Désormais, sa position dans le jeu politique est connue. Le doute est définitivement écarté. Dr Abdourahmane Diouf ne fait pas partie de la coalition «Yewwi Askan Wi» qui vient d’être mise en place par une partie de l’opposition. Alors que son nom avait été cité par les initiateurs de cette coalition lors de son lancement, l’ancien porte-parole de Rewmi révèle, dans cet entretien avec L’Observateur, qu’il ne fait partie d’aucune coalition. ENTRETIEN – Abdourahmane Diouf, annonçant par ailleurs le lancement de son parti le 30 octobre prochain, apprend qu’il ne sera pas candidat aux élections locales dans sa ville de Rufisque. Dr Diouf aborde aussi, entre autres sujets, le coup d’Etat en Guinée Conakry, les soupçons d’un 3e mandat du Président Macky Sall… Une partie de l’opposition vient de mettre en place une coalition dénommée «Yewwi Askan Wi». Que pensez-vous de ce nouveau cadre politique ? Il est utile que ceux qui sont en face du régime en place se signalent et se retrouvent. La position d’opposition doit être clairement affichée et assumée. Si c’est dans le cadre d’un regroupement, c’est toujours à saluer. Ceux qui sont dans ce cadre sont des personnes aguerries qui ont fait leur preuve. Je salue leur engagement et leur souhaite pleins de succès. Je trouve leur approche très intéressante dès lors qu’ils s’inscrivent dans une logique de résultats à long terme avec les Locales, les Législatives et la Présidentielle de 2024. Il est heureux de pouvoir constater la capacité d’anticipation de cette opposition. Votre nom a été cité parmi les membres de «Yewwi Askan Wi» lors de son lancement, alors que vous n’y étiez pas. Pourquoi vous n’avez pas participé à cette rencontre ? Êtes-vous membres de cette coalition ? Le fait que mon nom ait été cité résulte d’une petite incompréhension. Des discussions ont eu lieu sans qu’on en arrive à une conclusion définitive. On peut regretter ce qui est arrivé en sachant que les discussions ont été cordiales et menées en toute bonne foi, 48H avant le lancement de la coalition. Ce sont des choses qui arrivent et je les encourage dans la voie choisie. Depuis lors, nous avons continué les discussions à l’interne, et la décision a été prise de ne pas être membre de cette coalition, ni d’aucune autre d’ailleurs. Nous sommes un parti en gestation depuis le mois de mars 2021. Un appel a été lancé autour d’idées et de principes républicains originaux et de nombreux Sénégalais ont répondu à cet appel. Nous avons choisi d’inverser la pyramide de la décision en mettant en place un processus inclusif qui mène à la création de notre parti. Nous avons déjà choisi notre slogan qui est ‘’Dara Jombu Ñu’’. Et entre nous, nous nous appelons les «Jambars» qui avons vocation à bâtir une nouvelle République. Ce processus sera consacré le 30 octobre 2021 avec le lancement effectif de notre parti. L’opposition sénégalaise est, aujourd’hui, divisée. Est-ce que cela ne va pas l’affaiblir ? Je ne vois pas une opposition divisée. Je vois une opposition plurielle qui gère tant bien que mal les enjeux avec les moyens dont elle dispose. L’opposition sénégalaise donne toujours l’impression d’avoir un coup de retard vis-à-vis du pouvoir parce qu’on la compare à un régime en place qui se gave des moyens du contribuable pour exister. Ce n’est pas l’opposition qui est faible. C’est le pouvoir qui fixe les règles du jeu en sa faveur. C’est le pouvoir qui utilise les ressources humaines, logistiques et financières de l’Etat. Les moyens des deux parties sont disproportionnés au point de laisser filtrer une perception de faiblesse des opposants. Ce n’est pas le cas. Les oppositions sénégalaises ont souvent su être ingénieuses au point de remporter des victoires inédites, malgré des moyens faibles. Exiger de l’opposition une posture monolithique et unanimiste ne tient pas compte du système électoral sénégalais. Les élections n’ont pas toutes les mêmes ressorts et les modes de scrutin déterminent l’efficience et l’opportunité des coalitions électorales. Une large coalition de l’opposition est utile pour les élections locales. Elle peut impulser une dynamique et préparer des victoires futures. Il n’y a pas de doutes là-dessus. Mais les réalités du terrain micropolitique et la détachabilité des résultats, d’une commune à une autre, ne leur donnent pas une dimension nationale intrinsèque. Nous devons éviter deux erreurs au sein des oppositions. La première est de faire croire que sans unanimité, nous sommes en situation d’échec. Faire germer cette idée dans l’opinion équivaut à créer de l’espoir sans aucune garantie de réalisation. Les oppositions sont une réalité du terrain politique que de simples bonnes intentions ne vont pas changer. Le fantasme d’une opposition unique peut la décrédibiliser en cas de résultats en deçà des attentes. La seconde erreur serait de rattacher les résultats des élections locales à ceux des scrutins à venir. Au-delà de la dynamique positive ou négative qui peut créer un effet d’emballement, les Locales ne déterminent en rien les résultats des Législatives et la Présidentielle. En ce qui concerne les élections législatives, la dispersion de l’opposition sera suicidaire. Nous serons dans le cadre d’un scrutin mixte, proportionnel et majoritaire, qui ne nous laisse pas beaucoup de marges de manœuvres. La majorité électorale peut ne pas correspondre à la majorité des sièges obtenus. C’est courant. Une large coalition de l’opposition sera nécessaire pour avoir la majorité à l’Assemblée nationale et gouverner le pays. Seulement, une victoire de l’opposition pourrait ne pas suffire pour avoir la réalité du pouvoir et gouverner. Le régime actuel a crû nécessaire de supprimer le poste de Premier ministre et d’hypertrophier le pouvoir du président de la République. Une victoire de l’opposition ne créerait pas de facto une cohabitation. Il faudra une série de réformes pour que l’opposition qui détiendrait la majorité à l’Assemblée nationale puisse gouverner à travers un chef du gouvernement institutionnellement réhabilité. L’élection présidentielle imprime une autre approche à l’opposition. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours favorise l’éclatement des candidatures. Ce n’est pas un mal. C’est même une stratégie qui peut être gagnant en cas d’accord de gouvernement pour un second tour. Miser alors sur une opposition unique en toutes circonstances est illusoire, constitue un mauvais signal vis-à-vis de l’opinion et peut décourager l’électeur qui ne verrait des perspectives de changement que dans une opposition monolithique. Ça peut renforcer également le pouvoir en place… Nous entrons dans une période inédite de l’histoire politique du Sénégal, avec la certitude que le Président sortant ne pourra pas rempiler. Le sortant a vocation à sortir ! Les prochains maires et députés exécuteront la deuxième moitié de leur mandat sous le magistère d’un Président dont ils n’ont même pas idée du portrait-robot. Les coalitions seront caduques dès lors que celle du président de la République actuel devra se choisir d’autres candidats. Les coalitions de l’opposition feront face à la pluralité des candidatures au premier tour. La notion même du candidat de l’opposition à soutenir au second tour reste floue, dès lors que des légitimités nouvelles vont s’exprimer et que deux candidats de l’opposition actuelle pourront se faire face. Nous entrons dans une période politique où la crédibilité personnelle, la profondeur programmatique et les ressorts éthiques seront les déterminants du vote, au-delà des coalitions, et peut-être même au-delà des filiations partisanes. C’est une nouvelle ère politique à laquelle nous sommes préparés. On va vers des élections locales, comptez-vous participer à ces joutes ? Il y a plusieurs situations possibles. A titre personnel, je ne serai pas candidat à Rufisque. Dans mon camp, il y a suffisamment de bons profils pour relever les défis dans les communes et à la Ville de Rufisque. Seulement, je ne serai pas en dehors des joutes électorales, parce que le sort de Rufisque est une grande préoccupation chez moi. Il y a quelques années, nous avons organisé les Assises de Rufisque dont le résultat principal est un document exceptionnel connu sous le nom de ‘’Tous les problèmes de Rufisque y sont diagnostiqués’’. Des solutions réalistes et à portée de main proposées. Le tout, suivant un processus participatif et inclusif. J’encouragerai tout candidat dont le programme s’adosse aux Assises de Rufisque. Notre ville souffre beaucoup de l’ostracisme du pouvoir central actuel qui enrobe ses promesses accumulées dans un mépris et une condescendance inexplicable. Nous avons fini par nous faire à l’idée que le régime de Macky Sall n’aime pas Rufisque. Mais nous n’allons pas nous morfondre. Je vois des hommes et des femmes capables et prêts à relever le défi. Ils auront mon soutien. Dans la situation de notre parti, nous avons choisi de ne pas être dans une coalition nationale formalisée. Or, beaucoup de nos adhérents ont une existence politique qui rend légitime une participation aux élections locales. Nous les encourageons à y participer sous les bannières de leur choix, à y jouer les premiers rôles et à y soutenir les coalitions ou listes locales, du camp des indépendants et/ou de l’opposition. Notre seul sens interdit sera de nous accoquiner à la coalition au pouvoir. Nous travaillerons à une large victoire de l’opposition tout en nous préparant aux échéances futures qui marqueront la véritable entrée de notre parti sur la scène politique nationale. Où en êtes-vous avec la publication de votre livre qui doit accompagner le lancement de votre parti ? Le livre est en cours de rédaction et sera finalisé bientôt j’espère. Il s’articule autour du constat d’échec de la République actuelle du Sénégal et de la proposition d’une nouvelle République sénégalaise articulée autour de notre histoire et des valeurs de notre société. Il diagnostique les angles morts de notre pays, toutes ces forces vives de la nation qui sont en marge de notre processus de développement, et essaye de leur proposer une place de choix dans la nouvelle République. Nous y explorons la faisabilité de la démocratie de concordance qui nous semble plus adaptée à nos mœurs politiques que la démocratie de concurrence importée à laquelle nous sommes soumis. Notre thèse est que le Sénégal n’a pas son destin en mains à travers le choix des institutions qui le gouvernent et qui ne lui ressemblent pas. Nous avions prévu de le publier au début du mois d’octobre, mais il est probable qu’il soit lancé le même jour que le parti politique, le samedi 30 octobre 2021. La Guinée est victime d’un coup d’Etat. Quelle analyse cela vous inspire ? La situation de la Guinée met les panafricanistes que nous sommes très mal à l’aise. Le décalage entre les richesses de ce pays frère et le niveau de vie de ses populations postulent des défaillances graves au niveau de la gouvernance économique et sociale. Le sentiment de frustration est permanent en Guinée. Ils savent mériter mieux. Ce n’est pas une spécificité guinéenne d’ailleurs. Tous nos pays africains sont gérés en deça de leur potentiel ; ce qui n’est pas une raison suffisante pour rompre l’ordre constitutionnel républicain. Un coup d’Etat n’est jamais une bonne solution, à mon avis. Sans vouloir m’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays ami, je ne peux ne pas mentionner les réajustements constitutionnels qui prolongent les mandats sans la dose de légitimité qui va avec. Ce mandat était clairement de trop en Guinée. Est-ce que ce n’est pas une alerte pour le Sénégal et les autres pays voisins ? Plus qu’une alerte, c’est la réalité d’une instabilité sociale des deux côtés de la frontière. Nos deux pays ont les mêmes populations avec une forte dose de consanguinité. Le Sénégal souffrira toujours des soubresauts politiques de la Guinée. Et l’inverse sera aussi valable. Nos autorités, tout autant que les Sénégalais de base, ont intérêt à ce que la Guinée reste stable et ouvert. Nous devons nous y impliquer et proposer des solutions dans les limites de la souveraineté intérieure guinéenne. Sur le plan politique, c’est une leçon à engranger au-delà du Sénégal. Les peuples africains sont en attente d’une gouvernance plus en phase avec les exigences de démocratie et de liberté. Nos jeunesses ne s’accommodent plus du clanisme et de la confiscation indue du pouvoir. Elles ne tolèrent pas les tripatouillages des Constitutions. Les troisièmes mandats bricolés au-delà de tout esprit républicain les insupportent. Et de ce point de vue, c’est effectivement une alerte pour le pouvoir en place au Sénégal. La 3e candidature n’aurait jamais dû être un débat au Sénégal. Notre histoire récente s’y oppose. La Constitution s’y oppose. Le président de la République qui a institué la réforme constitutionnelle s’y oppose. L’esprit et la lettre de l’article 27 de notre Constitution s’y opposent. La décence et la morale s’y opposent. La Constitution ne pose aucun problème d’interprétation. Et à supposer qu’il se pose, simple hypothèse d’école, le juge qui interprète devra se référer à la volonté du président de la République qui est ici le pouvoir constituant dérivé, le donneur d’ordre en l’occurrence. La 3e candidature mettra face-à-face un juge et un candidat. D’un côté, un candidat qui viendra déposer son dossier sur la base de la supposée mauvaise rédaction de la réforme qu’il a commanditée lui-même et qui lui interdit toute candidature. D’un autre côté, un juge qui devra dire au Président/Candidat s’il pourra se présenter ou pas, sur la base d’une mauvaise transcription de sa volonté. Cette situation est ubuesque et indigne du Sénégal. Les thuriféraires d’une troisième candidature devraient se ressaisir. Le Président Macky Sall devrait mettre fin à cette situation politique anxiogène qui, combinée au marasme économique ambiant, exacerbe les peurs et les incertitudes. Nous sommes un peuple angoissé à force de n’avoir aucune réponse à tous nos maux. Le Président Sall doit se déterminer. Très vite. Son silence ne lui appartient pas. Il porte notre parole. Il doit rassurer son peuple. Il doit le dire. Il ne sera pas candidat. Maderpost / L’Observateur]]>
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