Premier prix de cette édition 2022, le Nobel de médecine ou de physiologie a été attribué, lundi 3 octobre, au Suédois Svante Pääbo pour ses travaux sur l’évolution humaine.
PRIX NOBEL – Son nom est intimement associé à l’invention d’une toute nouvelle discipline : la paléogénétique, l’étude des génomes en paléontologie. Ce lundi 3 octobre, le Suédois Svante Pääbo, 67 ans, a reçu le prix Nobel 2022 de médecine pour ses travaux sur le génome de nos lointains ancêtres, des homininés (1) éteints.
« En révélant les différences génétiques qui distinguent tous les humains vivants des homininés disparus, ses découvertes ont servi de base à l’exploration de ce qui fait de nous, humains, des êtres aussi uniques », a salué le jury.
La première séquence génétique de Neandertal
Le biologiste de formation a été le premier à séquencer une partie du génome de l’homme de Neandertal, dans les années 1990. Brillant technicien, il a mis au point une méthode pour raffiner les maigres fragments d’ADN issus de fossiles, qui sont souvent contaminés par des bactéries et l’environnement.
« Il faut bien comprendre qu’à l’époque où Svante Pääbo a entamé ses recherches, nous ne possédions même pas la séquence génétique d’un être humain actuel », rappelle Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum national d’histoire naturelle. « Alors essayer d’établir celle de nos ancêtres à partir de fossiles paraissait complètement utopique. »
Pourtant, les progrès se font à grandes enjambées dans le laboratoire du Suédois.
En 2010, l’intégralité du génome de Neandertal est décryptée, moins de dix ans après le génome des Homo sapiens actuels. Les travaux de Svante Pääbo apportent une preuve irréfutable que Neandertal et l’homme actuel n’appartiennent pas à la même espèce, et qu’ils ont divergé d’un même ancêtre commun il y a quelque 800 000 ans.
Dévoiler le « buisson » de l’humanité
Le chercheur a ensuite poursuivi ses efforts avec des fossiles trouvés dans la grotte de Denisova, en Sibérie, et démontre que cet ancêtre n’est ni Neandertal ni Homo sapiens, mais une troisième espèce aujourd’hui disparue.
Le début du « buisson » de l’humanité, une vision qui vient remplacer celle de la lignée humaine. « L’étude de ces ADN fossiles a permis de mettre en évidence différentes espèces mais aussi les passages de l’une à l’autre, avec par exemple une reproduction entre Neandertal et Homo sapiens, indique Antoine Balzeau. Ces travaux ont dévoilé les différences et les points communs entre les espèces, tissant les liens entre notre passé et notre présent. »
Si le choix d’un Nobel de médecine peut sembler surprenant pour des travaux de paléontologie sur l’ADN, il s’explique car les découvertes de Svante Pääbo ont permis d’élargir la discussion scientifique qui se limitait auparavant aux caractères anatomiques.
L’année dernière, le Nobel de médecine avait distingué deux Américains, David Julius et Ardem Patapoutian. Les travaux des deux hommes portaient sur les sens, et plus spécifiquement les récepteurs de température et de toucher au niveau du système nerveux.
Maderpost / La Croix / Audrey Dufour