainsi, Pathé Dieye, estime que toutes les couches de la société doivent être impliquées dans ce combat pour la préservation de l’environnement : « le débat sur ces sujets cruciaux ne devrait pas être porté que dans des colloques et panels entre experts au vocabulaire hermétique ». Le chercheur d’ajouter qu’un retour au source est nécessaire : « Aujourd’hui, l’un des plus grands défis que nous lance la problématique du changement climatique est de pouvoir revaloriser les savoirs vernaculaires et les compétences locales pour penser le devenir de la ville africaine, revisiter les cosmogonies africaines pour mieux habiter notre terre, et surtout faire de nos villes des écoles où l’humanité serait invitée à réapprendre à mieux parler le langage de la terre qui la porte, respirer en harmonie avec elle ».
Maderpost / Seneweb