« Donnez tout pouvoir à l’homme le plus vertueux qui soit, vous le verrez bientôt changer d’attitude », écrit Hérodote, dans « Histoires » (novembre 2002). Certains refusent encore d’y croire encore, mais le duo Ousmane Sonko- Bassirou Diomaye Faye, emblématiques figures de proue de Pastef, semble être rattrapé par la dure réalité du pouvoir. Opposants, ils ont toujours préconisé une nette rupture dans tous les domaines, mais pour ce qui est des premières nominations, pratiquement, il n’y a encore rien de nouveau sous le soleil.
CHRONIQUE – Les dernières mesures individuelles prises en Conseil des ministres ont laissé pantois plus d’un éditorialiste. Ces actes ont matérialisé une entorse faite aux promesses électorales, même si, admettons-le, la promesse n’engage en réalité que ceux qui y croient. Surtout quand elle vient d’un politicien sénégalais.
Le programme « Diomaye Président », qui a servi de socle à la campagne du Pastef, promouvait en effet une réforme du « mode de recrutement » dans l’administration, qui passerait notamment par un « appel à candidature systématique ». Si un projet de décret et un projet de loi sur « l’accès à la fonction publique, aux emplois et fonctions dans l’administration » ont été évoqués le 17 avril en Conseil des ministres, aucun calendrier n’a été fixé. « Pour le moment, ce n’est pas la priorité, balaie un proche du président, même si on veut aller vers la transparence et la fin du népotisme ». Une pratique associée, chez les sympathisants du Pastef, à l’ancien président Macky Sall.
Près de 4 mois après, non seulement, aucun appel à candidatures n’est lancé, -en tout cas ce n’est pas rendu public-, mais le Coordonnateur national des Agropoles, nommé sous ce format, a été tout simplement dénommé. El Hadji Djily Mbaye Lô, parce que c’est de lui qu’il s’agit, continue de dénoncer cette décision, estimant que son contrat court jusqu’en 2028.
Aux yeux des « Patriotes », il n’y a pas de quoi fouetter un chat. De leurs avis, on place des hommes en qui on a confiance pour gérer les urgences et assurer la continuité de l’Etat. Ce qui ne peut pas non plus cacher la réalité : les nouvelles autorités sont prises entre deux feux : d’un côté le contrôle citoyen, qui appelle au respect des nombreuses déclarations politiques, de l’autre, les aspirations de leurs partisans et alliés, qui souhaitent être associés à l’exercice du pouvoir.
S’agit-il, en fin de compte, du système sans le système ? En tout état de cause, l’une des annonces phares qui ont plus attiré l’attention plus d’un observateur, c’est la suppression de certaines institutions, directions et autres nombreuses agences budgétivores qui ne serviraient qu’à recaser une clientèle politique.
Au bout de 100 jours au pouvoir, la donne semble changer. Et pour preuve, des centaines de nominations ont été effectuées à la tête desdites structures. Ce qui prouve que leur « inutilité » n’est plus à l’ordre du jour. Il fallait et il faudra récompenser les alliés. Gagner ensemble, gouverner ensemble, dit-on, même si, en pleine campagne électorale, Ousmane Sonko avait prévenu les nombreux arrivistes de la dernière minute, dont des barons du « système ». C’est cela aussi la gestion de l’Etat, celui-ci n’a visiblement rien à voir avec le parti.
Certes, personne ne peut dénier au chef de l’Etat le droit constitutionnel de nommer aux fonctions civiles et militaires, mais ces remplacements mécaniques d’hommes, pour ne pas dire de pions, dans certaines stations, frisent un règlement de comptes politiques.
Si pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) leur dissolution requiert une certaine procédure complexe parce qu’étant mises sur pied par des lois organiques, supprimer certaines structures serait une très belle preuve d’une volonté sincère de rationaliser les dépenses de l’Etat. Hélas ! Responsables, sympathisants et alliés guettent ces « gâteaux » qu’on leur distribue quasiment tous les mercredis.
Sur ce point précis, Bassirou Diomaye Faye risque tout simplement de suivre les pas de son prédécesseur. Macky Sall, élu en mars 2012, avait un changement de paradigme au sommet de l’Etat avec notamment son fameux slogan « la patrie avant le parti ». Mais la suite, on la connaît. Il a fini par embarquer sa famille politique et biologique dans la gestion des affaires publiques.
Aujourd’hui, même si l’inspecteur des impôts n’est pas dans ces schémas, il nous revient qu’une famille entière (père, mère, fille) est cooptée dans le cercle restreint des personnes appelées à mettre en œuvre le programme de Pastef. Mais là, c’est moins grave. L’essentiel, c’est que chacun d’entre eux fasse preuve de compétences dans son domaine afin de pouvoir réussir les missions qui lui sont assignées.
Là où ça paraît beaucoup plus problématique, c’est l’attitude d’un des ministres du gouvernement d’Ousmane Sonko qui aurait, selon la presse, recruté sa fille, sa belle-fille et son gendre dans son cabinet.
En tout état de cause, aujourd’hui, personne ne doute de l’intention du Président Faye et de son mentor politique à opérer des changements radicaux et courageux pour sortir le pays de la pauvreté, il y a des faits et actes qui vont, à la longue, signer la mort pure et simple de la crédibilité du « Projet ».
Maderpost / Seneweb