Les évènements de la semaine écoulée ont remis sur le devant de la scène les supposées incongruités entre notre modèle républicain et nos réalités sociales. Le débat sur la république peut sembler pertinent à bien des égards mais il me semble qu’à l’heure où nous sommes, il est de loin plus urgent de parler de la nation sénégalaise qui est en train de traverser une zone de turbulences avec le péril communautariste qui nous guette.
Par Sarakhe NDIAYE
TRIBUNE – Quand on parle de la République, fondamentalement on vise le dispositif institutionnel et les dispositions légales qui doivent régir le système politique appelé à faire fonctionner notre société alors que la Nation concerne notre commun vouloir de vie commune en tant que citoyens malgré nos appartenances et croyances diverses.
Bien qu’imparfait, notre système républicain n’a jamais été un écueil majeur à l’expression de nos sensibilités culturelles ou une entrave à notre foi religieuse. La source du problème résulte du fait que nous voulons faire fi de ce qui devrait être notre rapport aux affaires publiques dont nous devrions être tous d’égale dignité pour mettre en avant nos appartenances communautaires qui relèvent de la sphère strictement privée.
Une telle inversion des postures finit par créer des dissensions car nous ne nous identifions pas aux mêmes références.
La cohabitation harmonieuse entre les différentes communautés de ce pays a toujours été le ferment de la cohésion nationale. Pour ne pas fragiliser nos équilibres assez précaires, nous gagnerons tous à bâtir des consensus forts allant dans le sens du respect de l’autre et de ses droits.
A force de vouloir créer une sorte de primauté des uns sur les autres ou de hiérarchiser les Sénégalais que nous sommes en fonction de leurs communautés d’appartenance, nous exacerberons les clivages et créerons les lignes de fracture qui ébranleront notre paix sociale.
Il est vital de faire preuve de discernement entre ce qui relève de notre choix individuel et ce qui est de l’héritage qui nous transcende et devant être un legs sans tâche pour les futures générations.
Des royautés féodales à nos jours en passant par l’époque coloniale, les chefferies religieuses ont cohabité avec les organisations politiques qui gouvernaient dans le sens du respect des prérogatives de chaque parti.
On se rend compte d’un effet boomerang à cause des élites politiciennes qui ont trop étreint les communautés pour profiter de leurs suffrages au point de perdre l’équidistance qui devrait leur permettre d’être au dessus de la mêlée.
De la même manière, beaucoup d’hommes et de femmes qui occupent d’éminentes fonctions dans la technostructure de l’État doivent leur promotion au parrainage de ces dignitaires communautaires. Naturellement, toute redevabilité entraîne de facto une situation d’obligé.
Ceci fait que les imbrications entre ces différents segments ont fini en un conglomérat pour défendre des intérêts individuels et claniques au détriment de l’intérêt général.
Pire, un équilibre de la terreur s’est installé au sein de cette troïka à telle enseigne que le Chef de l’État a avoué lors de son entretien du 31 décembre que tous les citoyens ne pouvaient pas être justiciables au même degré. Dès lors, la rupture d’égalité est actée et tolérée.
Le plus grave dans tout cela, on assiste à une montée des extrémismes et des intégrismes dans une intolérance qui frise l’insulte. Sur les réseaux sociaux, c’est une nouvelle tyrannie qui s’exerce avec des croyants et des militants 2.0 qui sont plus dans une logique de supporters pro-Modou Lo/pro-Balla Gaye avec le droit à la différence qui est piétiné.
La nouvelle tendance est de tout opposer à tout de manière systématique pour entretenir la polémique et la surenchère. Toutes les sensibilités et obédiences peuvent cohabiter dans ce pays dans le respect et l’harmonie.
Ce Sénégal est celui de tous, la paix doit y être la préoccupation de chacun.
Par la magie du digital et du virtuel, on peut brûler un pays mais ce sera très insuffisant pour l’éteindre et le reconstruire.
La nation sénégalaise est éprouvée et très mal en point, réanimons la pour notre propre survie au lieu de faire le choix de végéter dans un État comateux. Il est illusoire de croire que si l’on concourt à briser le contenant, nous parviendrons à maintenir indemne le contenu
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