Décidément, le Sénégal est un pays où on ne fait rien comme ailleurs et c’est ce qui explique certainement que les grandes réflexions menées jusqu’ici et gardées dans les tiroirs à l’issue de séminaires, forums et autres événements financés à coups de millions rapportent plus aux pays africains qui viennent faire leur marché, jusqu’à l’arrivée de l’intelligence artificielle, qu’au pays, l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) qui célèbre son cinquantenaire ce mardi 5 novembre 2024 n’échappe pas à la règle.
RECHERCHE – Après le Plan stratégique national de recherche et de l’innovation (PSNRI) 2023-2032 cher à l’ex-Président Macky Sall, place à « un audit du personnel et des compétences », dixit Le nouveau directeur général de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), Moustapha Guèye dans un entretien accordé à APS.
« On ne peut pas faire de la recherche sans un personnel de qualité et en quantité suffisante […] Il va falloir procéder d’abord à un audit du personnel et des compétences. C’est la première chose à faire », a-t-il annoncé
On nous dira que le Projet et passé par là et par la volonté populaire, ce qui est vrai. Oust donc le plan de Macky ! Pour rappel, à la demande des nouvelles plus hautes autorités du pays, l’ISRA avait organisé un atelier de réflexion sur la refondation de la politique de recherche et de vulgarisation agricoles au Sénégal les 23, 24 et 25 septembre 2024 au Pôle de Recherches de Hann (PRH).
Voilà comment est enterré le Plan stratégique national de la recherche et de l’innovation de Macky Sall, dont le discours de clôture, lors de l’audience accordée à la Communauté universitaire le 7 avril 2022 insistait « sur l’importance de l’enseignement, de la formation et de la recherche pour toute nation qui aspire au progrès ».
« « Le dire, ce n’est pas énoncer une clause de style, mais c’est rappeler une vérité universelle, parce que ce sont ces trois piliers qui soutiennent la transformation positive de la société. C’est en ce sens que j’ai instruit l’élaboration d’un plan stratégique national pour la Recherche et l’Innovation 2023-2032, en cohérence avec les priorités du Plan Sénégal Emergent (PSE), notamment en matière d’industrialisation et d’entrepreneuriat », disait un Macky en fin de règne, conscient tardivement de l’importance de la recherche dans le développement d’un pays.
Le PSE bouté hors du champ politique, économique et social par les nouvelles autorités, quand bien même certains de ses projets devraient être menés à termes avec le paiement du service et remboursement de la dette, « l’ambitieux » Plan Stratégique National de la Recherche et de l’Innovation 2023-2032 passe á la poubelle. Du travail financé à coup de millions avec la contribution des mêmes scientifiques, fonctionnaires, chercheurs, cadres du département de la recherche, agriculture, partenaires, etc. pour rien.
Ainsi enterre-t-on aussi le Fonds National de la recherche et de l’innovation devant mobiliser plus de 600 milliards FCFA alloués exclusivement au développement des activités de recherche et d’innovation. Quand on sait que le pays est « en ruine » selon le Premier ministre, on se dit que ce n’est pas demain la veille que la recherche va avoir un fonds digne de ce nom. Avec des chercheurs non seulement bien payés, mais aussi mis dans les conditions optimisées idoines à la recherche et un cadre de vie décourageant toute idée d’aller voir ailleurs.
On passe donc sur la stratégie Macky devant favoriser « un environnement impulseur, bâti avec un capital humain fort et s’appuyant sur le numérique et le spatial comme mécanismes accélérateurs du changement », à l’audit, ce qui n’est pas si mal. Mais comment le plan de Macky pouvait-il faire s’il ne savait pas avec qui faire, quand, où, pourquoi et combien ?
Le nouveau directeur général a son explication : « Nous sommes dans un milieu compétitif. Il faut que les chercheurs aient des passerelles, par le biais des partenariats, en travaillant pour notre institution. C’est extrêmement important. Ça permettra de limiter les déplacements des chercheurs (Ndlr : leurs départs pour d’autres centres de recherche ou d’autres pays) », dit-il à APS.
Est-ce dire que le fameux plan de Macky Sall n’avait pas pris en compte l’audit, par quoi il faut commencer ? A moins d’une interview de M. Guèye avec Maderpost on donne notre langue au chat. On sait par contre au moins que l’ISRA dispose d’« un nouveau règlement d’établissement, qui a permis d’améliorer les conditions de rémunération et la motivation de ses travailleurs.
Cela a été, il est vrai, un point de discorde pendant bien longtemps avec les autorités sénégalaises, mais à croire M. Guèye, la direction générale et les employés de l’Institut sénégalais de recherches agricoles s’acheminent vers des discussions censées aboutir à la définition d’un statut du chercheur, selon M. Guèye.
« On va vers une phase de négociation, durant laquelle on va arrêter un nouveau statut du chercheur, ce qui permettra de prendre en charge la motivation des personnels de recherche et d’appui (…) le plus important, ce n’est pas les salaires. C’est important, mais l’environnement de travail aussi est important, de même que les passerelles censées favoriser l’épanouissement de toutes les catégories socioprofessionnelles », explique Moustapha Guèye.
Cela dit, le Sénégal des souverainistes doit quand même gagner son galon de souverain en assurant la souveraineté du pays en intrants agricoles. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Ce d’autant que le même audit du personnel de l’ISRA devra être appliqué à l’étude des sols qui ont connu probablement de grandes mutations.
C’est ce qui explique que les semences envoyées un partout au Sénégal n’obtiennent pas les résultats attendus. « Du temps de Senghor (premier président du Sénégal), il y avait des semences spécifiques pour chaque région, en fonction des sol », indique Abou Sarr, un vieil agriculteur nostalgique.
Nous revoilà encore face à la problématique de recherche et la question qu’on se pose est de savoir est-ce qu’elle sera enfin un levier de développement. Au vu de l’Etat des finances publiques en manque de ressources , on en doute, à moins que …
Maderpost / Charles Faye