Les pays développés responsables en grande partie des émissions des gaz à effet de serre ne respectent leurs engagements de financer les activités de résilience des pays ouest-africains très impactés et moins polluants. Pis, le mode d’octroi des sommes décaissées et insuffisantes, ne fait qu’anéantir les efforts de développement des bénéficiaires dont le Sénégal. L’analyse ressort d’une étude sur les financements climat en Afrique de l’Ouest publiée par Oxfam hier, mardi 27 septembre.
CHANGEMENT CLIMATIQUE – Dans le cadre des financements climat en Afrique de l’Ouest 2013-2019 « l’ensemble des huit pays analysés (Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Ghana, Nigéria) ont reçu un montant total de financement public international pour le climat de 11,7 milliards de dollars, soit une moyenne de 1,7 milliard de dollars par an ». C’est ce que révèle une étude de la Banque mondiale axée sur les financements climat en Afrique de l’ouest publiée hier, mardi 27 septembre. Selon Oxfam, ce « montant est tout à fait insuffisant pour faire face aux défis climatiques et de pauvreté dans la région. Mieux, ajoute l’organisation, « en comparant le financement climat reçu en 2019 avec les besoins déclarés par les pays dans leurs contributions déterminées au niveau national (Cdn), le constat est que le financement ne couvre que 12,7 % des besoins, tandis que l’assistance nette spécifique au climat (Ansc) ne représente que 7,3 %. Pour les pays du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mauritanie, Niger, Nigéria et Sénégal), il existe un écart de 82 % entre les besoins d’adaptation déclarés par ces pays et le financement de l’adaptation fourni ». Elle signale aussi que 50 % des financements climat fournis à l’Afrique de l’Ouest/Sahel, contribuent aux objectifs d’adaptation, une proportion apparemment satisfaisante du point de vue de l’équilibre entre l’atténuation et l’adaptation visée dans l’Accord de Paris. Cependant, compte tenu des niveaux de vulnérabilité et des besoins d’adaptation élevés, ainsi que de la faible empreinte carbone des pays de cette région, la proportion de financements d’adaptation devrait être considérablement plus ambitieuse pour l’Afrique de l’Ouest/Sahel. Malgré leur haut niveau de vulnérabilité et leur faible niveau de préparation, ces pays reçoivent également beaucoup moins de fonds d’adaptation que d’autres pays moins vulnérables et mieux préparés. Enfin, note le document, « seulement 0,8 % des entités qui ont un accès direct aux financements climat internationaux en Afrique de l’Ouest/Sahel peuvent être identifiées comme « locales » ou au niveau infranational. Cependant, il y a aussi un manque de transparence parmi les financements climat déclarés sur la quantité qui atteint le niveau local et qui implique des processus participatifs communautaires ». En termes absolus, le Nigéria et le Sénégal sont les deux pays qui reçoivent le plus de financements, avec respectivement, une moyenne annuelle de 407 millions de dollars et de 375 millions de dollars.
Des financements qui appauvrissent davantage les pays ouest-africains
Le document montre également que « les promesses de financement climat faites par les pays riches et historiquement polluants aux pays en développement sont non seulement loin d’être respectées à l’échelle mondiale, mais elles sont tout à fait inadaptées aux besoins réels des régions particulièrement touchées qui portent peu de responsabilité historique sur le changement climatique, comme l’Afrique de l’Ouest et le Sahel ». Oxfam fait ressortir aussi que les financements climat actuels, majoritairement sous forme de prêts, « restent inadaptés à une région déjà très endettée, ce qui risque de pousser ses pays et ses communautés à s’endetter davantage ». Cela compromet gravement leurs objectifs de développement. En même temps, les impacts de la crise climatique ne cessent de croître de façon exponentielle, d’exacerber la pauvreté, la faim et les inégalités, alors que la région est simultanément confrontée à la pire crise de la faim depuis 10 ans. Il s’y une crise sécuritaire qui ne cesse de s’aggraver et d’autres menaces extérieures, telle que la crise en Ukraine et la pandémie de Covid-19). Le rapport prévient que les pays riches ont de plus en plus recours aux prêts pour aider les pays d’Afrique de l’Ouest à faire face aux changements climatiques. Entre 2013 et 2019 ceux-ci ont augmenté de 610 %, passant de 243 millions de dollars à 1,72 milliards de dollars. En comparaison, les dons ont seulement augmenté de 79%. Parmi les bailleurs qui ont le plus recours aux prêts en proportion de leur financement climatique total, on retrouve la Banque mondiale (94%), la France (94%), le Japon (84%), la Banque africaine de développement (Bad) (83%) et la Banque européenne d’investissement (Bei) (79%). « À l’heure où l’Afrique de l’Ouest subit de plein fouet les crises climatiques, sécuritaires et de la faim, ces flux financiers sont nettement insuffisants et ne correspondent pas à ce qui avait été promis. Plusieurs sont des prêts qui réduisent en fait la capacité des pays à faire face au changement climatique. La plupart des pays tombent dans la spirale de la dette et de la pauvreté, ce qui va à l’encontre de l’esprit de la justice climatique », note le document.
Les recommandations d’Oxfam
Face à ce qu’il qualifie d’injustice, Oxfam demande aux pays développés de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (Ccnucc), d’augmenter en toute urgence les financements climat internationaux, de s’engager à respecter leurs promesses de longue date de mobiliser et de fournir 100 milliards de dollars par an, de 2020 à 2025, et de compenser les déficits accumulés depuis 2020. Ces pays doivent également indiquer clairement leurs contributions au doublement du financement de l’adaptation d’ici 2025 (comme convenu lors de la COP26) et fournir une feuille de route quantifiée sur la manière dont ils prévoient atteindre cet objectif. Pour l’organisation, tous les bailleurs ne doivent comptabiliser que l’assistance nette transférée aux pays en développement la part dons des prêts concessionnels en tant que financement climat en vertu de l’article 9.1 de l’Accord de Paris, et également comptabiliser uniquement les composantes spécifiques au climat du financement climat déclaré. Les décisions prises dans le cadre de la Ccnucc/COP doivent également assurer le renforcement des règles comptables afin que les pays soient responsables de ne pas sur-déclarer leur financement climat. Lors de la COP27, les discussions autour de l’objectif de financement climatique post-2025 (nouvel objectif collectif quantifié) doivent être basées sur les besoins des communautés et des pays vulnérables au changement climatique, et inclure une matrice d’objectifs qualitatifs avec des sous-objectifs sur l’adaptation et le financement des pertes et dommages. Tous les bailleurs de fonds doivent renforcer le financement de l’adaptation sous forme de subventions et réduire leur part des prêts alloués aux pays d’Afrique de l’Ouest/ Sahel et aux autres pays les moins avancés (Pma). Les décisions de la Ccnucc et les gouvernements doivent adopter des mesures politiques limitant l’utilisation des instruments de dette dans les financements climat, en particulier pour les régions et les pays très endettés tels que l’Afrique de l’Ouest/Sahel. Les bailleurs multilatéraux tels que la Banque mondiale, le Fonds international de développement agricole (Fida) ou le Fonds vert pour le climat devraient passer à une proportion nettement plus élevée de financements de l’adaptation basés sur des subventions pour les PMA et les pays les plus vulnérables au climat. En particulier, les financements non concessionnels ne doivent pas être déclarés comme faisant partie du financement climat. Comme recommandation, Oxfam veut aussi que les normes de rapportage sur les objectifs de genre et les résultats transformateurs en matière de genre soient renforcées.
Maderpost / Sud quotidien