Attendu pour ne pas dire épié aussi bien par ses compatriotes que la Communauté internationale pour son premier discours à la tribune des Nations, Bassirou Diomaye Faye élu le 24 mars 2024 à la plus haute magistrature du pays a fait mieux que bien, excellent, toquant sans donner l’air dans la cour des grands avec un discours magistral trempé dans la sève pure gauchiste, gestuelle y compris.
ONU – Ousmasne Sonko, son Premier ministre et mentor ne s’y trompe pas, même si l’on peut ne manquera pas de rétorquer chez les caciques de Pastef que Sonko c’est Diomaye et Diomaye, Sonko. La litanie est connue, elle a fait ses preuves à la présidentielle de mars dernier, renvoyant dans la corde « papys et jeunes loups » de la classe politique.
Le tandem a mis tout le monde par terre. L’auditoire des Nations unies a dû sentir mercredi 25 septembre lors de la 79è session de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York, les raisons qui ont amené les Sénégalais à faire focus sur un jeune président fêtant son 44e anniversaire le lendemain de son élection.
Comme un signe qui a fait mouche chez Oncle Sam au point d’être « chaleureusement » accueilli par le binôme, Sonko qui salue un « un discours mémorable ». Il n’est pas le seul à le dire. Un spécialiste de la communication, analyste des questions internationales, Souleymane Jules Diop, ne manque pas l’occasion de le souligner sur sa page Facebook. Séduit qu’il a été par le Président Diomaye.
« Le Président de la République vient de prononcer, au moment où je suis en train de le suivre, un discours de haute facture qui, je le crois vraiment, restera dans les mémoires, alors que l’on s’y attendait le moins, puisqu’il en est à son premier véritable rendez-vous avec la communauté internationale. C’est être juste que de le reconnaître ».
Un article de nos brillants confrères de Confidentiel Afrique, MM Isamël Aïdara et Karim Diakhaté, couche ses lettres dans la même veine. « Un satisfecit décerné également par un aréopage de grands dirigeants du monde ». Difficile de ne pas rejoindre Ousmane Sonko. Le « message fort qui inspire le monde ».
Et comment ! L’humaniste a parlé, l’homme de gauche s’est révélé. Il n’y a pas de doute, il faut profondément être de gauche, être nourri à la pensée du partage pour tenir un tel discours et réussir surtout le parti de réunir la jeunesse autour du « Projet ».
Le philosophe Yves Citton ne s’y trompe pas et les faits historiques pour ce qui concerne le Sénégal et Pastef lui donnent raison. « Être de gauche, c’est faire une certaine confiance à l’énergie et á l’intelligence de la jeunesse ».
« En prenant la parole aujourd’hui, je suis habité d’une conviction profonde : l’unité dans la diversité est la clé pour garantir la paix, le développement durable et la dignité humaine pour tous, partout dans le monde. Ce thème de la présente session, qui guide nos discussions, nous invite à repenser nos responsabilités collectives, et à nous assurer que les principes fondateurs des Nations Unies, définis il y a près de huit décennies, continuent de porter la promesse d’un monde plus juste et plus équitable ». Pure dialectique de gauche. Diomaye est sans complaisance. Même si le « Projet » se veut sans idéologie il va à gauche.
Mais peut-on seulement s’en étonner ? Il suffit de voir les « sages » du parti blanchis sous le harnais socialiste, voire marxiste, pour s’en convaincre. Ce qui n’a en rien de mal pour autant, même si on aurait aimé Diomaye à Droite.
Mais restons sur le discours. Il est magistral, sonnant de vérités crues devant des yeux regardant sans fond une imposition inacceptable de civilisations unilatéralistes. Il fallait oser et Diomaye l’a fait. Quel culot !
« Il est nécessaire de rompre avec toute tentative d’imposition de normes civilisationnelles unilatérales. Depuis son indépendance, le Sénégal a toujours défendu l’égale dignité des cultures et des civilisations, et cette diversité doit continuer à être la base de la coexistence pacifique entre les peuples.
Aucune nation ne devrait imposer aux autres ses pratiques ou ses valeurs comme des normes universelles. Le respect des différences est le fondement de la paix et de la stabilité dans le monde ».
Dans le blanc des yeux, sans complexe aucun, Diomaye fait tomber le masque du consensus mondial autour d’un unilatéralisme hors norme, totalement aux antipodes des cultures et valeurs africaines. Le continent noir apprécie, sans aucun doute.
Sans fioriture, sans gants, avec respect tout de même. On ne l’a pas vu venir le Sénégalais du haut de ses 44 piges de vie.
« Nous vivons dans un monde troublé, où les principes de la Charte des Nations Unies, qui prônent l’égalité, la justice et le respect des droits humains, sont chaque jour mis à mal.
Les conflits s’étendent, les inégalités se creusent, et les
crises climatiques aggravent la vulnérabilité de millions de personnes à travers le monde. De surcroit, nous assistons à une remise en cause inquiétante du multilatéralisme, à un moment où l’humanité en a le plus besoin. Le monde doit se regarder en face, sans complaisance. Les valeurs que nous avons juré de défendre sont piétinées dans plusieurs régions du globe ».
L’hypocrisie mondiale en prend pour son grade. Tant pis et tant mieux. Il fallait bien que quelqu’un vienne donner un coup de pied dans la fourmilière et c’est venu du côté du Sénégal. Voilà comment on confirme son statut de « nation de démocratie » sur la scène internationale. Discours ne pouvait être plus adroit et intelligent que celui-ci. Dire ses vérités du haut de la bienséance de son élection. Porté au pouvoir par les urnes. Il a la légitimité de parler et de dire les choses, même celles qui dérangent.
« Que l’on soit à Gaza, à Tel Aviv, à Dakar ou ailleurs, chaque être humain est porteur de cette égale dignité, une dignité qui transcende les frontières, les cultures et les appartenances religieuses. C’est notre devoir à tous de veiller à ce que cette dignité soit protégée et respectée pour chaque être humain, sans exception.
Ce devoir est l’essence même des Nations Unies. Pourtant, nous constatons chaque jour que le droit international, ciment de la paix mondiale, est souvent violé. Des résolutions adoptées par cette même Assemblée sont ignorées. En tolérant ces violations répétées, nous foulons aux pieds les principes de la Charte des Nations Unies et sapons les fondements mêmes de cette Maison de la paix.
Jamais les fondements des Nations Unies n’ont autant vacillé qu’en ces temps de violence, de peur et d’incertitude. Si nous voulons éloigner le spectre de la guerre et œuvrer à l’avènement d’un monde meilleur, alors il est temps de changer de paradigmes. ». New York, Tel Avivl le monde entier a entendu. Suffit le massacre. Ne sommes-nous pas civilisés ? Retour à l’envoyeur. Diomaye invite le monde à regarder ses pieds et à leur demander où nous mènent-ils.
« Il est temps de remettre l’humain au centre de l’agenda international, comme nous y invite le thème de cette session. »
« Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la tragédie qui se déroule dans le Sahel. Des groupes terroristes sèment la terreur, pillent et tuent des populations civiles innocentes.
Cette région, autrefois stable, est désormais en proie à une violence quotidienne, tandis que les Nations Unies, et particulièrement le Conseil de sécurité, restent trop souvent inertes.
De même nous ne pouvons pas accepter que le Sahel devienne le théâtre de rivalités de puissances étrangères, dont les affrontements ne font qu’aggraver la déstabilisation de la région.
Je dois rappeler ici que la paix et la sécurité de l’Afrique sont indissociables de la paix mondiale, et il est impératif que le Conseil de sécurité remplisse pleinement son rôle en tant que garant de la stabilité internationale.
J’exprime à nouveau la préoccupation du Sénégal face à la situation tragique qui perdure en Palestine. Des générations entières y ont grandi sous l’ombre de l’oppression, privées de leur droit fondamental à un État viable. »
Peut-on parler de paix quand guerre et terrorisme menacent peuples et économies palestiniens, africains, et autres populations rendues vulnérables par la mondialisation à plusieurs vitesses, non inscrite sur le registre de l’humanité.
Remettre l’homme au centre des décisions et soutenir le processus du développement des peuples et nations par ceux-là qui ont compris l’environnement global et précipité le réchauffement climatique.
Diomaye ne s’en arrête pas là. « Nous réitérons notre soutien à la solution des deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies.
Cette guerre, qui n’épargne ni femmes, ni enfants, ni infrastructures vitales, est une plaie ouverte sur la conscience internationale. Il est impératif que le droit international humanitaire soit rétabli dans toutes les zones de conflits, et que les Nations Unies jouent pleinement leur rôle de médiateur et de garant de la paix.
La paix, ce n’est pas seulement l’absence de guerre. La paix, c’est aussi la possibilité pour chaque être humain de vivre dans la dignité, de se nourrir, de se loger, de s’éduquer et de recevoir des soins.
Or, aujourd’hui, plus de 750 millions de personnes ne mangent pas à leur faim, et des millions basculent chaque jour dans l’extrême pauvreté. Ces chiffres éloignent de plus en plus le monde des Objectifs de Développement Durable fixés pour 2030.
Nous ne pouvons plus accepter que les mécanismes de gouvernance mondiale continuent de reproduire ces inégalités. Il est temps de rompre avec la logique du chacun pour soi et de bâtir un nouveau contrat social global, fondé sur la solidarité et la coopération.
Ce contrat doit inclure des réformes majeures pour s’attaquer aux défis politiques, économiques et environnementaux de notre époque. »
Il n’y pas l’ombre d’un doute. Diomaye a tapé fort et là où ça fait mal. Mais surprend-il seulement l’homme de gauche ?
Maderpost / Charles Faye