La récipiendaire des Affaires étrangères, n’est pas à son poste et c’est un secret de Polichinelle. Faire valoir un pédigrée dans des organisations internationales, ne fait pas de la personne, un diplomate.
TRIBUNE – Un maçon, n’est pas un architecte. La diplomatie est un métier, une carrière, une affaire de « grand » qui non seulement s’apprend, mais se consolide, se bonifie et devient dans la durée, un art, une lanterne qui éclaire la route du pays sur la scène internationale. Chaque plénipotentiaire, est le digne représentant de dix-huit millions d’âmes que nous sommes au chevet de nos intérêts.
Il charrie nos us et coutumes où qu’il soit, il est notre miroir, notre meilleur vrp, un acteur, drapé des oripeaux du pays sur les scènes du monde. C’est en cela, qu’il est témoin de l’histoire, des conventions, des chartes, des traités, des règlements de conflits, la diplomatie souterraine, religieuse, les négociations d’otages et autres actions du présent. Sauf exception, ceux qui ont un réel talent, une culture générale de l’histoire du droit international, de la géopolitique.
C’est pour dire, qu’on ne s’improvise pas diplomate et dans le contexte, de cette nouvelle alternance, un nouvel ordre de mission totalement absurde du chef, celui de renverser la table, de proposer une nouvelle grille diplomatique, souverainiste de surcroît. Un risque ?
La première prise de parole du ministre de l’Intégration et des Affaires étrangères, a fait frémir les « artistes » du métier, a soulevé de réelles inquiétudes, quant aux nouvelles orientations du nouveau régime.
Elle était manifestement en terrain inconnu avec un ton martial pour donner le la de la rupture. Une nouvelle démarche souverainiste, un discours sans le rituel lyrique du métier, plutôt « révolutionnaire », qui n’a guère séduit.
Une sortie iconoclaste, loin de l’orthodoxie, plutôt proche des putschistes et de leur sombre dessein anti Cdeao, anti Cfa, étayée par une propagande panafricaniste de supermarché, servie par le Pastef durant la campagne.
Du vrai délire ! On se délectait d’avance d’entendre un discours familier de continuité classique de notre diplomatie avec une tonalité, comme par le passé, avec un charme digne des grands orateurs de l’histoire, Mirabeau, Demosthene pour ne citer que ceux-là.
Une exhalaison de parfum de paix en harmonie avec l’image si prestigieuse, si respectueuse de notre pays sur la scène internationale. Mais en lieu et place, c’est un basculement total vers « le projet », un précédent hasardeux sous nos cieux.
Un nouveau régime, élu démocratiquement avec panache, qui force une amitié contre nature avec le pouvoir kaki avec qui Ousmane Sonko, se voyait en lune de miel.
Des putschistes complexés anti français, responsables de la misère dans leurs pays respectifs, quelle belle dissonance harmonique, idéologique ! Et comble de paradoxe, les propos irrévérencieux du choquant Choquel Maiga, traitant, notre bien aimé pays, de démocratie théorique devant notre Premier ministre tétanisé par l’instantanéité des propos, le manque de culture diplomatique notoire, un pied de nez aux règles les plus élémentaires de la bienséance de son hôte.
De quoi être dépassé par cette étrange fraternité, par ce théâtre, cette ambiance ineffable, quand on pense qu’Ousmane Sonko, est un des premiers souteneurs de l’Aes. Mais en fait, c’est le résultat du zèle en bandoulière du néo converti à la chose politique internationale, en pleine confusion entre populisme et les réalités géopolitiques.
C’est afficher une dyslexie totale, étant incapable d’avoir la bonne lecture de la réalité en face, les enjeux du monde d’aujourd’hui où l’ego passe avant tout, d’être en mesure de faire le distinguo entre la grenadine et le vin rouge, ce monde cruel où chaque État gère sa boutique.
Aujourd’hui, ne pas emboiter la marche du temps, encore moins, intégrer la real politik dans ses rapports avec la communauté, c’est vendanger le patrimoine du pays, surtout quand on prend ses désirs pour des réalités comme des recettes infaillibles.
Ce faisant, on s’écarte inéluctablement du chemin de la sérénité, du pragmatisme, de l’efficience, de la sécurité et surtout de la consolidation de nos bonnes relations avec le monde, pour s’engouffrer dans du n’importe quoi. Pour un génie présumé en matière de gouvernance, il y a lieu de s’interroger sur quoi reposent désormais, les axes de notre diplomatie ?
Mais encore, un premier Ministre, omnipotent, qui se substitue carrément au président de la République Chef suprême, absent il est vrai, malgré lui, qui convoque les ambassadeurs, en somme, qui gère une diplomatie parallèle, c’est du jamais vu depuis l’indépendance.
Nous sommes aujourd’hui, si loin de l’orthodoxie diplomatique sénégalaise, façonnée par les aïeux, par les érudits de la trempe de Thierno Souleymane Baal, par des religieux, rehaussée par le président Senghor, promoteur du « Sénégal, terre de dialogue » et non moins auteur de « La civilisation universelle du donner et du recevoir ».
Il est peu rassurant aujourd’hui, le chemin pris par les nouvelles Autorités avec la dyarchie actuelle au sommet de l’État dans laquelle, chacun du binôme, a sa propre lecture, sa vision, qui plus est, des néophytes jusqu’aux ongles en matière de diplomatie et de géopolitique.
Le récent rappel de tous les diplomates par la tutelle et prochainement, leur remplacement au sein de la nomenclatura par le parrain, a de quoi susciter de vives inquiétudes.
Ces nouveaux diplomates, seront à coup sûr, des proches, des amis le long du chemin, sans compter, le genre Kilifeu, Nitt Dof pour représenter le pays, échanger avec les grands de ce monde, au risque de tout déconstruire, au grand dam des diplomates de carrière, une orientation dommageable pour le pays. Ce sera encore le partage pour les 54% des votants, du sédeulé bouki comme jusqu’ici, des sinécures au nom de la rupture et de la rationalisation des choix budgétaires.
Les conséquences, seront malheureusement « l’œuvre de tant de jours en un jour effacé ».
Le Sénégal, risque de quitter l’extraordinaire pour de l’ordinaire et pas loin des quolibets. Quel est à propos le bilan de toutes ces pérégrinations ?
Aujourd’hui, « Y en a diplomarre », un sentiment largement partagé, au rythme des errances de nos « omniscients » sur la nouvelle trajectoire diplomatique du pays. Une situation encore redressable à condition d’écouter ceux qui savent pour éviter l’autre terrible tragédie devant nous : la « diplomortie ».
Mamelles ce 18 août 2024
Elng
Maderpost