La mise au point à Jeune Afrique (JA) de Mahamadou Ouhoumoudou, Premier ministre du gouvernement de Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet, selon laquelle il n’y a jamais eu de désaccord entre le président Bazoum et Sani Issoufou, fils de son prédécesseur, après la publication de l’article de JA « Coup d’État au Niger : et si le pétrole expliquait tout », est battue en brèche par une source de Maderpost, qui prend le contre-pied, soutenant que le putsch a « bel et bien une odeur de pétrole ».
NIGER – La « malédiction du pétrole » a souvent été agitée quand il s’agit pays africains et d’Amérique latine dans ce que l’on appelait il y a encore peu le « tiers monde ». Même si l’on ne se réfère plus aux mêmes terminologies et concepts, ladite « malédiction » est toujours là, touchant de plus en plus de pays particulièrement ceux de l’Afrique de l’Ouest ayant désormais le statut de « pays pétrolier ». Comme par hasard, ces pays vivent de fortes tensions politiques et certains des coups d’Etat, le Niger dernier en date.
PétroNiger a-t-il mis le feu ?
Selon la source de Maderpost câblée depuis Dakar, le Président Mohamed Bazoum « avait une idée précise de ce qu’il voulait faire avec PetroNiger, une nouvelle société dans le secteur du pétrole qu’il voulait mettre en place. Il a fait savoir au ministre du Pétrole Issoufou comment il l’entendait quelques jours avant le putsch. Le problème entre les deux, est né de leur divergence sur la direction générale. Sani Issoufou avait en tête un nom, le Président Bazoum en avait un autre ».
Se sentant évincé, Mahamane Sani Mahamadou, qui gérait jusqu’à début avril 2022 le ministère du Pétrole, de l’Energie et des Energies renouvelables dévolu en avril 2021 avant que son département ne soit scindé en deux ministères, « s’en est ouvert à son père, l’ancien Président Issoufou qui à son tour a appelé le Président Bazoum, mais ce dernier est resté inflexible ».
Pour la source, cet épisode marquant une forte divergence entre l’ancien président et son successeur n’est pas à écarter comme l’une des causes, voire comme cause principale du coup d’Etat.
« Le Président Mohamed Bazoum n’était pas le choix le plus attendu du Président Issoufou, mais Bazoum était celui à qui on ne pouvait rien reprocher en termes de détournements ou de scandales financiers. C’est pour cette raison que l’ancien président l’a désigné », explique la source, ajoutant : « le point fort du Président Bazoum est cette réputation et sa rigueur ».
Selon JA, la création de PetroNiger devait se faire avec la récupération d’une partie des attributions de SONIDEP. Le principe avait été accepté, avec une prise de participation de 15% du capital par l’Etat, le reste des fonds étant apporté par une entreprise chinoise et des actionnaires privés nigériens. Ce que réfute le Premier ministre sous Bazoum dans sa réponse à JA.
Selon Mahamadou Ouhoumoudou, c’est plutôt l’Etat qui détiendrait 100% des actions de PetroNiger. Mais le problème n’est pas là, il est plutôt dans la décision prise par Bazoum « de mettre fin à la fonction occulte de caisse noire remplie par la Sonidep sous tous les régimes qui se sont succédé dans ce pays depuis sa fondation, en 1977 », selon JA. Une décision lourde de conséquences fâcheuses pour les rentiers pour la République.
Quel rôle a joué Sani Issoufou dans le coup d’Etat
Si Bazoum avait tenu à assurer la continuité en nommant dès sa prise de fonction, en 2021, des proches de son prédécesseur à des postes clés qui plus est dans les secteurs stratégiques dont le ministère du Pétrole, de l’Energie et des Energies renouvelables drivé par le fils Issoufou, beaucoup se demandaient combien de temps le même Bazoum continuerait à diriger sous la dictée de son prédécesseur et jusqu’à quand il garderait aux affaires les proches de ce même Issoufou.
Les choses ont commencé par se gâter pour Sani quand le Président Bazoum scinde un an après, jour pour jour après sa nomination, le ministère d’Issoufou fils en deux départements et décide de remettre celui des Energies et des Energies renouvelables à l’ex-ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Yacoubou connu d’un certain Ousmane Sonko qui l’a rencontré à Niamey au congrès de son parti avant la présidentielle de 2021, selon la source de Maderpost.
Il se trouve qu’Ibrahim Yacoubou, 50 ans, nommé également ministre d’Etat après que son parti, le Mouvement patriotique nigérien (MPN) eut quitté l’opposition pour rejoindre la majorité présidentielle, est celui-là même qui non seulement s’était présenté (une deuxième fois) à la présidentielle de 2021 (5,38% au premier tour) après avoir défié Mahamadou Issoufou père en 2016 (4,43%), mais avait en plus demandé à voter contre Bazoum, le choix d’Issoufou père.
Les Issoufou, père et fils, ont-ils bien accueilli, d’abord la scission du ministère, ensuite la nomination de l’adversaire et Yacoubou et pour finir le limogeage du général Tchani à la tête de la garde présidentielle ?
La maîtrise des affaires du palais et les prises de décision de plus en plus libres et assumées par Bazoum « qui commençait à s’installer n’ont pas plu au clan Issoufou parce que cela n’allait pas dans le sens qu’ils souhaitaient », dit la source. Mais que souhaitaient-ils ?
Pour la source, le prédécesseur de Bazoum avait un projet. A défaut de briguer un troisième mandat, il s’agissait d’installer son fils à la présidence après le mandat de Bazoum. « Le chemin pris par Bazoum ne les arrangeait pas », dit-elle.
Pour qui roule le général Tchani ?
Ne faisant pas l’unanimité à Niamey et au sein de l’armée régulière, selon plusieurs observateurs, le général Abdourahamane Tchani désormais président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNPS) a du mal à convaincre malgré ses explications.
Soutenir comme il l’a fait que le coup d’Etat est lié à la « dégradation de la situation sécuritaire » au Niger ne convainc personne.
L’ancien élève de l’Ecole nationale des officiers d’active (ENOA) de Thiès (Sénégal) que l’on dit et sait très proche du prédécesseur de Bazoum a beau placer sous résidence surveillée le fils de son ancien patron qu’il ne rassure pas.
« Placer Sani Issoufou sous résidence surveillée dans des conditions différentes de Bazoum et sa famille qui sont sans électricité peut laisser croire qu’il protège plutôt le fils de l’ancien président », dit la source de Maderpost.
« Pourquoi ne libère-t-il pas le Président Bazoum ? Est-ce par peur qu’il parle et donne les véritables raisons pour lesquelles il a été renversé ? », s’interroge plutôt la source.
Au palais et donc loin du théâtre d’opération de l’armée régulière avant le coup d’Etat, le général Tchani est attendu sur les « grands dossiers de scandales financiers », la « souveraineté nationale », la « sécurité et la défense », les « 1000 milliards d’Eximbank de Chine », « l’achat de l’avion présidentiel », etc.
Nommé chef de la garde présidentielle depuis 2011 par Issoufou, le très discret Tchani ne donne indication sinon celle d’avoir renversé Bazoum à la faveur … de sa personne après qu’il eut été démis par le successeur d’Issoufou.
Maderpost