Le Premier ministre Ousmane Sonko entouré de quatre ministres a lourdement chargé ce jeudi 26 septembre 2024 l’ancien pouvoir lors d’une conférence de presse à la primature, dénonçant une « gabegie » et un « carnage organisé » des finances publiques.
FINANCE – Il aurait pu être à Ziguinchor pour commémorer avec les enfants du terroir et les Sénégalais le 23e anniversaire si on puit l’appeler ainsi du tragique naufrage du bateau Le Joola survenu dans les eaux territoriales de Gambie, mais Ousmane Sonko a choisi le même jour, comme un « symbole » pour dénoncer le « carnage » financier et entonner l’oraison funèbre du naufrage de l’administration Macky Sall.
Non sans coïncidence avec ce qui reste par ailleurs un exercice à mi-parcours, six mois après l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye. La nombreuse assistance dans la salle est restée bouche bée, tant les révélations étaient énormes. Perturbantes à tout point de vue. On en veut pour preuve les propos du ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, M. Abdourahmane Sarr.
« Le rapport sur la situation des finances publiques a révélé que la dette publique du Sénégal et les déficits budgétaires ont été plus élevés que publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019-2023 », dit-il, nous apprenant que le déficit budgétaire d’une moyenne de 5,5% du PIB sur la période 2019-2023 est en fait de à 10,4% en moyenne.
Comment une telle chose est-elle possible ? Comment a-t-elle pu passer à la barbe du juge des comptes, des députés qui ont voté récemment la loi de règlement ? Serions-nous dans un cartel d’Etat mafieux d’Etat qui ne dit pas son nom ?
Mais nous ne sommes qu’au début de nos peines. La dette publique que l’on savait déjà soutenue n’est de pas de 76,3% du PIB en moyenne, là aussi les ministres de Finance, « que tout le monde félicitait » lance narquois Sonko, « ont tripatouillé les chiffres ». À fin 2023, la dette de l’État central hors certains secteurs parapublics est de 15 664 milliards soit 83,7% du PIB. On est loin des 13 772 milliards ou 73,6% du PIB. « Abdoulaye Daouda Diallo, Mamadou Moustapha Ba, Amadou Ba, Macky Sall ont donné des chiffres erronés aux partenaires. Ils ont menti au peupe », se scandalise Ousmane Sonko.
On n’est pas au bout de nos surprises. La dizaine d’audits lancés révèle un surfinancement du Trésor public d’environ 605 milliards de francs CFA fin 2023, initialement prévu pour l’année 2024 et utilisé pour payer des dépenses non budgétisées et des dettes connues de l’État contrairement à ce qui avait été communiqué aux partenaires.
De quoi tomber à la renverse et se préparer à une suite judiciaire qui fera beaucoup de bruit. La CREI enterrée, le Pool judiciaire financier comprenant un parquet « spécialement compétent » sur la criminalité financière a déjá ses magistrats spécialisés, même si le siège n’est pas encore effectif. Le tandem Diomaye/Sonko a bien préparé le coup, même si le placide et cohérent ministre de la Justice Ousmane Diagne rappelle que le temps de la justice n’est pas celui des politiques. Les prochaines semaines seront riches de rebondissements, quoiqu’il en soit.
Si Ousmane Sonko et son gouvernement sont décidés à ne rien lâcher, ils se retroussent aussi les manches pour redresser la barre. Le gouvernement s’engage à ramener la dette de l’État central de 83,7% du PIB en 2023 à moins de 70% dans des délais raisonnables », grâce à une « revue systématique des projets et programmes sur financement extérieur ».
« La rationalisation des dépenses de fonctionnement, la réduction des subventions à l’énergie, l’amélioration du ciblage des bourses familiales, la réduction des exonérations fiscales, l’élargissement de l’assiette fiscale, la responsabilité et à la transparence » seront les piliers de la gouvernance de l’administration Sonko pour éviter au pays de retomber dans les travers ayant conduit à la gravité extrême des faits reprochés à Macky Sall et à son gouvernement dont la décadence a commencé avec la décélération de la croissance entamée en 2018, soit un an avant la présidentielle de son seconda mandat.
Pour autant, Ousmane Sonko et son gouvernement appellent au calme même si sa sortie n’est pas pour rassurer sur la destination Sénégal dont l’image est sérieusement écornée aussi bien auprès des institutions de Bretton Woods que des marchés. « Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer outre mesure. Il faut regarder l’avenir », déclament avec confiance le ministre de l’Économie et son Premier ministre.
Il faut espérer que la note ne soit pas salée du côté des populations et des entreprises. On attend de voir si les prix vont flamber ou pas. Mais il est clair que l’augmentation de l’assiette fiscale inévitable ne peut-être à elle seule une solution. Le secteur privé national doit accompagner l’effort citoyen du redressage national, il devra cependant être aussi soutenu autant dire ne pas plier sous une forte pression fiscale. Le Premier ministre a donné des gages.
On le saura à la présentation du nouveau référentiel de politiques publiques, le 7 octobre prochain, qui nous édifiera sur les bases de finances publiques saines, gage d’une souveraineté budgétaire retrouvée pour mieux accompagner le secteur privé
Maderpost