Une enquête américaine auprès de 6 000 médecins dans 30 pays montre que les praticiens estiment que l’hydroxychloroquine et l’azithromycine sont actuellement les armes les plus efficaces contre le Covid-19. Dans le même temps, les chercheurs en immunologie de la cité phocéenne viennent de lancer un projet exploratoire pour voir si de nouvelles molécules développées pour d’autres pathologies pourraient s’avérer efficaces contre le Covid-19.
Par Hervé VAUDOIT
CORONAVIRUS – Plébiscite pour le traitement Raoult
Plus d’un tiers (37% exactement) des médecins du monde entier considèrent le traitement préconisé par le professeur Didier Raoult comme le meilleur protocole actuellement disponible pour traiter les patients atteints de coronavirus. C’est en tout cas ce qui ressort d’une enquête internationale conduite fin mars auprès de 6 227 praticiens hospitaliers de 30 pays (1) du monde.
Ce sondage planétaire a été piloté par Sermo (2), une entreprise américaine qui se présente comme un “salon virtuel pour médecins” afin de faciliter les échanges d’informations et de données scientifiques entre eux.
Les résultats ont été dévoilés en fin de semaine et ils ne sont pas pour déplaire à Didier Raoult, à l’origine d’une controverse scientifique franco-française qu’un nombre croissant de médias internationaux commence à tourner en ridicule.
Autour de la planète, les médecins en prise directe avec les malades ne se posent plus beaucoup de questions. Selon l’enquête de Sermo, le type de molécule qu’ils prescrivent le plus à leurs patients sont les anti-douleurs (pour 56% d’entre eux), suivis par l’azithromycine (41%) et l’hydroxychloroquine (33%).
Sachant que les anti-douleurs n’ont pas de visées thérapeutiques (cela ne soigne pas, cela soulage seulement), ils sont donc près de 40% à estimer le protocole préconisé depuis le 25 février par Didier Raoult comme le traitement le plus efficace contre le coronavirus.
Pour leur laisser un vaste choix, les enquêteurs de Sermo leur ont présenté une liste de 15 “solutions thérapeutiques”, parmi lesquelles figurent les molécules anti-VIH et anti-Ebola incluses dans le fameux essai Discovery piloté par l’Inserm.
Mieux : à la question “quel est selon vous le traitement le plus efficace contre le coronavirus ?”, 37% des praticiens interrogés répondent “l’hydroxychloroquine” et 32% répondent “l’azithromycine”. Suivent “rien du tout”, puis “les anti-douleurs”, “les anti-HIV” et, enfin, “les médicaments pour la toux.”
La moitié des médecins italiens (49%) ont fait de même, ainsi qu’un quart (23%) des praticiens américains, alors que la Food et Drug Administration (FDA) n’a expressément autorisé sa prescription que le 29 mars, c’est-à-dire après l’enquête de Sermo. Les plus réticents sont les médecins japonais ; seuls 7% d’entre eux ont déjà administré de l’hydroxychloroquine à leurs patients. Moins d’un tiers (29%) des médecins français sont sur la même ligne, un chiffre qui s’explique en partie par la controverse qui continue de diviser la communauté médicale et scientifique française entre les pro et les anti Raoult.
L’infectiologue marseillais n’y voit pas le signe d’une victoire personnelle, mais plutôt la preuve que “les médecins reprennent la main sur la décision de ce qui est bon ou pas pour les malades.” Le signe, aussi, que confrontés à une pandémie de cette ampleur et de cette gravité, les médecins du monde entier ne considèrent plus la doxa scientifique comme incontournable.
“Les comités d’éthique sont devenus fous, appuie Raoult, pour imaginer un essai clinique sur le Covid-19 dans lequel on va donner un placébo à la moitié des patients, il faut avoir perdu la raison.”
À l’IHU Méditerranée Infection, on continue donc d’administrer hydroxychloroquine et azithromycine à tous les patients positifs qui présentent des symptômes de la maladie.
“Là-dessus, je n’ai aucun état d’âme”, assure l’infectiologue. Plus d’un millier de personnes ont déjà été traitées de cette façon dans cet établissement qu’il dirige depuis sa mise en service, en décembre 2016. L’analyse des données recueillies auprès de ces patients devrait être rendue publique dans le courant de la semaine prochaine.
La « task force » des immunologistes
Sous le feu des projecteurs depuis le début de la crise, l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection n’est pas la seule structure de recherche médicale marseillaise impliquée dans la course contre le coronavirus. Créé en 2015 à l’initiative du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML), le pôle français d’immunologie Marseille Immunopôle vient en effet de lancer un projet de recherche exploratoire, dans le but d’analyser la réponse immunitaire des patients atteints par cette maladie et d’identifier d’éventuelles solutions thérapeutiques pour combattre le virus.
Baptisé “Explore Covid-19″, ce projet associe les hôpitaux universitaires de l’AP-HM, l’hôpital militaire Alphonse-Laveran et la société de biotechnologie marseillaise Innate Pharma, spécialisée dans le développement initial de candidats médicaments.
Élaboré en seulement quelques semaines pour répondre à l’urgence de la situation, ce projet réunit déjà une quarantaine de médecins et de chercheurs qui s’emploient à décortiquer les réactions du système immunitaire des patients infectés présentant des symptômes plus ou moins sévères de la maladie.
Cette “task force” phocéenne contre le covid-19 est dirigée par l’immunologiste Éric Vivier, qui figure (avec Didier Raoult et son équipe de l’IHU) parmi les quelques chercheurs marseillais reconnus et respectés à l’échelle internationale.
Elle mobilise les services d’urgence, de soins intensifs et de médecine interne des hôpitaux de la Timone, Nord et Laveran, ainsi que le laboratoire d’immuno-profiling MI/AP-HM de l’hôpital de la Timone, dirigé par le docteur Frédéric Vely.
Premiers tests avec 100 patients
Les membres de cette brigade ont commencé à analyser la réponse immunitaire au virus SRAS-Cov2 (l’autre nom du covid-19), à partir d’échantillons de sang d’environ 100 patients infectés à différents stades de la maladie.
Trois groupes ont ainsi été formés. Le premier avec les patients ne présentant aucun ou peu de symptômes. Le deuxième avec les patients nécessitant une oxygénation et le troisième avec les patients dans un état grave placés sous assistance respiratoire prolongée.
Grâce à cette analyse comparative, les scientifiques espèrent mieux comprendre l’impact de la réponse immunitaire sur l’évolution du COVID-19 et les voies moléculaires capables de moduler cette réponse. Pour ce faire, ils se concentreront sur les cibles d’Innate Pharma qui pourraient jouer un rôle dans le contrôle de l’infection virale ou de l’inflammation induite par le SRAS-Cov2.
“Une fois que les patients sont infectés par le virus, leur système immunitaire est activé. Malheureusement, pour certains d’entre eux, le système se met en surcharge et « inonde » les poumons de cytokines inflammatoires, ce qui entraîne des troubles respiratoires aigus “, explique Julien Carvelli, médecin à l’unité de soins intensifs de la Timone.
“En explorant la réponse immunitaire de patients présentant des profils distincts, nous espérons mieux comprendre la contribution des différentes populations de globules blancs (les lymphocytes, ndlr) et identifier rapidement de nouvelles pistes thérapeutiques”, précise le professeur Éric Vivier. L’idée est de “trouver le moyen de booster le système immunitaire dans les premières phases de la maladie, afin d’empêcher le virus de flamber, mais aussi de limiter la réponse immunitaire dans les phases aigües, afin d’éviter la “tempête inflammatoire” qui touche les poumons et compromet la guérison des patients.”
C’est la société Innate Pharma, dont Éric Vivier est le directeur scientifique, qui finance cette étude exploratoire. L’entreprise marseillaise a en effet développé ces dernières années plusieurs candidats médicaments qui agissent sur la réponse immunitaire, notamment dans le cadre de recherches sur le cancer. “Nous espérons obtenir des résultats très rapidement, assure Éric Vivier, mais il serait prétentieux de notre part de nous engager sur des délais précis. Notre espoir, poursuit-il, c’est de préparer le plus vite possible des bases rationnelles pour un essai clinique sur des molécules développées pour d’autres pathologies mais qui pourraient être utiles dans la lutte contre le covid-19.”