AFRIQUE – Entre la date de création de cette alliance soutenue, dès le départ par l’Occident (les USA et l’Union européenne), en 2015, et sa dislocation provoquée par la sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger qui se retrouvent aujourd’hui dans la « Confédération des Etats du Sahel » (un avatar du G5 Sahel), beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Profitant de l’offensive militaro-diplomatique russe en Afrique, le Mali, d’abord, le Niger et le Burkina Faso, ensuite, ont choisi de couper les amarres avec Paris et de mener leur transition « démocratique » à leur propre rythme, c’est-à-dire, sans agendas précis mais, surtout, sans aucune contrainte.
La prévalence de l’impératif sécuritaire sur toutes autres considérations, telle cette exigence cynique de retour à un ordre « démocratique » qui n’a jamais existé, permet aux chefs d’État militaires de diriger sous le sceau d’un état d’exception qui ne dit pas son nom.
Après avoir promis d’enclencher, au bout de quelques mois, un processus de retour à la démocratie, les trois chefs d’Etat en transition semblent s’être entendus à faire de la navigation à vue le principe d’une gouvernance par défaut !
La question du temps des élections est liée à celle de la volonté de durer de chefs militaires.
La pression qu’exercent les pays occidentaux – et des oppositions désabusées – n’a plus d’effets sur des régimes militaires qui estiment tirer leur légitimité de peuples lassés par tant de promesses sans lendemains.
S’il ne faut compter que sur les mouvements populaires qui ont provoqué révoltes et révolutions dans certains pays d’Afrique (Tunisie, Libye, Burkina Faso, etc.), autant dire qu’Assimi Goita, Abdourrahmane Tiani et Ibrahima Traoré disposent d’atouts majeurs pour rester au pouvoir au moins dix ans !
Dans le contexte tendu de la crise politique au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la situation sécuritaire sert de faire-valoir. Elle autorise les dirigeants de ces pays à agir « en situation ». Elle ajourne sans cesse un désir de démocratie dont les juntes disent qu’il vient après la sécurité et le développement !
Sous le diktat de Moscou
La détérioration des rapports entre la France et les 3 pays désormais ex-membres du G5 Sahel a coïncidé avec l’intrusion du groupe Wagner au Soudan et en Centrafrique.
Devenu l’un des instruments majeurs de la diplomatie politico-militaire de la Russie en Afrique, ces paramilitaires ne cachant nullement leur vocation de mercenariat institutionnalisé, sont devenus les adversaires directs des troupes françaises et américaines envoyées par Paris et Washington comme éléments clés de leur dispositif de lutte antiterroriste.
Une compétition entre puissances du Nord (OTAN) et de l’Est qui n’est pas sans rappeler les temps forts de la guerre froide des années 50-60 du siècle dernier entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie.
Alors, un G5 Sahel diminué de plus de la moitié de ses membres est une coalition dont l’existence tient à la volonté de la seule Mauritanie de maintenir l’architecture sécuritaire d’une alliance dans laquelle les partenaires ont investi fortement et se sont investis !
Le collège de guerre du G5 Sahel, pour la sécurité, et l’Alliance Sahel, pour les questions de développement, ne peuvent être passés en perte et (non) profits, alors que la tendance actuelle est au regroupement pour faire face à des défis de toutes sortes.
Certes, personne ne demande aux « trois mousquetaires » du Sahel (Goita, Traoré et Tiani) de renoncer à leurs nouvelles orientations pro-russes mais seulement de tenir pour vérité que les jeux d’intérêt stratégiques ne sont jamais innocents.
Changer de partenaire dans la lutte antiterroriste s’accompagne, aussi, de prébendes qui permettent au nouvel allié russe d’entretenir le groupe Wagner devenu l’instrument stratégique de sa confrontation politique, idéologique et militaire avec les Américains.
La question du choix du partenaire « stratégique », retournée dans tous les sens, ramène, toujours, à l’intérêt qu’ont ces pays à lâcher la France pour la Russie et les autres (Mauritanie, Tchad) à garder le cap d’un navire (G5 Sahel) qui tangue mais ne coule pas encore.
Maderpost / Afrimag / Mohamed Sneïba