Si de nombreux éleveurs, opérateurs structurels ou conjoncturels sont heureux d’avoir vendu à prix d’or leurs beaux moutons à l’occasion de la dernière fête de l’Aïd el Kabir, à la grande défaveur des populations dont partie n’a pu sacrifier au sacrifice d’Abraham pour défaut de pécule conséquent, la réalité de la prochaine tabaski en 2020 risque d’être amère pour la communauté musulmane et tout le pays.
La décision pour beaucoup de Sénégalais de jeter leur dévolu sur les agneaux, agnelles, ou brebis, parce que n’ayant pas pu s’offrir de beaux béliers, posera un sérieux problème dans le processus de croissance de la population d’ovins, ce d’autant que d’autres rendez-vous de consommation de masse, tel le Magal de Touba, viendront décimer une population locale largement entamée.
Les consommateurs puiseront encore dans les deux systèmes distincts, que sont les systèmes de production urbains et périurbains et de celui de production pastorale et agro-pastorale largement extensif et pas forcément tourné vers la seule production de moutons de tabaski, jusqu’à cette année en tout cas. Puisqu’il semble que pour la première fois depuis longtemps, les importations depuis le Mali (UEMOA) et la Mauritanie, en complément des productions locales pour satisfaire le marché, n’ont pas été faites, contrairement aux années précédentes.
Est-ce que parce que la population d’ovins actuelle permet un abattage massif tel celui de la tabaski ? Aucune donnée des statistiques ne permet de répondre. Ce qui est du reste assez surprenant.
En 2009, soit dix ans plus tôt, environ 670 000 moutons avaient été sacrifiés selon un article tiré d’un rapport de recherche rédigé par O. Ninot, N. Dia, T. Gassama et E.H.M. Seye dans le cadre du programme de recherche « ICARE » coordonné par l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherches Agricoles) et le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).
230 000 de ces moutons avaient été sacrifiés dans la seule région de Dakar, soit un tiers des sacrifices alors que l’agglomération ne regroupe qu’un quart de la population totale du pays.
À cette demande urbaine nombreuse et spécifique, avaient répondu à la fois les producteurs ruraux, des producteurs urbains et périurbains et des éleveurs des pays voisins.
Et déjà, à l’époque se posait la question des effets de l’urbanisation et de l’évolution des modes de vie et de consommation sur l’organisation spatiale des systèmes de production et des dispositifs marchands, et plus généralement sur l’aménagement du territoire.
Le Sénégal a-t-il répondu à ces questions dont celle économique de production nationale, des dispositifs marchands maîtrisés et non inflationnistes pour puiser désormais et exclusivement dans la population d’ovins locaux les béliers destinés au rite d’Abraham ?
Si ce n’est le cas, autant anticiper 2020 et ce dès à présent.
Charles FAYE