POLICE – Grosse agitation ce mercredi, au quartier Hamdallahi 4 de Sam-Sam 1 dans la commune de Diamagueune Sicap Mbao où la police a fait une descente musclée pour arrêter des présumés voleurs de bétail. Du commissariat, l’un des présumés voleurs a hélas été acheminé à l’hôpital où il décédera. Selon sa sœur et les autres individus interpellés, Pape Sarr, est mort de « brûlures, après avoir été torturé par la police ». L’Obs a rendu visite à la famille éplorée et recueilli la version d’un élément de la police.
Ndèye Ami Sarr : « J’ai assisté de bout en bout aux tortures subies par mon frère. Au contact des matraques, ses habits ont pris feu ».
« Mon frère s’appelle Pape Sarr, mais on l’appelle également Saliou Sarr. Il est né en 1984. Nous sommes venus habiter ce quartier après le décès de notre mère. Auparavant nous étions au domicile de notre père. Nous sommes une famille tranquille. Nous étions tous là assis à discuter, lorsque des éléments de la police de Thiaroye ont subitement débarqué dans le quartier, disant traquer un individu du nom de Papa Usine que nous connaissons très bien.
« A défaut de lui mettre la main dessus, ils sont tombés sur un groupe d’individus tous habitant le quartier, dont mon frère, Pape Sarr. Ils ont commencé à les fouiller et n’ont rien trouvé sur eux. C’était vendredi dernier et il était 17 heures. Puis sans crier gare, les policiers ont décidé de les embarquer et les conduire au commissariat de Thiaroye. Nous avons suivi le véhicule où il y avait notre frère et d’autres individus.
« C’est là-bas que nous avons appris que la police mène une enquête sur une affaire de vol de bétail. Nous avons subitement entendu des cris et lorsque nous nous sommes rapprochés, nous avons vu qu’ils étaient en train de les torturer. Ils les ont torturés à l’électricité et les ont frappés violemment, avant de les libérer. L’individu du nom de Papa Usine a été finalement arrêté et lorsque les policiers l’ont interrogé, a livré le nom de mon frère, Pape Sarr.
« C’est dans la nuit du samedi 14 au dimanche 15 juillet 2018 que la police a de nouveau débarqué dans notre maison. Il était trois heures du matin. Ils ont défoncé la porte et étaient cette fois armés de gourdins. C’était vraiment une descente musclée. Quand je suis sortie de ma chambre, j’ai vu les policiers qui nous ont tous embarqués à bord de leur véhicule, direction Commissariat de Thiaroye. Dans le véhicule, il y avait d’autres gens et je les entendus dire aux policiers qu’il fallait frapper Pape Sarr et qu’il allait faire des aveux.
A la police, j’étais également présente, quand ils ont commencé à les torturer. C’est d’abord du diluant qu’ils ont déversé sur mon frère, avant d’utiliser leur matraque électrifiée. C’est le contact de l’électricité avec le diluant qui a mis le feu aux habits de mon frère. Ils étaient tous surpris par le feu et ont fui et c’est alors que l’un d’eux est revenu pour rouler mon frère sur le tapis herbacé pour tenter d’éteindre le feu.
Hélas, le mal était déjà fait. Tout s’est déroulé devant moi. Mon frère a ensuite été évacué par les policiers à l’Hôpital de Pikine, avant d’être acheminé à l’Hôpital Principal de Dakar où il a finalement rendu l’âme, le dimanche 15 juillet 2018.»
Un policier poignardé par les amis du défunt
A l’annonce de la mort de Pape Sarr, sa famille et ses amis ont envahi le quartier de Sam-Sam où ils ont tenu en respect les populations, qui ont assisté impuissantes à un saccage en règle de plusieurs maisons…
Armés de machettes et de gourdins, certains, visiblement ivres, se sont attaqués à la famille d’un présumé collaborateur de la police qu’ils accusent d’avoir balancé leur frère, Pape Sarr. A l’absence du présumé collaborateur, ils se sont violemment attaqués à son frère policier et lui ont planté un couteau à la tête.
Les malfaiteurs qui ont voulu venger la mort de Pape Sarr ont finalement battu en retraite, lorsque le policier blessé a exhibé son arme, avant de tirer. Alertés, les commissariats de police en banlieue ont mobilisé leurs éléments pour quadriller le quartier et mettre un terme aux actes de représailles initiés par les camarades du défunt. Cela n’a pas découragé des camarades du défunt, qui ont poursuivi leur chemin et se sont rendus au domicile d’un Agent de sécurité de proximité (ASP) qui avait pris part à la descente de police. La maison de l’agent situé au quartier Thierno Ndiaye a été saccagée, du mobilier détruit par le groupe de malfaiteurs.
« Le défunt s’est brûlé lui-même », selon un policier
S’exprimant sous le couvert de l’anonymat, un policier accroché par L’Obs et qui a pris part à l’audition de feu Pape Sarr est formellement : « C’est insensé de penser qu’un policier puisse détenir du diluant. Pape Sarr a lui-même arraché la matraque pour se brûler les habits. Il avait un comportement suicidaire. Au total, ils étaient neuf individus interpellés dans le cadre de l’enquête sur un vol de bétail. Les autres ont été déférés lundi dernier, vingt quatre heures après la mort de Pape Sarr. C’est une véritable bande de malfaiteurs spécialisés dans le vol de Ladum qu’ils écoulent à trente mille francs, par bête, auprès d’une dibiterie dont le gérant a été identifié et arrêté. »
El .H. Alassane HANNE