Chaque année, le prestigieux Prix International L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science met à l’honneur des femmes scientifiques exceptionnelles issues de cinq grandes régions du monde : Afrique et États arabes, Amérique du Nord, Amérique latine et Caraïbes, Asie et Pacifique, et Europe. Cette année, c’est la Professeure camerounaise Rose Leke qui a été couronnée pour la région africaine.
DISTINCTION – Le 28 mai, cette distinction a été décernée à la Professeure Rose Leke, ancienne cheffe du département des maladies infectieuses et de l’immunologie et ancienne directrice du centre de biotechnologie de l’Université de Yaoundé 1 au Cameroun. À cette occasion, elle a accordé une interview exclusive à Africanews.
Professeure Rose Leke, tout d’abord félicitations. Pouvez-vous nous parler de votre récompense et de ce qu’elle représente pour vous ?
Merci beaucoup et merci pour cette interview. Le Prix International L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science est très important et nous, les lauréates, en sommes vraiment reconnaissantes. Ce que cela signifie pour moi personnellement, à la fin de ma carrière, c’est que je suis vraiment honorée et touchée par ce prix. Je suis très heureuse, mais encore une fois, cela me concerne personnellement. J’espère que ce sera une grande source d’inspiration et d’encouragement pour les jeunes femmes. Je pense à ce qu’elles en feront et j’espère que cela les encouragera à aller de l’avant, car il n’est pas facile d’être une femme scientifique.
Vous êtes une spécialiste en immunologie, vos travaux sont reconnus en Afrique. Quel pourrait être l’impact des avancées technologiques comme les vaccins à ARN message dans la lutte contre les maladies infectieuses sur le continent ?
Les vaccins à ARNm nous ont vraiment beaucoup aidés pendant la pandémie de COVID-19. Pour nous sur le continent, ces vaccins COVID, qui étaient fabriqués en dehors de l’Afrique puis envoyés en Afrique, étaient difficiles à obtenir en quantités suffisantes. En décembre dernier, BioNTech a établi une installation de fabrication très importante à Kigali, au Rwanda, et ce projet alimente beaucoup d’espoir.
Durant la pandémie, nous avons vu les failles du système de santé publique africain. Avons-nous aujourd’hui les outils pour atteindre l’autosuffisance médicale ?
L’initiative panafricaine de fabrication de vaccins, qui inclut la production de vaccins et de médicaments sur le continent, a déjà commencé à Kigali, au Rwanda. L’Africa CDC fait aussi vraiment avancer les choses de son côté. Si vous allez à l’Université de Cape Town, vous trouverez le Professeur Kelly Chibale, qui utilise l’intelligence artificielle pour la découverte de médicaments. C’est l’un des espoirs que nous avons pour aider l’Afrique.
Pour rester sur les vaccins, comme vous le savez, en janvier, le Cameroun est devenu le premier pays à lancer la vaccination systématique contre le paludisme. Qu’est-ce que ça vous évoque et comment évaluez-vous l’importance de cette campagne de vaccination ?
Ce lancement était en réalité censé avoir lieu en décembre, mais je félicite le gouvernement car, comme vous le savez, avec l’hésitation vaccinale, ils ont dû mettre en place une bonne communication. Au début, les gens pensaient que cela ne fonctionnerait pas, mais ça a marché et j’étais là au lancement. Quelques semaines plus tard, je veux vous assurer que je suis retournée dans la ville de Soa et j’ai vu les chiffres, et ils étaient très encourageants. Les gens sont venus pour la première dose, et les mères ont amené leurs enfants pour les deuxième et troisième doses. De plus, la responsable de cette zone m’a dit qu’il n’y avait pas eu d’effets secondaires parmi ceux qui ont été vaccinés, ce qui est une très bonne nouvelle.
C’est un vaccin qui nécessite plusieurs doses et qui est partiellement efficace, à 30% selon les experts. Pour ces raisons, dans certaines régions d’Afrique subsaharienne, des parents sont sceptiques à l’idée de vacciner leurs enfants. Qu’avez-vous à dire à ces parents ?
Je voudrais juste leur dire que si vous allez dans les endroits où les essais ont été réalisés, comme au Kenya, au Ghana ou au Malawi, les mères sont très satisfaites du vaccin. Ce que je veux dire aux parents, c’est de faire confiance à ce vaccin ; il fonctionne dans tous les domaines pour faire ce qu’il est censé faire. Moins de cas graves de paludisme pour les enfants grâce à ce vaccin, car il sauve des vies et continuera de le faire.
Maderpost / Africa news