Mi-décembre, le gouvernement britannique a annoncé avoir détecté une nouvelle souche du coronavirus, potentiellement liée à une augmentation des contaminations. Il est peu probable que cette dernière réduise l’efficacité du vaccin de Pfizer et BioNTech, autorisé ce lundi 21 décembre par l’agence européenne des médicaments.
CORONAVIRUS – Une variante du coronavirus qui se transmet jusqu’à “70% de plus” que les autres, d’après Boris Johnson. La nouvelle souche du coronavirus détectée au Royaume-Uni inquiète la planète. Suivant l’exemple de plusieurs pays, Jean Castex a annoncé dans la soirée de ce dimanche la suspension des déplacements de personnes en provenance du Royaume-Uni en France pour 48h.
Samedi, le conseiller scientifique du gouvernement britannique, Patrick Vallance, avait déclaré que cette nouvelle variante devenait la forme “dominante” des nouvelles contaminations : elle est à l’origine de 62% des infections enregistrées à Londres en décembre.
De nombreuses interrogations demeurent, notamment à propos des vaccins : cette souche pourrait-elle réduire l’efficacité des vaccins développés contre le Covid-19 ?
Lundi 21 décembre, l’agence européenne des médicaments a justement autorisé le vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Ces derniers avaient annoncé, le 18 novembre, dans un communiqué, que leur injection était efficace à 95%. Elle a d’ores et déjà été autorisée au Royaume-Uni, au Canada ou encore en Suisse.
Ce dimanche, les experts européens ont conclu que les vaccins, y compris celui de Pfizer, restent efficaces contre cette nouvelle variante. Pourtant, celle-ci comporte justement des mutations sur la protéine ciblée par les vaccins. Explications.
La protéine Spike, cible des vaccins
La nouvelle souche, qui serait apparue mi-septembre en Grande-Bretagne, “comporte une vingtaine de mutations“, explique Morgane Bomsel, directrice de recherche au CNRS spécialiste en virologie.
Or, trois d’entre elles concernent la cible des vaccins développés contre le coronavirus : la protéine Spike. C’est notamment le cas de celui de Pfizer, autorisé ce 21 décembre en Europe, et de Moderna, que l’Europe doit autoriser ou non le 6 janvier.
Celle-ci est présente à la surface du coronavirus : c’est elle qui lui permet de se fixer aux cellules humaines. Lorsque le système immunitaire entre en contact avec cette dernière, il synthétise des anticorps qui la neutralisent.
C’est ce qui permet, après une infection au coronavirus, d’être immunisé. L’objectif des vaccins est donc de présenter cette protéine à notre système immunitaire. Celui-ci apprend alors à la reconnaître, et produit des anticorps dirigés directement contre elle. En cas d’infection par le SARS-CoV-2, notre organisme dispose ainsi d’ores et déjà d’anticorps capables d’empêcher la fixation du virus aux cellules.
“Ce sont sûrement ces trois mutations de la protéine Spike qui sont responsables du plus fort taux de transmission de cette nouvelle souche, même s’il faudra d’autres études pour le prouver“, explique Bruno Canard, spécialiste des coronavirus au laboratoire architecture et fonction des macromolécules biologiques au CNRS Aix-Marseille.
En effet, cela permettrait au virus de mieux se fixer à nos cellules. Autre problème : si cette protéine change, elle n’est plus reconnue par les anticorps synthétisés après la vaccination. “Mais je n’ai pas trop d’inquiétudes à ce sujet“, tempère Bruno Canard : plusieurs arguments permettent en effet de supposer que la baisse d’efficacité des vaccins, et notamment celui de Pfizer, est peu probable.
Une baisse d’efficacité peu probable
“Ces mutations ne changent pas, à priori, la structure de la protéine Spike avant qu’elle entre en contact avec le récepteur présent sur nos cellules“, explique Morgane Bomsel.
Autrement dit, elles permettraient bien au virus de “mieux” se fixer à nos cellules, mais elles ne changeraient pas sa forme. Les anticorps synthétisés après l’injection du vaccin pourront donc toujours la reconnaître, et empêcher sa fixation.
Autre argument : “Les vaccins permettent la production de multiples anticorps décrit Bruno Canard. Ils reconnaissent chacun un endroit différent de la protéine Spike.” Ainsi, même s’il est possible que certains des anticorps ne puissent plus reconnaître leur cible à cause de mutations, “on considère qu’il restera suffisamment d’anticorps spécifiques à d’autres zones de Spike pour empêcher l’infection par le virus“, explique Morgane Bomsel. D’après le spécialiste des coronavirus, “la probabilité que l’efficacité des vaccins baisse est donc faible“.
Des vaccins adaptables
Enfin, les deux vaccins les plus avancés, ceux de Pfizer et de Moderna, utilisent la même technologie : le vaccin à ARN. Plutôt que d’injecter la protéine Spike, on administre au patient son code génétique. C’est ensuite notre organisme qui produit la protéine, qui est ensuite présentée au système immunitaire.
“Or il est assez simple d’adapter ce type de vaccin pour qu’il reconnaisse la nouvelle souche, ils sont plus faciles à manier que d’autres“, décrit Bruno Canard. Il est donc possible de reformuler les vaccins, “même s’il faudrait peut-être quelques mois pour en produire de nouveaux et retrouver l’efficacité“, poursuit Morgane Bomsel.
Selon les deux chercheurs, même si ce nouveau virus était moins reconnu par les vaccins, il serait ainsi possible de s’y adapter.
“Bien sûr, ce ne sont que des prévisions, il faut attendre des travaux supplémentaires. Et il y a des événements, comme d’autres mutations, que nous ne pouvons pas prévoir“, conclut le chercheur marseillais. Il faut à présent attendre d’avoir davantage de recul pour analyser les propriétés de cette nouvelle souche du coronavirus.
Maderpost / Marianne / Margot Brunet