D’ici 2050, la moitié de la population mondiale sera myope. En France, 20% des enfants jusqu’à 18 ans et 37% des adultes sont touchés par ce trouble de la vision, d’après une vaste étude épidémiologique, menée par le CHU de Poitiers en 2016.
MYOPIE – Dans cette boutique de Créteil, dans le Val-de-Marne, les enfants atteints de myopie sont de plus en plus jeunes : 6 ans en moyenne, contre 10 il y a encore quelques années. Lyne a 3 ans et demi et une myopie qui progresse très vite. « J’ai été un petit peu surpris, car je ne l’ai jamais remarqué à la maison. À cet âge-là, c’est quand même un peu dur la myopie, et surtout cette correction », confie Yassine Ameur, le père de la fillette, au micro du 20H de TF1.
Comment expliquer cette explosion, parmi les jeunes enfants ? « On parle beaucoup d’hérédité mais malheureusement ce n’est pas qu’héréditaire. Il y a des enfants myopes dont les parents n’ont pas du tout de correction », explique Lauren Aidan, opticienne responsable des boutiques Optikid.
Le nombre de myopes a doublé en France en 20 ans. Les chercheurs s’accordent sur le fait que le trouble est favorisé par l’augmentation du temps passé en intérieur, le manque d’exposition à la lumière naturelle ou encore une sollicitation excessive de la vision de près, notamment sur les écrans ou les livres.
Des études cliniques encourageantes
Devant ce phénomène inquiétant, les fabricants de verres s’attèlent à trouver une solution. En France, des verres dits de « freination » de la myopie, sont commercialisés depuis environ deux ans. Ils utilisent des technologies intégrées qui permettent de corriger le trouble visuel mais aussi de freiner son développement chez les enfants ayant une myopie évolutive.
Une étude parue début avril dans la revue Scientific Reports s’est penchée pendant six ans sur une cohorte d’enfants portant les verres « Miyosmart » fabriqués par le japonais Hoya. Elle conclut qu’il y a bien un ralentissement de la myopie et qu’il n’y a pas d’« effet rebond » à l’arrêt du verre. Plusieurs études cliniques ont aussi démontré l’efficacité des verres « Stellest » du français EssilorLuxottica, soulignant notamment qu’ils ont évité la perte de plus d’une dioptrie de myopie en moyenne sur trois ans.
Essilor nous a justement ouvert exceptionnellement ses portes. « On est ici dans le plus grand laboratoire de recherche en ophtalmique au monde, avec plus de 300 chercheurs », détaille Guillaume Giraudet, responsable recherche et développement myopie à Essilor.
Ces verres nouvelle génération s’appuient sur une technologie innovante. Ils sont équipés d’une constellation de microlentilles qui visent à corriger l’hypermétropie périphérique, caractéristique de l’œil myope, et ainsi ralentir la progression de la myopie. « Il y a plus de 1000 petites lentilles, qui vont parler à l’œil de l’enfant pour lui dire qu’il faut ralentir la croissance anormale qui est présente dans la myopie progressive », ajoute Guillaume Giraudet.
Sont-ils pour autant efficaces ? En France, 240 enfants et adolescents participent à une étude pour tester ces nouveaux verres. Angèle 14 ans, dont la myopie est handicapante au quotidien, les teste depuis un an. C’est le jour du verdict chez l’ophtalmologue. « Sa myopie n’a pas évolué de manière fulgurante, il y a juste une toute petite modification mais aurait peut-être été plus importante s’il n’y avait pas eu ces lunettes-là », explique le docteur Gilles Martin, ophtalmologue à l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild.
« Favoriser les activités de la lumière naturelle »
Les experts continuent toutefois à prôner les bons réflexes : « Favoriser les activités en extérieur, à la lumière naturelle, deux heures par jour. Lorsqu’on est devant un écran ou un livre, faire une pause toutes les 20 minutes en regardant au loin pendant 20 secondes ». Des actions qui peuvent « déjà beaucoup agir sur la myopie », assure l’ophtalmologue.
Freiner la myopie, notamment chez les enfants, reste important, car le trouble de la vision peut entraîner des complications, voire des pathologies plus graves. « Cataractes, glaucomes et décollements de rétine sont plus fréquents chez les myopes. Pour les myopes les plus sévères, il y a un véritable risque de cécité », souligne le Pr Ramin Tayadoni, responsable de l’institut français de la myopie, à l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. « 80% » d’entre eux risquent de perdre la vue au cours de sa vie.
Seul hic de ces nouveaux verres : le prix, autour de 400 euros la paire, soit un surcoût par rapport à des verres correcteurs classiques, plus ou moins bien pris en charge selon les mutuelles. Un meilleur remboursement est actuellement étudié par les autorités de santé.
Maderpost / TF1 / N. Pellerin / K. Bétin