Une pluie de quelques heures et personne ne va au travail, au grand dam des usagers du service public. Vraiment nous avons une morale déficitaire du travail. Dans ce pays, l’assiduité, la ponctualité, la rigueur dans le travail et l’exigence du travail bien fait et à temps, sont généralement considérés comme des tares. Des termes avilissants, sous forme de sobriquets, sont collés aux travailleurs vertueux. La culture du gain facile et immédiat est, pour ainsi dire, le virus qui a corrompu le tissu moral d’une bonne partie de la jeunesse sénégalaise en particulier et du travailleur en général. TRIBUNE – Le modèle d’émergence économique japonais (un pays quasiment dépourvu de ressources naturelles et ruiné par la 2e guerre mondiale) et des pays de l’Asie que nous convoquons souvent pour expliquer notre retard économique pose problème dans sa compréhension et son interprétation. Car faut t-il le répéter, l’émergence économique des pays de l’Asie, n’est pas survenue ex-nihilo. Elle a des fondements historiques qui tiennent entre autres raisons d’abord à leur culture. En effet, l’Asie est une terre plusieurs fois millénaire, à quoi s’ajoute une philosophie de la vie qui a formaté l’âme asiatique avec des religions comme : le Confuciunisme, le Bouddhisme, l’Indouisme etc. Quel est donc le contenu philosophique de cette conception asiatique du monde ? En effet, il semblerait que si on n’est pas capable de convoquer cette philosophie et d’avoir une lecture explicite de son sens, de ses visées et de ses finalités, on ne pourra rien comprendre au « miracle asiatique ». D’abord, remarquons que les Asiatiques dans leur majorité professent l’idée qu’aucune culture n’est supérieure à la leur et qu’au contraire s’il y’a supériorité, c’est la leur qui l’est. Cette conception du monde est explicite dans la conception chinoise définissant leur pays, la Chine comme « l’Empire du Milieu ». Cet ethnocentrisme militant, quoi que discutable, est un élément explicatif de la position de l’asiatique dans le monde. Ils sont imperméables aux influences culturelles extérieures et s’ils sont amenés à s’intéresser à ces influences extérieures, ils ont la capacité de faire un tri de manière à retenir ce qu’ils jugent utile et délaisser ce qui leur semble inutile ou accessoire. C’est pourquoi cette philosophie de la vie revendiquée leur a donné un mental d’acier, mais aussi une assise morale, déterminés qu’ils sont à résister à l’influence de l’extérieur et à conforter une place enviable dans le concert des nations. Contrairement à la culture africaine fondée sur l’alliance de l’homme avec la nature, l’Asiatique professe une indifférence au monde et au moi. Autrement dit, l’asiatique ne pense pas que l’individu est central, contrairement à l’Occident qui fait de la promotion de l’individu une philosophie de vie. Cette indifférence au monde et au moi se fait au profit du groupe dans lequel toutes les énergies sont concentrées à l’accomplissement du « Tout » par quoi les entités constituantes s’accomplissent selon les vertus de l’ordre, de la hiérarchie, de la discipline sociale et l’épargne forcée. En Asie, les appartenances communautaires sont souvent plus fortes que l’attachement à des valeurs plutôt abstraites. Dans l’univers asiatique, ce qui prime avant tout, c’est le respect de l’autorité, la loyauté, la diligence dans la sphère des rapports économiques, le sens de la responsabilité familiale, le respect de la parole donnée. On peut dire que l’éthique du travail qui découle de ces philosophies place le groupe et l’entité nationale au dessus de l’individu. C’est dire qu’on ne décrète pas la culture de l’amour du travail et le patriotisme économique. Au Sénégal, c’est cette connexion entre la démocratie et la culture locale qui pose problème ou, en tout cas, fait défaut ! La quête et la conservation du pouvoir sont, dans tous les pays du monde, accompagnées de comportements moralement répréhensibles, mais la tournure qu’elles ont prise aujourd’hui dans notre pays est absolument inquiétante. Aussi, beaucoup d’énergie, beaucoup de temps, sont-ils perdus pour uniquement solder des comptes politiques à la place d’une croisade nationale contre le retard économique et la pauvreté des masses. La sérénité, la confiance et l’apaisement si nécessaires au décollage économique ou, au moins, à l’investissement, sont sans cesse menacés au Sénégal par des comportements politiques libertaires. Sur le plan syndical, les syndicalistes qui devraient logiquement être les locomotives du train du développement, ont réussi la prouesse de se muer en entraves indéboulonnables du développement. L’action syndicale dans le monde est certes l’alternative face aux affres de la mondialisation et face aux dérives sociales qu’entraîne un libéralisme mondial dont l’accumulation de profit est la seule morale, mais au Sénégal, la culture syndicale est aux antipodes de tout patriotisme et de l’esprit de la démocratie participative. Si l’ordre et la discipline sont justement les vertus qui nous font encore défaut, des pays de régime « taylorien », où la grève est une exception, ont réussi à les imprimer à leur peuple (Corée, Singapour, japon, etc.). Employeurs et travailleurs doivent pouvoir combiner leurs efforts, réaliser une sorte de symbiose de leurs intérêts particuliers pour participer à l’effort de construction nationale : c’est cela la nouvelle exigence du patriotisme économique. L’autre facteur de dégénérescence de l’amour du travail est le nombre anormal de jours fériés au Sénégal : sur ce point, une entente entre l’État, les religieux, les privés et les syndicats est absolument nécessaire pour freiner la saignée économique occasionnée par ces fêtes infinies et paradoxalement onéreuses. Pape Sadio Thiam]]>
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