Confinement, télétravail, interdiction de voyage: la pandémie brutalise l’économie. Mais sa puissance disruptive s’avère sélective. Alors que l’industrie pharmaceutique traverse la crise sans dégâts, l’horlogerie souffre davantage qu’à aucun autre moment depuis la Seconde Guerre mondiale. Quelles sont alors les perspectives pour la Suisse sous l’angle du travail, des entreprises et de la recherche?
Le village mondial migre
Traditionnellement, l’année économique suisse commence en fanfare avec le Forum économique mondial (WEF) de Davos. L’an dernier encore, l’événement drainait tous les regards avec, en particulier, la visite du président américain Donald Trump. La situation est tout autre en 2021. Le WEF déplace son assemblée annuelle à Singapour – l’année de son 50e anniversaire.
Résultat, une perte en millions de francs pour l’économie suisse. Mais aussi un effet de symbole. Ce déménagement en Asie du Sud-Est souligne la concurrence croissante que fait peser ce continent sur la Suisse économique. Singapour est un compétiteur toujours plus important pour les banques suisses avant tout. Depuis la fin du secret bancaire, les flux financiers en direction de la cité-État ont drastiquement augmenté.
L’Asie montre les muscles. Elle vient de ficeler la plus vaste zone de libre-échange de l’histoire – un partenariat économique global (Regional Comprehensive Econopmic Partnership) qui comprend des poids lourds comme la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et l’Indonésie. Il sera intéressant de voir comment de tels accords impacteront le secteur des matières premières, fortement implanté en Suisse.
Un espoir, la vaccination
Les perspectives de l’économie suisse pour l’an prochain sont mitigées, les instituts de prévision n’envisageant pas de reprise avant le second semestre. La Suisse sera plus que jamais dépendante de ses multinationales pharmaceutiques. Ce secteur en forte croissance, qui représente désormais près de la moitié des exportations suisses en valeur, a non seulement passé sans encombre l’épreuve du coronavirus, mais il en sort renforcé. Il devrait accroître encore son importance et dépasser rapidement la part des 10% dans le Produit intérieur brut (PIB) helvétique.
Les autres secteurs d’exportation helvétiques seront eux aussi tributaires de la pharma pour relancer leurs activités et assurer le maintien en Suisse des activités industrielles et des postes de travail qui y sont liés. Tous attendent avec impatience les campagnes de vaccination à large échelle prévues dans la plupart des pays de l’hémisphère nord pour tourner la page d’une année 2020 cauchemardesque.
C’est le cas notamment de l’horlogerie, l’un des secteurs industriels les plus touchés par la pandémie. Les exportations de montres suisses ont diminué de près d’un quart en 2020, soit la plus forte contraction annuelle observée depuis la Seconde Guerre mondiale. Même s’ils se réjouissent d’une embellie observée en Chine ces derniers mois, les horlogers espèrent un retour rapide des touristes et la réouverture des boutiques en Europe et en Amérique du Nord pour sortir de ce marasme inédit.
Moins connue et visible que l’horlogerie, mais bien plus importante en termes d’exportations et d’emplois en Suisse (320 000 postes de travail), l’industrie des machines, des équipements et des métaux (MEM) fait face à un avenir très incertain. En bout de chaîne, les fabricants de machines-outils destinés à l’horlogerie, l’aéronautique et l’automobile ont été particulièrement affectées par la pandémie et seront certainement les derniers à entrevoir les signes d’une reprise durable.
Une numérisation à grands pas
À long terme, la pandémie devrait aussi avoir des effets positifs sur l’économie suisse. En comparaison internationale, la Suisse était plutôt en retrait sous l’angle de la décentralisation et de la numérisation du travail. De nombreuses entreprises du secteur clé des services n’ont eu d’autres choix en 2020 que de progresser dans ces domaines. De quoi accroître leur compétitivité internationale à longue échéance. Mille et une questions demeurent toutefois à ce stade en Suisse s’agissant du télétravail et de la localisation du travail, notamment sous l’angle juridique ou de la sécurité des données.
Maderpost / SuissInfo