Ayant eu la chance de disposer d’un texte d’un ancien évaluateur du plan d’ORSEC du temps de feu Djibo Ka, à la suite de la forte pluie du vendredi 5 aout dont l’excèdent d’eau non évacuée a provoqué la mort de plusieurs personnes et d’importants dégâts matériels, Maderpost le publie avec sa permission pour montrer l’absurdité dans laquelle s’enfonce la ville de Dakar.
« Cheikh…
Non seulement l’encombrement humain, comme le disait Senghor, constitue une menace mais la promiscuité de la cohabitation avec des facteurs extrêmement élevés de catastrophes industrielles et technologiques rend Dakar de plus en plus invivable.
La pollution de l’air est devenue extrêmement sévère. Il est devenu rare de pouvoir y observer certaines merveilles de la nature comme des arcs-en-ciel qu’il nous était donné d’apercevoir en hivernage. Les plus jeunes pensent que c’est de la science-fiction.
Jeudi, 30 septembre 1993, j’avais fait paraître dans sud hebdomadaire un article faisant état des dangers avec lesquels nous partageons notre quotidien, notamment sur la route des hydrocarbures.
Dimanche 3 octobre 1993, soit 4 jours après, la ville de Dakar a failli être rayée de la carte du pays en raison d’un risque d’explosion d’une citerne de 2000 mètres cubes de gaz de Shell faisant face au domicile de Me Massokhna Kane.
La Direction de l’environnement de l’époque avait estimé que danger il n’y avait pas car, figure-toi, pour elle 2000m3 de gaz, ce n’était pas plus de 2 tonnes de gaz.
Donc, des maisons pouvaient être construites dans l’environnement immédiat. À la demande de l’association des riverains de la baie de Hann,
J’avais eu le privilège d’avoir été désigné expert judiciaire. Mon rapport avait établi que 2000 m3 de GPL équivalent à 890 tonnes de GPL.
Une explosion pourrait avoir les conséquences suivantes :
- Le flux thermique rendant insupportable par les êtres humains, les animaux la chaleur sur un rayon de 2 km.
- Choc ou coup de bélier démolissant toutes les habitations sur 400 mètres à la ronde.
- Risque d’aggravation des incendies avec la présence de stocks d’hydrocarbures des installations de l’armée française à moins d’un kilomètre.
- Risque d’explosion des sphères aériennes de Mobil Oil sur la route de Rufisque.
- Stockage d’ammoniac à la Sonacos…
Personnellement, j’habitais aux Maristes. J’avais préféré vendre ma maison pour aller ailleurs.
Étant membre du comité chargé d’évaluer le plan ORSEC, J’avais demandé au ministre de l’Intérieur Feu Djibo Ka, paix à son âme de faire un test de sinistre plausible à Mobil Oil.
Cette simulation faite à 13h avait permis de démontrer que toute la ville serait bloquée. C’était en 1995. Djibo Ka lui-même devait quitter son domicile pour aller superviser depuis le PC au ministère l’organisation des secours. Jusqu’à 14h30, il était bloqué dans la circulation.
Personne ne pouvait sortir de Dakar. Tous les accès étaient bloqués.
Il est vrai que nous avons eu de nombreuses infrastructures nouvelles mais les inondations n’ont-elles pas démontré leurs limites.
Bref, Dakar mérite mieux que le sort qui lui est réservé. »
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