Morale de la vie politique ou politiser la morale, le journaliste Félix Nzalé analyse la vie publique des sénégalais pris en otage par la versatilité des politiciens et le journalisme émotionnel.
TRIBUNE – Que penser de nos hommes politiques ? Une chose est certaine : il y a toujours un hiatus entre leurs paroles et les actes qu’ils posent.
Dans l’opposition, leurs paroles sont de miel. Une fois au pouvoir, c’est le peuple qui se met à la recherche de ceux qui avaient fait le serment de cheminer sur la voie conduisant à la «science de ce qui vaut le mieux », et donc du souci premier de quelque chose de vrai.
Dans cette quête de «l’homme politique parfait», ce pauvre peuple ne voit que des imposteurs et des visages de beaux parleurs «boursouflés d’enflure politique». Il prend alors conscience d’avoir été dupé.
Moraliser la vie publique ? Mettre fin aux conflits d’intérêts, au trafic d’influence et aux arrangements douteux ? Très bien !
Refuser les profits personnels engrangés au détriment du bien commun ? Très bien ! Mais les choses sont-elles aussi simples ? Pas si sûr. Parce que cette moralisation de la vie politique qu’on exige ici et là, ressemble plutôt à une politisation de la morale. Par conséquent à une instrumentalisation des indignations à des fins de déstabilisation de l’adversaire. C’est donc dire que la vertu a bon dos !
Mais les politiciens ne sont pas seuls dans la trahison. Que dire ou penser de la presse ?
A la lumière de ce qui est donné à voir, il apert qu’elle est incapable de penser un rapport négocié entre l’émotivité et l’intelligibilité. Comment trouver l’équilibre entre l’émotion et l’intelligibilité ? Question fondamentale et essentielle dans le contexte de graves dangers dans lequel se trouve le Sénégal.
Notre système médiatique s’est dégradé parce que l’émotion déborde au point que l’intelligibilité disparait au profit de la pure émotivité. Et comme on le sait tous, l’émotivité ne s’embarrasse jamais de la vérité. Voilà où nous en sommes dans ce pays : au journalisme émotionnel.
La plupart des confères – et des groupes de presse – ont pris sur eux la responsabilité d’occire leur sens du jugement critique et de s’aplatir devant les offres et soutiens des politiciens en l’occurrence. Les «lignes éditoriales», aujourd’hui, ne sont rien de moins que des «produits» mis en vente et cédés au plus offrant.
Par ailleurs, au sein de la «société civile», l’autre béquille sur laquelle prend appui la démocratie, le gros de la troupe se présente en héros de cette entité alors qu’ils sont en fait des supplétifs du pouvoir, des agents les plus efficaces dont dispose le système de domination et de prédation.
Quelle conclusion tirer de tout ce qui est dit, sinon que notre pays va mal, très mal ?
Maderpost