A quelques jours de la fin de 2021, Sud quotidien revient sur quelques événements au plan politique qui ont fortement marqué le cours de cette année. Ainsi, nous vous replongeons dans le cœur de l’affaire « Sweet beauty », avec son cortège de morts, qui est sans doute l’événement phare de cette année 2021 sur le plan politique de même que la volte-face du président de la République au sujet du poste de Premier ministre, supprimé deux années plus tôt.
RETRO 2021 – « Sweet beauty », une affaire de mœurs qui a failli faire vaciller la stabilité du Sénégal
Soudainement projetée sur la place publique, cette affaire de mœurs impliquant le leader du parti politique Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, député à l’Assemblée nationale et ancien candidat classé 3ème lors de l’élection présidentielle de février 2019, a failli ébranler la stabilité institutionnelle du Sénégal. A travers une plainte déposée auprès de la redoutable Section de recherches de la Gendarmerie nationale basée à la Caserne Samba Diery Diallo sise à Colobane, une jeune femme prénommée Adji Sarr, employée dans un salon de beauté « Sweet beauté spa », accuse Ousmane Sonko de l’avoir violée sous la menace à quatre occasions dont la dernière fois date la nuit du 2 au 3 février 2021. Convoqué suite à cette plainte pour le lundi 8 février, le leader de Pastef a tenu une déclaration de presse la veille de cette convocation. Lors de cette rencontre avec les journalistes, Ousmane Sonko réfutait ces accusations en criant au « complot » et à la « tentative de liquidation politique » orchestrée par le président Macky Sall pour l’écarter de la présidentielle en 2024, comme ça a été le cas pour Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall.
Loin de s’en tenir-là, Ousmane Sonko brandissant son immunité parlementaire a également annoncé non seulement qu’il ne déferait pas à la convocation des gendarmes mais aussi qu’il résisterait à tout tentative visant à l’arrêter par la force, tout en appelant ses partisans à se mobiliser pour résister. Le lendemain, son domicile sis à cité Keur Gorgui a été envahi par une foule de jeunes venus de tous les quartiers de la capitale pour le soutenir. En réaction, les autorités évoquant la mesure d’interdiction des rassemblements initiée dans le cadre de l’état d’urgence décrété par le chef de l’Etat depuis le 23 mars 2020, déploient les forces de sécurité pour disperser cette foule provoquant des altercations violentes durant toute la journée aux abords de ce quartier et dans certaines zones de la capitale.
Le lendemain, pour faire face à ce refus du leader de Pastef de déférer à la convocation de la Section de recherche, le procureur de la République par l’intermédiaire du procureur général actionne le président de l’Assemblée nationale à travers une lettre de demande de levée de son immunité parlementaire. Mais, lors de la plénière convoquée le lundi 15 février en vue de la mise en place de la commission Ad hoc chargée de statuer sur cette demande de levée de l’immunité, l’opposition parlementaire s’est érigée en bouclier en refusant de cautionner la procédure de levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko en votant contre cette procédure. Seulement, ce boycott n’a pas eu d’effet puisque leurs collègues du groupe de la majorité qui dispose d’une très grande avance sur eux, en termes de nombre, ont voté pour livrer Sonko aux mains de la justice.
C’est ainsi qu’une nouvelle convocation a été adressée pour le mercredi 3 mars au leader de Pastef non pas par les Gendarmes de la Section de recherche dessaisis de l’affaire au profit du juge d’instruction Mamadou Seck après que des procès- verbaux d’audition des différentes personnes entendues dont Adji Sarr ont fuité dans la presse. Ce jour-là (mercredi 3 mars) alors qu’il se rendait au tribunal pour y répondre à la convocation du juge d’instruction, Sonko qui était à la tête d’un important cortège humain formé par ses partisans a été arrêté sur ordre du procureur de la République pour « trouble à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée » et placé en garde à vue par les Gendarmes avec qui, il avait des dissensions concernant l’itinéraire qu’il devait prendre pour rallier le tribunal.
Ceci provoquera une série de manifestations qui ont touché presque la totalité des 14 régions du Sénégal provoquant la mort de 13 jeunes du côté des manifestants et d’importants dégâts matériels. Face à la montée de la violence, l’armée nationale est réquisitionnée par le gouverneur de Dakar pour assurer la sécurité au centre-ville et aux abords du Palais de la République et dans d’autres régions comme à Ziguinchor. Le ministre de l’Intérieur, pointant du doigt la présence des «forces étrangères» lors d’une déclaration à la télévision nationale, a rassuré que « force restera à la loi » et « toutes les dispositions seront prises pour qu’il n’y ait pas de débordements dans le cadre des méthodes classiques et techniques de rétablissement de l’ordre».
N’empêche, le 5 mars, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, se dit « très préoccupé par la situation» et appelle « à éviter une escalade». Abondant dans le même sens, l’ancien médiateur de la République, feu Alioune Badara Cissé, prend la parole le 7 mars, pour appeler le président Macky Sall à…prendre la parole «avant qu’il ne soit trop tard». «Les Sénégalais veulent vous entendre, pourquoi diable ne leur parleriez-vous pas ? Faites-le avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il lancé. De son côté, le juge Mamadou Seck qui avait envoyé la convocation au leader de Pastef se rétracte et se dessaisit du dossier.
Mais, il a fallu attendre jusqu’au 8 mars, jour de comparution d’Ousmane Sonko devant l’ancien doyen des juges d’instruction, feu Samba Sall, qui a finalement contre toute attente inculpé et placé Sonko sous contrôle judiciaire, pour voir le calme revenir à nouveau dans le pays. Puisque quelques heures après son retour chez lui, le leader de Pastef a tenu une conférence de presse dans laquelle il a non seulement appelé au calme mais aussi poser ses exigences au chef de l’Etat.
Il s’agissait, entre autres, du versement d’une réparation aux familles des victimes, de l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités, de la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers politiques et de l’indemnisation de tous les blessés civils et militaires et la prise des mesures contre la persécution des civils et militaires qui ont des opinions contraires à la marche de pays. Mais aussi la restitution des droits civiques « illégalement et inconstitutionnellement » retirés par Macky Sall à Khalifa Sall et Karim Meissa Wade.
Pour finir, Ousmane Sonko a également invité le chef de l’Etat à faire une déclaration publique et sans ambigüité en disant qu’en 2024, il va quitter ses fonctions et laisser en paix le pays. Prenant à son tour la parole, le même soir, le président Sall a lui-aussi invité la population au «calme et à la sérénité » mais aussi «d’éviter la logique de l’affrontement qui mène au pire» tout en décrétant un allègement du couvre-feu en vigueur dans deux régions, dont Dakar.
RETOUR DU POSTE DE PREMIER MINISTRE
Un rétropédalage « surprenant» du Président
Le retour du poste de Premier ministre dont la loi a été votée par l’Assemblée nationale le 10 décembre dernier fait également partie des faits saillants de l’actualité politique au cours de cette année 2021. En effet, supprimé par le chef de l’Etat dans la foulée de sa réélection en vue de s’adapter à la nouvelle gouvernance des affaires sous le mode « fast-track », le retour du poste de Premier ministre a été annoncé par le chef de l’Etat lors de la réunion du Conseil des ministres du 24 novembre, pour dit-il, « prendre en compte les impératifs de relance de l’économie nationale et une meilleure coordination de la mise en œuvre des politiques publiques ».
Réunis en session plénière le vendredi 10 décembre dernier, les députés ont adopté le projet de révision constitutionnelle n°38/2021 introduite en procédure d’urgence par 92 pour, 02 contre et 08 abstention. Venu défendre ce texte, Me Malick Sall, ministre de la Justice, Garde des sceaux a indiqué que cette réforme se justifie par le « changement de paradigme, récemment intervenu au plan de la gouvernance de l’Etat, consécutivement à l’institutionnalisation des politiques publiques et l’émergence d’une culture de gestion axée sur le développement, recommande une rationalisation de l’exercice des attributions ministérielles par un réaménagement de la structure du Gouvernement ». il faut souligner que ce vote a été précédé par un débat houleux de plus de cinq tours d’horloge entre les députés de l’opposition qui accusèrent leurs collègues de la majorité de s’être entêtés dans leur erreur en votant la suppression de ce poste le 4 mai 2019.
Maderpost / Sudquotidien / Nando Cabral Gomis