Après moult interpellations sur mon article paru sur “Seneweb.com”, “Sud Quotidien” et “Sudquotidien.sn”, intitulé « Le second et dernier mandat ! », il convient à la suite d’une démonstration juridique et scientifique, de faire cette fois-ci, une démonstration empirique, c’est-à-dire chronologique pour les non juristes et non constitutionnalistes. Celle-ci va s’articuler autour de deux notions essentiellement : la durée du mandat d’une part et le nombre de mandats, d’autre part.
CONTRIBUTION – Sur la durée du mandat présidentiel
Pour mieux comprendre la durée du mandat, remontons à 1960 pour arriver à nos jours.
Sous l’égide de la constitution de 1960, la durée du mandat était de cinq (5) ans (quinquennat).
Sous l’égide de la constitution de 1963, la durée du mandat était de cinq (5) ans (quinquennat).
A ce niveau, il faut noter que le mandat de cinq ans été illimité, c’est-à-dire sans limitation, donc illimix. Donc, durant toute la présidence de Senghor jusqu’en 1981, la durée du mandat était de cinq ans. En 1981, avec l’article 35 nouveau modifiant l’article 35 de la constitution de 1963, le Président Abdou Diouf accéda à la Magistrature suprême de notre Nation. Et là encore, le mandat était de 5 ans. Il fut réélu en 1988 et en 1993, pour un mandat successif toujours de 5 ans.
Sous l’égide toujours de la constitution de 1963, le Président Diouf en 1993, à la suite d’une modification constitutionnelle, porta le mandat de 5 ans (quinquennat), à 7ans (septennat).
C’est la première fois dans l’histoire du Sénégal, en 1993, que la durée du mandat a été portée à 7 ans (septennat). Il gouverna alors de 1993 à 2000, pour un mandat de 7 ans.
En 2000, il fut battu par Abdoulaye Wade, qui devient ainsi le 3e Président du Sénégal. Cette date fut historique, car pour la première fois, également, les socialistes perdent le pouvoir et se retrouvent dans l’opposition.
Le Président Wade gouvernera pendant 7 ans, de 2000 à 2007, sous l’égide de la constitution de 1963. Mais en cours de mandat, un an après son accession à la Magistrature suprême, il initia une nouvelle constitution par référendum, en 2001.
Sous l’égide de la constitution de 2001(sous Abdoulaye Wade), la durée du mandat est ramenée à 5 ans.
Le Président Wade revient au quinquennat (5 ans). Réélu en 2007, pour un second mandat de 5 ans, il rétropédala en 2008, pour revenir au septennat (7 ans). La fin de son mandat prévu en 2012, verra un débat sur le nombre de mandats avec l’intervention du Conseil constitutionnel en 2011.
En 2012, toujours est-il que le Président Macky Sall accéda à la Magistrature Suprême, sous l’égide de la constitution de 2001, qui du reste, nous gouverne toujours et, est encore en vigueur à ce jour. Son mandat ira de 2012 à 2019 (7 ans).
En 2016, le Président Sall introduit une réforme constitutionnelle qui ramènera le mandat, de 7 ans à 5 ans. C’est pourquoi réélu en 2019, son nouveau et second mandat de 5 ans, court jusqu’en 2024.
Ainsi toujours sous l’égide de la constitution de 2001, le Président Macky Sall aura :
– un mandat de 7 ans (2012 – 2019) et
– un mandat en cours de 5 ans (2019-2024)
Faudrait-il déduire de façon péremptoire, que le premier mandat de 7 ans n’en est pas un, alors que tous les deux mandats successifs et consécutifs (7 et 5 ans), ont pour fondement légal, la constitution de 2001 ?
Sur le nombre de mandats présidentiels
Il est heureux de signaler que c’est le Président Wade qui, pour la première fois dans l’histoire politique et démocratique de la nation, a introduit la limitation de mandat présidentiel. Pour lui, le mandat présidentiel ne doit point être un mandat illimix.
Voilà pourquoi en 2001 (7 janvier 2001), avec une nouvelle constitution qui abrogea celle de 1963, en son article 27 (TITRE III), le Président Wade inscrivit : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans » (alinéa 1er). Et ajoute : « Le mandat est renouvelable une seule fois » (alinéa 2). Ce bout de phrase en dit long. En effet, cela voudrait dire que le mandat est limité à deux « 2 ».
Toujours sous l’égide de la constitution de 2001, mais à la faveur d’une réforme constitutionnelle en 2016, le Président Macky Sall reprend : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans » (alinéa 1er). Et rajoute : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs» (alinéa 2).
Seul l’alinéa 2e a changé de formulation, pour devenir plus explicite : en lieu et place de « Le mandat est renouvelable une seule fois » formule de Wade, Macky a mis de façon plus catégorique, « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».
Cette clarification permet au peuple non juriste et/ou non constitutionnaliste, de comprendre la problématique « de la durée » et « du nombre » de mandats, qui sont deux notions différentes. La limitation de mandat dont il est question en ce moment au Sénégal, concerne le nombre de mandats et non la durée.
Donc, il est clair dans l’esprit comme dans la lettre de la constitution de 2001, les deux présidents Wade et Sall ont eu pour ambition de rompre avec la spirale de violences issues du débat des interminables mandats sans fin et illimix. C’est tout à leur honneur. Seulement, le problème se trouve toujours dans l’application de cette limitation, pour des questions purement politiques.
Par ailleurs, il convient de dire que dans une démocratie, la volonté du peuple est la source du pouvoir. Le peuple est le pouvoir constituant, en tant que première manifestation de la souveraineté du peuple.
En droit constitutionnel, on appelle pouvoir constituant, un pouvoir qui a reçu mandat du peuple pour créer ou réviser la constitution de la nation (norme fondamentale qui régit la nation). Il s’agit du parlement « Assemblée nationale » ou du peuple par voie de référendum (comme en 2001 et en 2016).
Or, il est heureux de constater que la constitution de 2001 et sa révision en 2016, sont toutes deux issues d’un référendum, manifestation directe de la volonté et de la souveraineté du peuple. Cette volonté et cette souveraineté, c’est la limitation de mandat à deux consécutifs. Il est baroque dans ce débat, de tout ramener à la saisine et à la décision du Conseil constitutionnel, qui tient sa légitimité et sa légalité du peuple. Alors où est le peuple dans ce débat ?
Il est d’un adage Wolof qui dit : « Mbédjum kanam, borom mo koy fadjial bopom», conformément aux dispositions de l’article 26 de la constitution de 2001 en vigueur.
Henri Valentin B. GOMIS
Avocat à la cour
1er Secrétaire de Conférence
Maitrise en Droit Public
Master II en Droit de l’Homme
Master II en Droit Maritime
Master II en Management de l’Energie
et des Ressources Pétrolières (en cours)
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