La pandémie de coronavirus pourrait faire entre 11 000 et 22 000 morts au Canada d’ici l’automne. Ottawa a révélé à son tour les scénarios de propagation de la maladie qu’il envisage et confirmé du même coup que de nouvelles vagues de propagation de la COVID-19 pourraient s’étirer jusqu’à la fin de l’année.
CORONAVIRUS – “La route qui va nous mener au meilleur résultat ne va pas être facile”, a consenti le premier ministre Justin Trudeau jeudi. “Il va falloir être disciplinés pendant les prochains mois. […] C’est comme ça qu’on va éviter des milliers de décès et qu’on va réduire le nombre de cas.”
M. Trudeau a prédit le Canada verrait arriver le pic de la pandémie ce printemps. La première vague d’infection ne se termina toutefois probablement que cet été et sera suivie de quelques autres vagues de moindre propagation. Ce qui fait que le retour à la normale devra attendre plusieurs mois, a reconnu M. Trudeau.
La direction de la santé publique du Canada a présenté deux scénarios plus probables, selon ses estimés, si le pays parvient à continuer de maîtriser la pandémie.
Ainsi, les autorités sanitaires prévoient qu’entre 2,5 % et 5 % de la population canadienne risquent d’être infectés par le coronavirus si la courbe de propagation demeure contrôlée grâce à des mesures de distanciation sociale élevées et qu’elle redescend à l’automne.
Si le taux de propagation se limite à 2,5 % de la population, cela se traduirait par 934 000 cas de COVID-19 au Canada, dont 11 000 décès. Si le taux de propagation est plus important et atteint 5 % de la population, alors la maladie pourrait infecter jusqu’à 1,89 million de Canadiens et faire 22 000 morts.
En vertu de ces deux scénarios, le Canada compterait entre 73 000 et 146 000 hospitalisations, et de 23 000 à 46 000 personnes auraient besoin d’être admises aux unités de soins intensifs de leur province.
Le scénario plus optimiste de la santé publique envisage en fait une fourchette de taux d’infection de 1 % à 10 %. Si le Canada atteignait un taux d’infection de 10 % de la population, la COVID-19 pourrait alors faire 44 000 morts. Mais les autorités n’ont pas mis de l’avant ce chiffre plus alarmiste.
À plus court terme, la direction de la santé publique prédit entre 22 580 et 31 850 cas de COVID-19 d’ici le 16 avril, ce qui pourrait se traduire par 500 à 700 décès.
En revanche, si aucune mesure de contrôle de la maladie n’avait été prise par le fédéral et les provinces, Ottawa estime qu’entre 70 % et 80 % de la population auraient pu tomber malades. Avec des mesures de contrôle « plus faibles » que celles en vigueur présentement, le coronavirus aurait pu infecter entre 25 % et 50 % de la population.
Pas de “normale’ avant un vaccin
Mais malgré les mesures sévères qui ont été prises pour maîtriser rapidement la pandémie au pays, la direction de la santé publique prédit de possibles nouvelles vagues de transmission jusqu’à l’hiver prochain. Du coup, les mesures de confinement devront se prolonger afin de tenter de les contrôler, préviennent les autorités.
“La normalité comme elle était avant ne pourra pas revenir tant qu’il n’y aura pas de vaccin –et ça, ça pourrait être dans un an, un an et demi, on ne sait pas exactement. […] Il va falloir qu’on continue d’être vigilants c’est certain pendant un an, un an et demi”, a reconnu Justin Trudeau.
Le premier ministre a cependant donné une lueur d’espoir aux Canadiens qui en ont déjà marre d’être enfermés chez eux. Certaines mesures pourront être relâchées suite à la première vague de l’épidémie, afin de permettre une reprise de l’activité économique. Elles devront toutefois être ramenées, au cas par cas au niveau local, lorsque de nouvelles vagues feront leur apparition. “Il va y avoir des choses qu’on ne va pas pouvoir faire. Mais il va y avoir beaucoup plus de choses qu’on va pouvoir faire si, et seulement si, on passe à travers les prochains quelques mois de la bonne façon. Et c’est pour ça qu’on va devoir rester dans cette phase pendant encore un bout de temps.”
Est-ce dire que les importantes mesures d’aide économique versées aux Canadiens et aux entreprises devront se poursuivre jusqu’à l’hiver prochain ? “Quel que soit le temps que ça prendra, nous allons toujours être là pour appuyer les Canadiens qui en ont besoin”, a indiqué le premier ministre.
L’administratrice en chef de la santé publique fédérale a expliqué qu’il était encore un peu tôt pour confirmer que le taux de propagation du coronavirus est en train d’atteindre le fameux plateau de la courbe. Mais la Dre Theresa Tam a confirmé que le taux d’infection semble commencer à ralentir. La rapidité à laquelle le nombre de cas double au pays est en train de passer de trois à cinq jours.
Scénarios provinciaux
Au Québec, les autorités de la santé publique ont quant à elle révélé mardi que le pic de la pandémie de coronavirus devrait se produire dans la province vers le 18 avril (bien que la Ville de Montréal s’attende à voir son propre pic d’ici samedi). La Direction de la santé publique du Québec prévoit que la COVID-19 pourrait faire entre 1263 et 8860 décès dans la province d’ici le 30 avril.
En Alberta, le premier ministre Jason Kenney a présenté lui aussi deux scénarios mercredi. En vertu de ceux-ci, la COVID-19 pourrait infecter entre 800 000 et un million d’Albertains et causer la mort de 400 à 6600 personnes.
En Ontario, les autorités de la santé publique ont rapporté que si rien n’avait été fait pour contrôler le coronavirus, 300 000 personnes auraient été infectées et 6000 décédées. Les mesures de confinement ont ramené le nombre d’infections prévues d’ici la fin du mois à 80 000 personnes et le nombre de morts envisagés à 1600.
Querelle parlementaire
Justin Trudeau tente par ailleurs toujours de s’entendre avec les partis d’opposition pour rappeler dès que possible le Parlement afin de faire adopter son plan d’aide pour les entreprises.
Les conservateurs s’y opposent pour l’instant, car ils souhaitent d’abord convaincre le gouvernement d’accepter de rappeler la Chambre des communes de façon permanente pour les prochaines semaines.
Le chef conservateur Andrew Scheer veut que les députés siègent ensemble en personne, à Ottawa. “Il faut évidemment agir rapidement durant cette crise, mais s’il n’y a pas de débat, pas de discussion et si l’opposition ne peut poser des questions régulièrement, améliorer les mesures et obtenir de meilleurs résultats sera difficile”, a-t-il argué sur Twitter.
Le gouvernement libéral refuse et réclame que les élus siègent de façon virtuelle pour respecter les consignes de distanciation sociale des autorités de la santé. “Quand on se rassemble, même en nombres réduits, il y a des gardiens de sécurité, des gens qui travaillent dans l’édifice qui doivent être là pour nous appuyer, et on veut minimiser ces impacts-là”, a expliqué M. Trudeau.
Le premier ministre somme les conservateurs d’accepter de siéger dès maintenant pour débattre et voter sur son programme de subvention salariale pour les entreprises. Et de remettre à plus tard les négociations sur l’avenir du Parlement le temps de la crise de l’épidémie.
“On va absolument continuer de chercher des façons d’assurer qu’on puisse garder une démocratie forte et des institutions fortes. On est très ouverts à ça, a insisté M. Trudeau. Mais je trouve qu’on est au moment où on ne devrait pas empêcher l’adoption d’un projet de loi important juste parce qu’on veut continuer d’avoir ces discussions.”
Maderpost / Marie VASTEL