Présent à Washington, pour le 2ème sommet Afrique-Etats-Unis, le chef de l’Etat Macky Sall et président en exercice de l’Union africaine a porté la voix de l’Afrique lors de son face-à-face avec le président américain, Joe Biden. Maderpost vous propose l’intégralité du discours de Macky Sall ci-dessous.
SOMMET AFRIQUE-ETATS-UNIS – Monsieur Président Joseph Biden,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Au nom de l’Afrique, je vous remercie vivement, Président Biden, pour votre accueil convivial à l’occasion du 2e Sommet Afrique-Etats-Unis, après notre 1ere rencontre en 2014. Je vous félicite pour l’excellente organisation de nos travaux.
Nous apprécions votre attachement au partenariat afro-américain, ainsi que le temps et les efforts considérables que votre Administration a consacrés à l’organisation de notre Sommet.
C’est dans le même esprit que nous sommes venus revitaliser avec vous notre agenda commun.
Certes, les temps sont agités et incertains, les défis plus nombreux et plus complexes. Mais c’est dans l’épreuve que l’amitié trouve son meilleur test de grandeur, de confiance et de respect mutuel.
En ces temps de mutations profondes, travailler ensemble demande, assurément, une autre façon de penser le monde, en agissant en partenaires conscients de leur niveau de développement inégal, et respectueux de leurs valeurs communes et de leurs différences.
Sur cette base, Monsieur le Président, l’Afrique, par ma voix, souhaite partager avec vous six priorités et un message pour notre sommet.
Première priorité : la paix, la sécurité et la lutte contre le terrorisme en Afrique.
Nous souhaitons que la lutte contre le terrorisme en Afrique fasse partie intégrante du combat global contre ce fléau, en tant que menace à la paix et à la sécurité internationales.
Nous attendons un engagement fort du sommet de Washington sur cette question vitale et un appui de votre pays, afin que le Conseil de Sécurité des Nations Unies place la lutte contre le terrorisme en Afrique dans le cadre du mécanisme de sécurité collective de la Charte des Nations Unies.
Deuxième priorité : devant le triple impact du changement climatique, d’une crise sanitaire sans précédent et d’une guerre majeure, l’Afrique renouvelle son plaidoyer pour la réallocation partielle des Droits de Tirages spéciaux et la mise en œuvre effective de l’Initiative du G20 sur la suspension du service de la dette.
A travers le monde, y compris dans les pays développés, des millions de personnes n’arrivent plus à supporter le coût de la vie et basculent dans l’extrême pauvreté. La situation est encore plus difficile pour des économies beaucoup plus faibles comme les nôtres.
A l’image des plans massifs déployés par les pays développés en soutien aux ménages et aux entreprises, nous avons aussi mis en place des mesures de résilience économique et sociale, mais avec des capacités limitées devant l’ampleur de la crise.
C’est pourquoi nous plaidons pour une action solidaire internationale en soutien à nos efforts de résilience et de relance économique.
Je dois dire que la crise actuelle affaiblit l’idéal démocratique sur le continent. En effet, sans un mieux-être économique, l’ancrage démocratique restera toujours fragile et vulnérable aux risques d’instabilité.
Troisième priorité : l’Afrique souhaite un engagement plus soutenu des Etats Unis dans l’investissement sur les infrastructures de développement : routes, autoroutes, ports, aéroports, chemins de fer, centrales électriques et infrastructures numériques.
L’Afrique est le dernier grand chantier du monde, avec les projets du Programme de développement des infrastructures en Afrique, dont certains sont achevés et d’autres en cours. Ce sont autant d’opportunités d’investissements pour une croissance et une prospérité partagées.
A défaut d’un Plan spécial pour l’Afrique, nous appelons à la mobilisation diligente des ressources annoncées par le G7 au titre du Partenariat pour l’infrastructure mondiale et l’investissement pour accompagner la réalisation d’infrastructures en Afrique.
Quatrième priorité : l’Afrique, continent le moins pollueur et le plus vulnérable au réchauffement climatique, reste attachée aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat pour un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique.
Je rappelle que selon les estimations du GIEC, l’Afrique a besoin de 86 milliards de dollars américains par an d’ici 2030, pour financer ses besoins d’adaptation.
Puisque les engagements financiers convenus pour soutenir les efforts d’adaptation des pays en développement tardent à se concrétiser, nombre de nos pays continuent de recourir à la dette pour financer leurs projets verts et leurs stratégies de mix énergétique.
Mais l’Afrique demande une transition énergétique juste et équitable, pour satisfaire ses besoins d’industrialisation à des coûts compétitifs et assurer l’accès universel à l’électricité dont plus de 600 millions d’africains restent encore privés.
C’est une responsabilité à laquelle nous ne pouvons pas renoncer, et qui nous impose d’utiliser nos ressources disponibles en matière de transition.
Cinquième priorité : l’Afrique souhaite travailler avec les Etats-Unis pour gagner la bataille de la souveraineté alimentaire.
Nous saluons l’appui de votre pays au Mécanisme africain de financement des engrais, dans le cadre du Plan d’Urgence de la BAD pour la production alimentaire.
Dans l’immédiat, l’Afrique souhaite la prise de mesures urgentes pour faciliter l’accès au marché des engrais et des produits agricoles.
A moyen et long termes, nous voulons surtout travailler avec vous pour l’amélioration de la production, y compris par des investissements massifs dans la diversification des chaines de valeurs et le renforcement des infrastructures agricoles.
Le projet de Déclaration conjointe sur la sécurité alimentaire qui sera issu de notre sommet constitue un bon cadre d’action commune à cet effet.
Avec les leçons apprises de la crise, le moment est propice pour prendre une action vigoureuse dans le domaine de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. Je propose que notre sommet lance une Initiative présidentielle sur l’Agriculture en Afrique.
Sixième priorité enfin : l’Afrique appelle à une gouvernance mondiale plus juste et plus inclusive, notamment par l’accélération du processus de réforme du Conseil de Sécurité et l’octroi d’un siège à l’Union Africaine au sein du G20.
Avec le soutien des Etats-Unis, dont je vous remercie chaleureusement, Monsieur le Président, nous espérons que l’adhésion de l’Afrique au G20, que j’avais soumise à l’attention du sommet de Bâli, sera actée au prochain sommet du G20 en Inde.
Voilà nos six priorités.
Quant à notre message, c’est un engagement renouvelé pour l’ouverture, le dialogue et le partenariat, pour des relations internationales apaisées.
Dans cet esprit, l’Afrique réitère son appel pressant à la levée des sanctions qui continuent de frapper le peuple zimbabwéen.
Monsieur le Président, au nom de mes collègues, je dois également vous dire que nous sommes préoccupés par le projet de loi américain portant sur les échanges économiques et commerciaux entre nos pays et une puissance étrangère.
Ce projet, avec sa gamme de sanctions qui vise tout un continent, est une première dans les relations internationales. Toute l’Afrique se demande pourquoi un tel projet de loi, et pourquoi elle est visée.
Ayant à l’esprit les règles et principes de l’Organisation mondiale du Commerce, nous appelons au retrait de ce projet dont l’adoption pourrait gravement nuire aux relations entre l’Afrique et les Etats-Unis ; ce que nous ne souhaitons pas.
Notre souhait, et c’est notre raison d’être ici, c’est de poursuivre avec vous nos efforts communs pour un partenariat afro-américain co construit, toujours plus solide et plus confiant, pour le progrès et la prospérité partagés de nos peuples.
Thank you for your attention.
Maderpos