La tension qui prévaut dans notre pays est d’une dangerosité sans précédent pour la stabilité, la cohésion sociale, la paix.
Certes, on peut, en comparaison, revenir sur le 1er décembre 1963, à l’occasion de la première présidentielle de la jeune République du Sénégal couplée aux législatives, dans un contexte délétère fortement marqué par l’emprisonnement de l’ancien Président du Conseil (Assemblée nationale) feu Mamadou Dia à la prison de Kédougou, pour relever qu’une cinquantaine de personnes avait perdu la vie et que plus de 200 avaient été blessées.
Mais là s’arrête la comparaison entre les frères ennemis, Leopold Sédar Senghor et Mamadou Dia dont les divergences politiques étaient réelles et profondes.
Soixante ans après, le Sénégal, passé de 3,5 millions d’habitants à l’époque à près de 17 près millions en 2023, vit quasiment la même tension, encore faudrait-il souligner que celle-ci plus surréaliste découle d’une vulgaire histoire de sexe entre une jeune masseuse, Mlle Adji Sarr, et l’opposant le plus en vue, Monsieur Ousmane Sonko accusé, en février 2021, par la jeune femme de « viols » et « menaces de mort ».
L’ancien inspecteur principal des impôts et des domaines, vérificateur fiscal et chef de brigade de vérification fiscale, devenu leader de la formation politique Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), après avoir été suspendu de ses fonctions le 25 juillet 2016 puis radié de la fonction publique le 19 août de la même année, dénonce depuis l’accusation un complot d’Etat.
Affaire de sexe
Cette affaire de sexe dans laquelle sont cités des proches du pouvoir a pris une tournure désastreuse en mars 2021. Notamment, lors de violentes émeutes au cours desquelles 14 personnes ont perdu la vie. Les dégâts matériels, principalement dans la chaine de distribution Auchan et les stations essence Total, ont été estimés à plusieurs milliards FCFA .
Renvoyé devant la Chambre criminelle après les phases tumultueuses de l’instruction, d’(absence) de débats, Ousmane Sonko martèle qu’il n’ira pas au procès. Laissant entendre à Keur Massar, lors de sa sortie, dimanche 22 janvier, devant des milliers pour ne pas dire des centaines de milliers (nous n’avons pas les chiffres exacts) de personnes acquises à sa cause, qu’il ira non seulement jusqu’au bout de de son combat, mais encore qu’il est prêt à mourir et qu’il a fait à ce propos son testament, après s’être recueilli sur la tombe de son père à Ziguinchor et parler à sa mère.
Tout aussi décidé que le leader de Pastef, le Premier ministre Amadou Ba Etat a martelé que l’Etat ne reculera pas et que force restera à la loi.
Pour ne pas être en reste, des jeunes dévoués sont prêts à braver le danger pour défendre celui qui est devenu leur guide et dont la notoriété s’est propulsée à la vitesse TGV avant devenir une identité, .
Survolée par un hélicoptère des forces de l’ordre, depuis quelques jours, Dakar prend peur. Mettant de l’huile sur le feu, des posts et audios incendiaires font rage sur les réseaux sociaux, amenant le pays à retenir son souffle.
Quand le gaz et pétrole sentent le souffre
Dans un climat global complexe, l’Occident suit sans donner l’air de s’intéresser à la situation politique du pays. La France, partenaire historique et stratégique en souffrance au Mali et Burkina Faso, ne veut pas se tromper d’interlocuteur. La Russie dont l’intérêt grandissant pour l’Afrique, principalement les pays aux sous sols riches, a un oeil sur le pétrole et le gaz sénégalais, voire de la sous-région.
Générateur de devises, notamment de pétrodollars, pour les majors anglais, américains et donc des planches à billets dollars et livres de ces deux pays, le pétrole et le gaz sénégalais, particulièrement le gaz, présentent des enjeux monétaires que les puissances ne peuvent ignorer, ce d’autant que c’est pratiquement toute l’Afrique de l’Ouest, dont 8 pays comptent en commun le FCFA, qui dispose de l’or noir.
La bataille anti-dollar lancée par la Chine et soutenue par la Russie et les autres membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) pour faire plier le billet vert au bénéfice d’un nouvel ordre monétaire mondial est l’un des enjeux et ne peut et ne doit être ignorée par le Sénégal devenu un partenaire de choix et une destination du secteur privé turc.
Fort de son statut pétrolier et gazier, de ses richesses minières, Sénégal, à son tour, après l’Angola, la Centrafrique, le Tchad et d’autres pays africains aux sous-sols riches, découvre des contextes au parfum de souffre, latents de violences et lourdes conséquences dramatiques.
Plus rien n’est à écarter.
On peut regretter aujourd’hui, le rendez-vous raté de la transition vers une alternance ou non en douceur a la présidentielle 2024, avec des acteurs aguerris, de la mouvance présidentielle comme de l’opposition, ayant fait leurs preuves ou non dans la gestion des affaires publiques à travers un gouvernement d’union nationale.
Pour autant, le Sénégal qui n’a jamais été autant en danger ne peut s’offrir le luxe d’une fracture sociale et pire de souffrir de séquelles post-traumatiques dont il aura du mal à se remettre qui plus est dans un contexte mondial exacerbé par l’extrémisme, le repli identitaire, le populisme, la guerre froide commerciale et monétaire.
Curieusement, c’est au moment où le pays suscite des appétits qu’il bascule dans une crise qui pourra lui coûter cher, faisant paradoxalement l’affaire de supposés partenaires qui suivent d’un œil intéressé, s’ils ne font pas plus que ça d’ailleurs, la tourmente dans laquelle il semble vouloir s’installer.
Maderpost / Charles Faye