Le week-end dernier, dans la nuit du samedi à dimanche, de violents affrontements entre pêcheurs de Cayar et de Mboro se sont traduits par plusieurs blessés, un mort et des pirogues réduites en cendres. Bés bi est allé à la rencontre de ces pêcheurs avec des récits glaçants de rescapés. Mais la question est plus profonde que les eaux puisque les filets monofilaments sont à l’origine de ce déchirement fratricide. Et au regard de la politique de la pêche artisanale, l’Etat aussi a péché.
CAYAR-MBORO – Alors que les sanglants affrontements entre pêcheurs semblent avoir surpris plus d’un, dans les deux localités, théâtre de cette bataille rangée, les prémices du drame relèvent plutôt d’un secret de polichinelle. À l’heure du décompte des blessés, avec des chiffres alarmants, aggravés par le cas d’un décès signalé, c’est sous les décombres des pirogues calcinées dans la furie des pêcheurs que les langues se délient au sujet d’un outil de pêche formellement interdit : les filets monofilament.
À Cayar, l’usage de ce matériel imputé aux pêcheurs de Mboro est considéré comme le nœud des frictions. Marin de son état dans cette commune, Momar Talla Niang, en proie à une colère contre ses camarades de Mboro qu’il accuse de pillage maritime, tient à les mettre en garde au lendemain du bain de sang. « Ce combat, clame-t-il, nous continuerons de le mener pour la sauvegarde des ressources halieutiques et la préservation de l’écosystème marin pour le bénéficie de tous les acteurs de la pêche et tous les Sénégalais comme le stipule le Code de la pêche », a- t-il dit.
Après avoir exigé des autorités la libération des jeunes de sa localité, qui s’en sont pris aux pêcheurs de Mboro à cause de leur méthode de pêche jugée clandestine, il prône ensuite l’application du Code. « La sauvegarde de la ressource a commencé depuis 1972 bien avant le premier Code de la pêche qui date de 1998. Nous ne sommes en conflit avec aucune communauté. Nous sommes pour la préservation de la ressource halieutique qui est bénéfique pour tous les acteurs du milieu. Nous avons toujours vécu en harmonie avec les populations de Guet-Ndar. Cependant, ceux parmi eux qui s’adonnent à la pêche par monofilaments ne seront pas épargnés. Car on ne peut cautionner une telle pratique surtout dans notre zone maritime », s’enflamme Momar Talla Niang.
Le calvaire des rescapés après les violents combats en pleine mer
Habitant de Cayar, Mamadou Mbaye, pêcheur en activité est toujours sous le choc après avoir retrouvé ses camarades ayant frôlé la mort au cours des affrontements. Au lendemain du week-end, jours des échauffourées, il était l’un des rares Cayarois à oser fouler le sol de leurs rivaux afin de récupérer les corps de rescapés gisant sur la plage.
Sur le sort de ces derniers, il redoute fort toute chance de survie au regard des séquelles. « Dans un premier temps, après avoir assisté nos rescapés, on les a acheminés vers la structure sanitaire de la localité. Mais malheureusement, on n’a pas trouvé le médecin sur place. Et c’est de là qu’on est partis sur Thiès où les blessés ont été admis à l’hôpital régional. Certains des blessés ont perdu leurs membres, un autre était en agonie et au regard de l’ampleur des blessures, je ne serai pas surpris que des morts soient annoncés dans quelques jours », présage ce pêcheur de Cayar.
Un mort, 27 blessés dont 7 cas graves, le ministre de la pèche indexé
Informé du bain de sang suite aux affrontements entre pêcheurs, c’est tôt dans la matinée du dimanche que le ministre de la Pêche, Pape Sagna Mbaye s’est rendu au chevet des blessés. Sur place, à l’hôpital régional Amadou Sakhir Ndiéguène de Thiès, la tutelle a dressé un bilan. « On a dénombré 27 blessés dont 7 cas graves, 5 en réanimation et 2 qui sont toujours aux urgences », avait officiellement comptabilisé le ministre de la Pêche. Deux jours plus tard, un premier mort a été enregistré parmi les blessés.
Toutefois, à Cayar, le ministre a été pointé du doigt sur la gestion de cette crise halieutique et sur la question de la prise en charge des victimes. « Avant d’en arriver là, accuse un pêcheur en rage, nous avions dépêché des émissaires auprès de lui. Mais il n’a trouvé rien de mieux que de les menacer avant de les éconduire. Aujourd’hui, en ce qui concerne la prise en charge des victimes de cette situation, c’est nous pêcheurs qui avons dû collecter 3 millions de FCFA. Or le ministre avait promis de prendre en charge leurs soins. Actuellement, la plupart des blessés sont confrontés à des difficultés de prise en charge médicale », peste un responsable des pêcheurs de Cayar.
Ameth Mbaye, pêcheur à Mboro : « Que l’Etat prenne ses responsabilités »
« Certes, ils ne sont pas d’accord avec notre astuce de pêche mais elle n’est pas dangereuse pour la mer comme ils le prétendent. Malheureusement, les pêcheurs de Cayar ont l’habitude de venir jusque dans nos zones pour saboter nos filets sous prétexte que c’est interdit par la loi. Depuis longtemps, nous subissons leurs provocations. Pis, ne se limitant plus à détruire notre matériel, maintenant, dès qu’on se croise en mer, ils tirent sur nous un flot d’injures.
Cette fois, ils sont tombés sur nos jeunes fougueux décidés à répliquer face à leurs assauts intempestifs devenus insupportables. En plus, ils ont installé des flots de balisage pour délimiter nos frontières. De notre côté, c’est vrai que nous sommes encore jeunes, mais nous connaissons tous la limite des frontières entre Cayar et Mboro. Pour preuve, il y a la partie marine de Noto Gouye Diama qui nous sépare.
D’ailleurs, certains d’entre nous estiment même que leur zone ne dépasse pas 2 Km. Mais ils sont venus jusqu’à Khondio pour installer leurs flots de délimitation alors que cette zone fait partie de Mboro. Et ça, on ne l’acceptera jamais. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités et fixe les limites ».
Maderpost / Emedia avec Sokhna Khady Sène