Hassan Diab, le Premier ministre libanais, a annoncé lundi 10 août la démission immédiate de son gouvernement. Celui-ci était sous pression après l’explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août, qui a coûté la vie à au moins 160 personnes et fait plus de 6 000 blessés. L’accident est le résultat d’une «corruption endémique», selon les mots du Premier ministre. Dans son allocution télévisée, Hassan Diab dit souhaiter que les responsables de ce «crime» soient traduits en justice.
LIBAN – Lundi 10 août, six jours après l’explosion de quelque 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium qui a ravagé Beyrouth, Hassan Diab a annoncé la démission du gouvernement libanais. Le Premier ministre s’est exprimé lors d’une allocution télévisée. Depuis dimanche, plusieurs ministres avaient déjà donné leur démission. Ce lundi, sur décision de Hassan Diab, c’est l’ensemble du gouvernement qui se retire.
Le Premier ministre dénonce la «corruption endémique» du gouvernement
Le chef du gouvernement a évoqué un «séisme qui a frappé le pays» le 4 août. L’explosion, survenue dans le port de la capitale, a fait plus de 160 morts et plus de 6 000 blessés, ainsi que des dégâts considérables. Pour Hassan Diab, la «la catastrophe qui a frappé les Libanais au coeur (…) est arrivée à cause de la corruption endémique en politique, dans l’administration et dans l’État». «J’ai découvert que la corruption institutionnalisée était plus forte que l’État», a-t-il ajouté.
Sans nommer personne, Hassan Diab a accusé ceux qu’il qualifie de corrompus de n’avoir qu’un souci : celui d’enregistrer des gains politiques et de «poursuivre la démolition de ce qu’il reste des structures de l’État». «Entre les Libanais et le changement se dresse un mur épais, protégé par les corrompus», a-t-il encore dit. Le président de la République, Michel Aoun, a accepté cette démission et a chargé le gouvernement d’expédier les affaires courantes, rapporte notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh.
La pression de la rue a eu raison des sept mois du gouvernement Diab
Les Libanais, déjà durement touchés par une importante crise économique, politique et sociale, ont manifesté leur colère ces derniers jours dans les rues de Beyrouth et appelé leurs représentants politiques à répondre de cette situation catastrophique. Dans son message, Hassan Diab s’est dit à leurs côtés et a appelé à ce que les responsables de ce «crime» soient jugés. Pendant son allocution, des heurts étaient encore en cours aux abords du Parlement.
Et l’annonce de la démission n’a pas calmé la colère de la rue. Ils étaient encore plusieurs centaines lundi soir place des Martyrs à demander la démission de l’ensemble de la classe dirigeante.
“Le Premier ministre a démission, c’est juste une marionnette ! Son départ ne changera rien ! Il y a 7 ou 8 personnes, des oligarques… Ce sont eux qui dirigent le Liban. Je suis là pour qu’ils dégagent aussi !”
Hassan Diab, ancien professeur d’université, avait formé son gouvernement en janvier. Il avait pris la suite après la démission de Saad Hariri, qui faisait lui-même face à un soulèvement important de la population depuis plusieurs mois. Les Libanais manifestaient alors contre la corruption de la classe politique. Les mêmes maux ont eu raison du gouvernement de Hassan Diab cet été.
La France appelle à la «formation rapide d’un gouvernement qui fasse ses preuves»
Quelques heures après l’annonce de Hassan Diab, la France a réagi par l’intermédiaire de Jean-Yves Le Drian. Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères a indiqué que, pour le Liban, « la priorité doit aller à la formation rapide d’un gouvernement qui fasse ses preuves auprès de la population et qui ait pour mission de répondre aux principaux défis du pays, en particulier la reconstruction de Beyrouth et les réformes sans lesquelles le pays va vers un effondrement économique, social et politique ».
La nomination d’un successeur à Diab pourrait prendre du temps
Quand bien même les blocs s’entendraient sur le nom d’un successeur à Hassan Diab, la Constitution ne fixe pas de délai pour la formation du gouvernement. Cela pourrait prendre des mois, en raison des profondes contradictions entre les forces politiques.
Des noms commencent pourtant à circuler pour succéder à Hassan Diab. Pour le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, la France, les États-Unis et l’Arabie saoudite soutiendraient Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’Onu.
Son nom avait déjà été évoqué au lendemain de la démission de Saad Hariri, en octobre dernier, après le déclenchement du mouvement de contestation, mais le Hezbollah et ses alliés avaient jugé cette personnalité trop proche de l’Occident et avaient bloqué sa nomination.
Al-Joumhouria, un quotidien indépendant, écrit que l’ancien Premier ministre Saad Hariri est le favori. Pour le quotidien francophone L’Orient-Le Jour, le timing de la démission de Hassan Diab plonge le Liban dans l’inconnu.
Maderpost / Rfi