La DGE a encore rendu des décisions qui divisent l’opinion. Quelle devrait être la vraie lecture juridiquement parlant ? TRIBUNE – Je suis résolu à croire que la pensée du doyen Louis FAVOREU selon laquelle « la politique est saisie par le droit », est devenue une réalité au Sénégal. Le droit électoral s’interprète simultanément entre le Code électoral et le contentieux électoral. Au Sénégal, la phase préélectorale est organisée comme suit. Les locales sont du ressort des préfets et des sous-préfets, les législatives de la DGE et la présidentielle du Conseil constitutionnel. Ces trois domaines sont autonomes et les organes ci-dessus sont souverains dans leur domaine de compétence. Donc, dire que la DGE n’a pas pour prérogative de se prononcer sur la recevabilité des listes pour les élections législatives, c’est méconnaître le droit. Toutefois, en cas de contestation d’un acte posé par ce dernier, tout mandataire, régulièrement désigné par une coalition, un parti politique ou une candidature indépendante, peut saisir la juridiction compétente. Et si on en vient aux décisions de la DGE en l’espèce ? La DGE a rejeté la liste des suppléants de la liste proportionnelle de la coalition BBY et validé la recevabilité de celle des titulaires de la même liste. Le fondement invoqué pour le rejet est le non-respect de la parité en violation de l’article L. 149 du Code électoral. Néanmoins, elle a déclaré recevabilité la liste des titulaires. Maintenant, croire qu’il y a une interférence entre les deux listes qui auront un effet réflexif serait une erreur. Chaque liste est autonome. Non seulement l’article L. 178 du Code électoral le consacre mais la jurisprudence de la Cour suprême l’a édictée. Dans son arrêt N°31 du 24/6/2014 communément appelé « arrêt Fandène », la chambre administrative de la Cour suprême a déclaré que « la Cour d’appel, saisie d’un recours d’Augustin Tine aux fins d’annulation de la liste proportionnelle titulaire « And Deffar Thiès » pour les élections municipales, a, dans son dispositif, déclaré la liste « And Défar Thiès » de la commune de Fandène irrecevable ; qu’il y a lieu de casser partiellement l’arrêt et de limiter la recevabilité à la liste proportionnelle titulaire « And Deffar Thiès ». Dès lors, la Cour reconnaît la séparation des deux listes et distingue bien celle des titulaires de celle des suppléants de la liste proportionnelle. Qui plus est, elle affirme dans son dispositif qu’elle « casse et annule partiellement l’arrêt n°43 du 16 mai 2014 de la Cour d’appel de Dakar et limite l’irrecevabilité à la liste proportionnelle titulaire «And Deffar Thiès» pour les élections municipales de la commune de Fandène ». On s’aperçoit donc qu’elle a bien visé la liste des titulaires de la proportionnelle en la déclarant irrecevable sans, par ricochet, en faire de même pour la liste des suppléants. Donc, en vertu de cette jurisprudence, on peut déclarer irrecevable une liste des suppléants ou celle des titulaires sans qu’il y ait une incidence sur l’autre. La réciprocité ne joue pas ici. Par conséquent, la DGE, en application de la jurisprudence Fandène, est en bon droit de rejeter la liste des suppléants et de déclarer recevable celle des titulaires de la liste proportionnelle de la coalition BBY. Et qu’en est-il de l’irrecevabilité du cas de YAW ? Ici, on est dans une situation totalement différente. Ayant constaté qu’une candidate investie sur la liste des titulaires de la proportionnelle était inéligible pour défaut d’âge requis, le mandataire de YAW était autorisé à procéder à un changement comme le permet la loi électorale. Mais, en changeant, il a investi une femme qui l’était déjà dans la liste des suppléants. Or, en retirant un investi comme titulaire, on ne peut le remplacer par un suppléant que lorsque ce dernier ne figure plus sur sa liste initiale. Étant sur les deux listes, on retient la liste initiale où elle était investie et constate la vacance de la place du candidat remplacé. Et c’est en l’espèce, le cas de figure de la coalition YAW qui a une liste incomplète après remplacement et non au moment du dépôt. Là aussi, on est loin de la jurisprudence Alé LÔ où le changement n’a pas donné lieu, au moment de rectifier, à l’investiture d’une même personne à la fois titulaire et suppléante sur la liste proportionnelle. Elle a juste permis de compléter la liste en changeant une personne doublement investie pour une autre. Alors qu’avec le YAW, on a changé une autre par une personne doublement investie. Toutes choses étant par ailleurs égales, la liste des titulaires manque une personne qui ne saurait être celle qui est déjà sur la liste des suppléants. De façon triviale, tout se passe comme si la loi disait que pour participer à une course, il faut être chevelu. Un candidat qui s’aventure à se raser une fois, puis deux fois, risque d’être disqualifié parce que chauve. Maintenant, le droit électoral à son contentieux et tout mandataire malheureux d’une décision de la DGE peut saisir le Conseil constitutionnel. Mais, si ce dernier confirme la DGE, seuls les suppléants de la proportionnelle iraient aux élections législatives avec les candidats investis. Avant l’isoloir pour le vote, on écoutera les Sages devant le prétoire, pour savoir qui ira au perchoir de l’Assemblée nationale pour représenter le Peuple souverain. Mounirou SY]]>
à la une
- Pour une véritable rupture
- La citoyenneté, socle de la rupture systémique (tribune)
- La moyenne d’âge des députés est de 47 ans (Vie-publique.sn)
- Le Sénégal out du top 10 des meilleurs systèmes judiciaires africains
- Faux comptes et Réseaux sociaux, le gouvernement alerte et menace
- Banques, désengagement français et nouveau paysage
- Reprise de Société Générale, qui de l’Etat ou du secteur privé
- Transformer le temps en opportunité (tribune)