Total, groupe français et un des acteurs majeurs de l’énergie, produisant et commercialisant des carburants, du gaz naturel et de l’électricité bas carbone est en train de se tailler une place au soleil sous les cieux tropiques en multipliant les signatures en Afrique subsaharienne, Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin, Ghana, permettant dans la foulée à la vieille France de reprendre des couleurs sur le continent et à tous les niveaux.
La vocation des pays n’étant pas d’explorer et d’exploiter leurs richesses minières, mais plutôt de créer le cadre approprié et porteur de projets gagnant-gagnant afin d’optimiser leurs gains aux fins sociales et économiques en faveur de leurs populations, ce qui n’est pas évident, surtout quand les pays néo-producteurs de pétrole et de gaz ne disposent pas de secteurs privés nationaux compétitifs, riches ou suffisamment solvables pour capter d’importants fonds nationaux auprès des banques le plus souvent battant pavillon multinationales ou alors sur les places fortes de la haute finance, notamment Londres, Dubaï, New York, Shenzhen, Vancouver, Chicago, etc.
A défaut de peser lourd face aux juniors et majors de l’exploration et de l’exploitation du pétrole et du gaz, les secteurs privés peuvent se cramponner au « Local Content » qu’impose par exemple le gouvernement du Président Macky Sall qui exigea que les nationaux soient majoritaires dans la prise de parts des exploitants annexes de l’exploitation. Le développement étant le point central de l’aménagement souvent difficile à percer par les gouvernements, le secteur privé s’avère un partenaire de premier plan s’il s’investit et investit dans les projets structurés dont l’une des caractéristiques est que son exploitation finale paie la dette sans garantie nécessaire des actionnaires. C’est dire comment le secteur privé à son rôle à jouer dans ces secteurs, s’il maîtrise l’offre et satisfait à sa demande.
Mais d’ici là, ce sont les coups placés de Total et le retour au premier plan de la France sur le continent qu’il faut remarquer et analyser car cela n’est pas sans conséquences surtout si l’on sait que les Français ne viennent pas en philanthropes et que l’hexagone souffre par ailleurs d’une récession économique et du pic politique du nationalisme, comme partout ailleurs en Europe et aux Etats-Unis.
L’ambition de Total est, comme il le dit, de « devenir le major de l’énergie responsable », mais il ne faut pas s’en arrêter à ce vœu. Au-delà de cette ambition, il s’agit de faire monter la France sur le podium des puissances mondiales grâce à un retour, certes économique, mais gagnant en Afrique. Actuelle 4e puissance économique mondiale malgré un déclin certain au niveau international, la France joue avec l’implantation de ces chaînes de distribution (Auchan, Carrefour, etc.), ses opérateurs téléphoniques (Orange), banques (SGBS, BNP), assurances, majors (Total), etc., une carte maîtresse en devenant le principal et le plus grand explorateur et exploitants du gaz et du pétrole en Afrique subsaharienne.
Dans un contexte économique défavorable marqué par les difficultés des entreprises françaises confrontées à une concurrence internationale (chinoise, allemande, américaine, voire marocaine en Afrique de l’L’Ouest), la France trouve en l’Afrique subsaharienne et en l’Afrique en général les leviers qui lui permettrait de s’adapter aux nécessités de la modernisation, de faire face au chômage élevé (11%), le vieillissement de sa population, le développement de la pauvreté dans des régions économiquement très fragiles, la montée de l’insécurité et de la violence dans certaines banlieues des grandes villes.
Face à sa situation ambiguë, fragile et inégale, la France ne devra son salut qu’en s’ouvrant sur l’extérieur et c’est en ce sens que Total devient un de ses chevaux ou son principal cheval de bataille.
C’est ainsi que le 24 juillet dernier, Total a signé un accord de fourniture de gaz et un accord-cadre avec le Bénin et sa Société béninoise d’énergie électrique (SBEE). Un accord qui prévoit la mise en place d’un terminal flottant d’importation de gaz naturel liquéfié de 0,5 mtpa pour un coût de 51 milliards de francs CFA (78 millions d’euros), le premier en Afrique de l’Ouest. Les approvisionnements en GNL provenant du portefeuille mondial de Total devraient commencer en 2021 et durer 15 ans.
En 2017, Total annonçait avoir signé deux accords avec le Sénégal en vue de « contribuer à dynamiser l’exploration pétrolière en mer profonde et très profonde au large du pays. Le premier accord étant un contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures sur le bloc Rufisque Offshore Profond d’une superficie de 10 357 km2, dont Total sera opérateur (90%), aux côtés de la Société Nationale des Pétroles du Sénégal (Petrosen), qui détiendra les 10% restants. Le second étant un accord de coopération avec Petrosen et le Ministère de l’Energie et du Développement des Energies Renouvelables de la République du Sénégal, aux termes duquel Total réalisera une étude de la zone en mer très profonde, en vue d’en déterminer le potentiel d’exploration et de devenir opérateur d’un bloc d’exploration.
En côte d’Ivoire, Total et le groupe italien Eni investiront 185 millions de dollars pour l’exploration de 4 blocs pétroliers au large de Côte d’Ivoire.
En Algérie, Total est opérateur des blocks 404a et 208 avec une participation de 24,5% dans le bassin du Berkine (champs d’Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk) dans lesquels Total détient déjà 12,25%. En 2018, la production de ces champs a été de 320 kbep/j de pétrole.
Au Ghana, ses participations de 27% dans le champ de Jubilee et 19% dans les champs de TEN. En 2018, la production de ces champs a été de 143 kb/j de pétrole et de gaz.
Au Mozambique, avec une participation de 26,5%, opérateur de l’Area 1 sur laquelle un projet LNG de 12,8 Mt par an est largement dérisqué et proche de la décision finale d’investissement. L’Area 1 contient plus de 60 Tcf de ressources de gaz dont 18 Tcf seront valorisés au travers de deux premiers trains de GNL dont le démarrage est attendu en 2024.
En Afrique du Sud, Total a les licences d’exploration proches de Brulpadda, découverte réalisée récemment par Total.
L’ensemble de ses actifs dans ces quatre pays représente environ 1,2 milliards de barils de réserves prouvées et probables, dont 70% de gaz, ainsi que 2 milliards de barils de ressources long terme de gaz naturel au Mozambique. La production en quote-part était de 96 kbep/j en 2018 et devrait croître à environ 160 kbep/j d’ici 2025.
L’acquisition d’Anadarko par Occidental offre l’opportunité à Total d’acquérir un portefeuille d’actifs de classe mondiale en Afrique, soulignait sa direction générale qui disait que cela renforcerait sa position de leader parmi les sociétés privées internationales sur le continent.
Charles FAYE