La directrice générale de la Société de gestion et d’intermédiation, CGF Bourse, qui porte le combat pour le développement du marché financier, trouve que le contexte actuel prouve si besoin était tout le sens des véhicules d’épargne durant toute la vie active.
ECONOMIE – Elle interpelle les acteurs qui ont participé à la création de ce projet ambitieux qu’est le marché régional de l’UEMOA, et les exhorte à poursuivre leur œuvre avec des actes à fort impact. Dans cet entretien avec le Journal de l’économie sénégalaise (Lejecos), elle revient entre autres, sur les questions liées à la performance de son groupe CGF Bourse, l’impact du coronavirus sur le marché financier et les entreprises, l’absence des sociétés d’assurances dans ce marché.
Si vous deviez présenter le Groupe CGF Bourse que diriez-vous ?
Très simplement, je vous dirais que le groupe CGF Bourse est une Société de Gestion et d’Intermédiation agréée par le Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF). En tant que SGI, CGF Bourse constitue le lien entre le marché des capitaux et les investisseurs, dans le but de trouver des solutions adéquates à leur besoin de financement et/ou d’investissement.
Notre métier a un socle de base qui est le conseil autant pour le financement que pour le placement. Nos activités sont réalisées pour le compte des entreprises, des Etats et des collectivités locales qui cherchent à lever des ressources. Les investisseurs qu’ils soient des personnes physiques ou morales placent leur excédent de trésorerie à travers les valeurs mobilières. En tant que SGI, nous assurons la conservation de ces titres dans des portefeuilles valorisés au quotidien.
Ainsi, depuis 1998, nous proposons des solutions de financement, d’investissement et de placement, aux institutionnels privés et publics, ainsi qu’aux particuliers de la zone de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et à l’international.
Notre filiale CGF Gestion, créée en 2001, a en charge la création et la gestion d’Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières (OPCVM). CGF Gestion est, je le rappelle, la première société de gestion collective agréée au Sénégal. Elle propose une large gamme de Fonds Communs de Placement (FCP) et s’active dans la création et la mise en place de Plans d’Epargne Entreprise (PEE), utiles à un double titre.
D’abord ce sont des véhicules de placement susceptibles de motiver et de renforcer la fidélité des salariés, ensuite pour l’entreprise il ya des possibilités de bénéficier d’avantages fiscaux. D’autres véhicules de placement sur-mesure peuvent être mis en place afin de répondre à des besoins spécifiques.
Comment se porte le Groupe aujourd’hui ?
CGF Bourse et CGF Gestion sont deux entités en pleine dynamique. Nous sommes deux entités certifiées depuis plus de 15 ans pour un travail basé surtout sur la rigueur, l’anticipation, et l’amélioration continue de nos process.
D’ailleurs, CGF Bourse a été distinguée meilleure Société de Gestion et d’Intermédiation (SGI) de l’UEMOA, lors de la première édition des BRVM AWARDS, tenue en février 2020.
Comme vous le savez, l’évaluation des SGI s’est basée principalement sur les activités de l’année 2019 et elle a porté sur des critères quantitatifs et qualitatifs comme la valeur des transactions sur la BRVM, les actifs sous conservation, la présence sur les réseaux sociaux, la disponibilité d’une plateforme dédiée à la clientèle, les actions de communication et, entre autres, la qualité du service aux clients.
Je signale qu’au mois de juillet dernier, nous avons obtenu le renouvellement de notre notation en qualité de gestion avec le maintien de la note cinq étoiles.
CGF Bourse est la seule SGI de l’UEMOA notée en Qualité de Gestion, par l’agence WARA qui indique, dans son rapport, que «la gouvernance de la SGI est saine et son équipe de direction robuste».
L’année 2020 nous a permis de renforcer notre transformation digitale, car le contexte de cette pandémie a renforcé l’accélération de la conduite du changement autant en interne qu’avec nos clients et partenaires. Nous venons d’obtenir notre agrément en tant que listing sponsor pour l’accompagnement des PME au 3e compartiment de la BRVM. Cet agrément est dans le sillage de la réglementation du Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) particulièrement en vue de la prise en main de nos PME qui représentent en majorité notre tissu économique.
CGF Gestion a maintenant 21 Fonds Commun de Placement (FCP) dont 6 nouveaux à la disposition des personnes physiques et morales, avec la création des FCP capital retraite, Diaspora, Expat, Rente perpétuelle, Walo et Djolof.
Ces différentes cibles bénéficient ainsi de produits diversifiés, accessibles et rentables. CGF Gestion couvre ainsi trois types de profil de FCP : Obligataire, Actions, Mixte. Nous avons de ce fait des FCP qui respectent les règles de la finance islamique (halal) autant sous forme de fonds actions (FCP Al Baraka) ainsi que de FCP investis essentiellement en Sukuks (FCP Al Baraka 2).
L’accompagnement des salariés à travers les plans d’épargne entreprise s’est renforcé et nous les invitons à s’approprier davantage cette démarche.
Quel a été l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les activités de votre SGI, et comment l’avez-vous gérée jusqu’ici ?
Il est encore prématuré d’apprécier à grande échelle l’impact de la pandémie Covid-19 sur les activités des SGI. Au niveau du marché des capitaux, nous avions constaté un ralentissement des placements notamment au niveau des institutionnels dans la période de mars à mai 2020. L’urgence à leur niveau était plus liée à la revue des orientations de placement.
Nous avons accompagné ainsi nos clients dans une analyse de leur portefeuille, pour une meilleure allocation d’actifs et une relance de leurs placements sur le marché financier. Les institutionnels ont repris leurs placements sur le marché financier avec une ambition renouvelée d’améliorer leurs revenus financiers tout en diversifiant leurs investissements.
Au niveau des émissions, les titres souverains ont pris largement le pas sur les corporate. Les différents pays de l’UEMOA ont effectué plusieurs levées de fonds au niveau du marché des capitaux (financier et monétaire) ce qui explique la régularité des émissions souveraines. Les taux affichés sont très appréciés des investisseurs avec des opérations clôturées avec des sur -souscriptions malgré les délais de levée de fonds qui ont été réduits significativement sur le marché financier.
Pour ce qui est des SGI, le mois de mars 2020 a été une transition avec la mise en œuvre des plans de continuité d’activités à l’instar de la BRVM. Les clients ont été orientés vers les moyens digitaux afin d’inciter au respect des gestes barrières tout en maintenant la qualité du service.
Les volumes et valeurs transigés à la BRVM n’ont pas subi de baisse par rapport à la même période de 2019, mais une attention particulière est portée sur les secteurs impactés de facto. Les différents pays de l’UEMOA ont mis en place des fonds d’appui aux entreprises et leurs actions sont soutenues par les autorités monétaires.
Comment le marché local a ressenti cette pandémie ?
Cette pandémie, au-delà de la crise sanitaire, sous-tend une crise économique qui amène tous les secteurs d’activités à plus de vigilance et d’analyse. Certains sont beaucoup plus impactés que d’autres, mais nous faisons attention au fait que les secteurs sont corrélés d’une manière ou d’une autre.
Ce qui est important ici c’est d’avoir une meilleure concentration sur sa stratégie et sa gestion de trésorerie. Cette période va démontrer la capacité de résilience de nos économies, et les mesures d’accompagnement diverses doivent être utilisées de manière optimale par les entreprises. Plus de rigueur dans le pilotage des plans d’actions et une démarche collective au sein des entreprises pour des résultats plus probants sont nécessaires.
Pour ce qui est de la trésorerie, le suivi doit être régulier, car il est question d’engranger des revenus substantiels pour couvrir davantage les charges. Nous travaillons sur des aspects liés à l’optimisation de trésorerie puisqu’on parle de la pérennité de l’entreprise, et de maitrise de cash-flow.
Cette capacité à optimiser le plan de trésorerie, et à pouvoir placer tout excédent de trésorerie aux meilleures conditions possibles, afin de permettre à l’entreprise de réaliser des revenus additionnels, fait l’objet d’une démarche stratégique au sein de la direction financière avec l’appui des conseillers que nous sommes.
Cette pandémie repose avec acuité la problématique de la digitalisation. Où en êtes-vous dans votre stratégie de digitalisation ?
Nous avons perçu très tôt cet enjeu. CGF Bourse a été la première SGI à ouvrir une agence commerciale avec une plateforme permettant à ses clients d’accéder à leur compte en ligne 24 heures sur 24 et ce depuis 2012. Cela fait donc huit ans que nous avons une interface avec la clientèle, bien avant que la BRVM mette à notre disposition la collecte des flux de données.
Ces flux de données de la BRVM nous ont, il est vrai, permis d’aller plus loin en termes de disponibilité de l’information boursière en ligne. Depuis nous avons amélioré cette plateforme pour permettre à nos clients d’être en possession de toutes les informations du marché en live, suivre ainsi la cotation boursière, et de disposer de la possibilité d’initier leurs ordres en ligne. Cette plateforme dénommée CGF Access est également disponible en version mobile.
L’autre étape qui va suivre, c’est de permettre à tout client de pouvoir effectuer ses opérations de trading et qu’elles soient répercutées directement vers la BRVM. Ce dispositif permettra aux SGI d’offrir ce qu’on appelle la bourse en ligne.
Alors, je puis dire que nous sommes d’ores et déjà pour une digitalisation encore plus renforcée. Des investissements ont été effectués et, avec nos partenaires, nous irons encore plus loin dans les mois à venir. Au total, nos clients disposent en plus de CGF Access, une plateforme dénommée CGF placement qui permet même le transfert d’argent via plusieurs canaux (mobile money, carte bancaire …).
Beaucoup de sociétés d’assurances rencontrent des difficultés pour parvenir à une recapitalisation de 5 milliards à fin avril 2021. Que leur conseillez-vous ? Et plus globalement, qu’est ce qui explique cette frilosité de nos entreprises à aller sur le marché financier pour capter les ressources disponibles pour leur développement ?
Nous escomptons des compagnies d’assurances à la cote de la BRVM dans le cadre de cette seconde augmentation de capital. A date, aucune compagnie d’assurance n’est listée à la BRVM et ce n’est pas faute d’avoir de potentiels candidats.
Néanmoins, les SGI les accompagnent dans la valorisation de leurs entreprises, la recherche d’investisseurs dans le cadre d’opération d’ouverture de capital par placement privé. Le marché financier leur est accessible et la première étape d’ouverture de capital par placement privé, leur permet de franchir le cap d’un actionnariat plus diversifié, de gouvernance renforcée avec la cooptation de nouveaux administrateurs et de choix de partenaires techniques dans certains cas.
Les entreprises vont suivre le cheminement devant aboutir vers cette ouverture au grand public, qui rappelons le, n’exclut pas le maintien de la majorité du capital auprès des actionnaires de base et des partenaires techniques.
L’appel public à l’épargne renforce la notoriété de l’entreprise et permet d’accéder à des ressources à moindre coût, selon la qualité de la signature. Ce choix stratégique repose sur une forte volonté des actionnaires portée par une vision innovante.
Beaucoup de petits porteurs arrivés sur la bourse au cours de ces cinq dernières années sont inquiets et fuient le marché des actions parce que leurs portefeuilles ont perdu presque 30% de leurs valeurs. A quoi cela est-il dû ?
Tout d’abord, il y a lieu de préciser que tous les secteurs d’activités n’ont pas subi des baisses de manière continue.
Le recul de certaines valeurs s’explique pour plusieurs raisons combinées, dont on peut retenir les plus essentielles C’est d’abord que le marché financier a fortement augmenté de 2012 à 2016. Nous avons eu par la suite une succession de nouvelles introductions en bourse, qui ont amené les petits porteurs à effectuer des prises de bénéfice afin de se positionner sur ces nouvelles opérations.
Ensuite, le marché a subi ainsi un déséquilibre à la vente tirant plusieurs valeurs vers le bas malgré les publications de bons résultats venant de la plupart de ces sociétés. Cette période a entrainé une inefficience du marché qui a conduit à une sortie de certains fonds d’investissements étrangers qui détenaient des parts significatives dans le flottant des sociétés cotées.
Dans la même période, les nouveaux textes de la BCEAO ont amené les groupes bancaires, assez exposés sur le marché financier, à diminuer leurs investissements sur la BRVM.
Enfin, il y a lieu de rappeler que l’investissement boursier repose sur une ambition d’épargne à moyen et long terme à moins d’être un spéculateur. Pour les petits porteurs, les orientations intègrent les titres de créances (obligations, bons du Trésor) et des produits diversifiés tels que les fonds communs de placement notamment les FCP obligataires. Ces produits très prisés par le grand public et les personnes morales ont l’avantage d’offrir rendement et souplesse. L’investisseur bénéficie d’un accès quotidien à sa liquidité tout en bénéficiant de l’expertise de gérants qualifiés.
Quelles sont aujourd’hui les contraintes que vous rencontrez sur le marché financier ?
Le marché financier avance mais à un rythme modéré. Nous sommes maintenant 30 Sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI) 22 Sociétés de gestion d’OPCVM(SGO) et 10 Banques Teneur de compte conservateur(BTCC) .Le nombre a augmenté, ce que les acteurs commerciaux continuent à s’engager dans notre secteur. Il est grand temps de voir tous les acteurs qui ont participé à la création de ce projet ambitieux qu’est le marché régional de l’UEMOA poursuivre leur œuvre avec des actes à fort impact.
Il est attendu des Etats un accompagnement de nos champions nationaux pour en faire des régionaux, en mesure de compétir avec des sociétés hors du continent. Les Etats doivent œuvrer à l’ouverture du capital des sociétés, notamment les sociétés publiques rentables au grand public. Toute opération capitalistique d’envergure doit les interpeller au plus haut niveau afin d’accompagner le partage des retombées financières le plus largement.
Nos institutionnels sont en mesure de porter le développement du marché secondaire, en se positionnant suivant les opportunités et en étant à l’initiative de produits dédiés.
Tout l’écosystème du marché des capitaux doit poursuivre les actions basées sur la synergie des acteurs pour porter encore plus haut les réalisations de notre formidable outil communautaire qu’est le marché financier régional.
Maderpost / Lejecos