Le Liban, meurtri, gémit. Plusieurs coups de cloches répétées n’ont guère servi à donner l’alerte. L’horizon de ce pays s’assombrit alors que l’arbre qui lui sert d’emblème national, le cèdre en l’occurrence, a besoin d’espace, d’éclat et de lumière. Entendez : la transparence… Or en l’absence de cette modalité, l’opacité et le camouflage règnent en maîtres dans ce minuscule Etat, perclus de maux, situé à l’est de la Méditerranée. Par Mamadou NDIAYE Depuis très longtemps, les observateurs avaient pointé le curseur sur les mauvaises pratiques de gouvernance des dirigeants libanais, toutes tendances politiques confondues. A force de se compromettre, elles avaient fini par se ressembler et la longévité aidant, elles ont développé des réflexes de survie qui les ont éloignées du peuple. Comme le cèdre qui s’étale en vieillissant, la classe politique s’est discréditée en s’ankylosant. La corruption, le népotisme, le communautarisme ont miné tous les secteurs : les pouvoirs publics, le privé, les milieux d’affaires, les ordres d’enseignements, la sécurité, l’administration. Cela fait désordre et favorise un contexte d’immobilisme qui exaspère les populations très remontées contre la classe politique. Elles donnent de la voix à leurs frustrations parties du chahut de la livre libanaise qui hypothèque les dépôts des petits épargnants. Dans leur viseur : le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, le «magicien». Adoré la veille, il est honni le lendemain, et, in fine, accusé d’avoir plongé le pays du Cèdre dans une profonde crise économique et financière. D’aucuns voient en lui, le prototype achevé de cette élite arrogante, distante et engoncée dans des certitudes qui ont donné naissance à un monstre. La déception des Libanais est immense parce que grand était l’espoir qu’il avaient placé en cet «homme-providence» pour entretenir l’espérance. La catastrophe du 4 août qui a frappé le Liban au cœur révèle l’insouciance des dirigeants actuels très peu portés vers la prévenance. Quelque 2750 tonnes de nitrates d’ammonium implosent au port de Beyrouth réduisant en gravats une bonne partie de la ville. Un stock, contenu des années durant, sans mesure de sécurité, dans un entrepôt de quai. En vérité, les Libanais avaient cru au renouveau du pays, sorti d’une guerre civile de trente ans, et qui, de fait, renouait avec une période de relative prospérité fondée sur une monnaie en devenir. La livre libanaise, indexée sur le dollar américain, détenait un pouvoir d’achat envié dans le Proche-Orient et inspirait confiance aux fortunes de la région. Beyrouth, la capitale, fleurissait. Des immeubles modernes et «intelligents» poussaient comme des champignons dans cette ville en pleine reconstruction. En dépit de ces mutations, rien au plan fondamental ne change. Conquis au VIIème siècle par les Arabes, le Liban devient musulman mais demeure une terre d’accueil des minorités religieuses, «persécutées ailleurs» qui y trouvent refuge et moyen de préserver leur liberté de cultes et leurs traditions séculaires. Le relief accidenté du pays permet à chaque communauté de se fixer dans une zone et de se l’attribuer comme «territoire inviolable». Les germes des divisions séculaires poussent. Des «minorités confessionnelles associées», presque autonomes, forment ainsi le Liban qui se distingue dès lors des autres sociétés de la région. A son tour, le régime politique conserve son essence communautaire qui imprime son empreinte à l’Etat, au pouvoir et à ses démembrements. Les clivages s’effacent mais ne disparaissent pas pour autant. Cette configuration caractérise la réalité sociale du Liban en quête permanente d’équilibre. Fragile et précaire à la fois, cet équilibre rythme la marche bancale de ce pays inhibé par la peur, assailli de doutes, jamais sûr de ses options et toujours en proie à des remises en causes d’une stabilité introuvable. Ce Liban, envié quand il est fort, se voit méprisé quand il est fort. Mais le pays du Cèdre, compte tenu de sa position «axiale» demeure un tampon entre les monarchies féodales et les régimes dictatoriaux qui tous fantasment devant «l’idéal libertaire» incarné par ce pays fascinant et redouté. Au double plan historique et économique, le Liban a une part d’africanité, bien qu’il s’en défende par complexe, et l’Afrique attire sur son sol des cohortes de Libanais aux motivations différentes et distinctes. Au fil des siècles, des communautés se sont agrégées sur leurs terres d’accueil, devenant puissantes pour peser sur les destinées ou dont les avis comptent aux yeux des pouvoirs qui se succèdent. L’arachide du Sénégal, le café et le cacao de Côte d’Ivoire et du Ghana, les essences et les huiles du Togo, du Bénin, les minerais (or diamant, bauxite, cobalte, cuivre, manganèse, aluminium et autres fers) constituent les domaines de prédilection des ressortissants libanais en Afrique. Ils s’installent mais ne s’intègrent pas. Ils développent cependant des réflexes communautaires qui sont synonymes de «périmètres identitaires» qui, à leur tour, sont l’exact reflet des marqueurs et des divisions au Liban même. Pas moins d’un demi million de Libanais vivent en Afrique. Ils y prospèrent sans toutefois couper les liens avec leur terre d’origine. Si bien qu’ils contribuent par tous les moyens à faire vivre le Liban de l’extérieur. En revanche, ils pèsent peu dans les orientations fondamentales, se contentant, le plus souvent, de n’être que des «apporteurs d’eau fraîche» dans ce turbulent Liban où des pratiques d’un autre âge s’exercent sur les immigrants africains traités et maltraités, méprisés, relégués à une «vie de boy» et réduits à des esclaves taillables et corvéables. Aucune voix ne se lève pour dénoncer ce «commerce honteux». Pas même chez certains Libanais qui, en faisant fortune en Afrique, devraient fustiger les traitements inhumains infligés aux jeunes Africains attirés par les mirages ou fuyant famine et misère de chez eux. Aux yeux des populations libanaises, l’attrait massif des immigrants, favorise une surenchère au rabais avec « l’acquisition » à bon marché d’une force de travail. L’Union Africaine (UA) ne semble pas s’en émouvoir. Mis à part les résolutions inaudibles prises lors des furtifs sommets, aucune action concrète n’est envisagée pour plaider ce «brûlant dossier» auprès des instances influentes. La société civile africaine, souvent si prompte à occuper la rue ne s’en émeut guère alors qu’il s’agit d’une tragédie. Des jeunes, filles et garçons, abandonnent les études, quittent leurs parents, souvent vieux, et prennent la route à la marche pour espérer rejoindre «l’eldorado» : Emirats Arabes Unis, Dubaï, Arabie Saoudite ou Liban. Parois même, ils meurent en cours de chemin et sont ensevelis par les compagnons d’infortune encore en vie. En définitive, le monde d’après ressemble au monde d’avant… ]]>
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