Les opérations de déminages avançant à grands pas en Basse Casamance démontrent des velléités du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC), des populations et l’État, de converger vers une dynamique de paix dont l’issue fera de la région non seulement le poumon vert du pays, mais encore un cœur agricole et moteur agroalimentaire avec un port secondaire important.
CASAMANCE – Avril 2024. Le pèlerinage vert entamé en Casamance, notamment Oussouye, Cap Skiring, Cabrousse, Santhiaba Manjack, Essaout et ailleurs, s’arme de prière profonde et silencieuse pour un retour définitif de la paix dans ce joyau naturel que constitue la région.
De fortes sensations font croire que l’espérance est au bout du tunnel, après de longues attentes à rebondissements, souvent entretenus, soutenus par ce que d’aucuns n’hésitaient pas à appeler le « business du conflit casamançais ». Mais les choses sont en train de changer. La paix n’est plus une vue de l’esprit.
L’arrivée des nouvelles autorités à la faveur de la présidentielle de mars 2024, l’élection à la mairie de Ziguinchor en 2022 et la nomination à la primature en avril 2024 de l’enfant terrible de Bessire (Bignona, Sud) Ousmane Sonko, plus les démarches soutenues du Comité de veille pour le déminage et la paix en Casamance ne sont pas étrangères à ce ressenti. Quand bien même des véhicules militaires montés de mitrailleuse circuleraient à Oussouye, dans le calme.
La paix se sent, elle est palpable. Ce d’autant que des discutions ne manquent pas. Entamées qu’elles sont par des hommes de paix, sans statut aucun, « avec tous les acteurs de la crise casamançaise », dans ce que l’on décline en trois axes. La sincérité respire dans le premier axe, se touchant dans ce « Comité de veille » pour le déminage. Dans sa ligne de mire : la réouverture du Parc National de Basse Casamance (PNBC) d’une superficie de 5000 hectares fermé depuis 1993, à la suite d’une attaque meurtrière du MFDC ayant fait 2 morts du côté des agents du parc, et le retour à la vie, à grand air, à Santhiaba Manjack où nous sommes allés.
On n’est pas dupe pour autant. La paix se discutant n’écarte pas la conscience d’autres enjeux, tels la culture et le trafic de chanvre indien ou encore la coupe de bois illicite ; le bien-être des populations casamançaises, en attente d’eau potable, d’électricité, de routes dignes de ce nom, de structures de base, d’emplois, de connexion à Internet ; bref d’intelligences politique, économique, sociale, culturelle, sportive ; de déminages d’abord, de réinsertion ensuite. Mobilisations et plaidoyers meublent ce premier axe.
Concernant le deuxième axe, le Comité de veille « sensibilise sur ces questions » et « sollicite des avis sur les mécanismes » à proposer aux nouvelles autorités.
En effet, les données collectées finalisent « un mémorandum » dont le Président Bassirou Diomaye Faye a eu la primeur.
En réalité, l’avenue Roume fait de la région naturelle de Casamance une priorité, à telle enseigne qu’elle suit de près les « mobilisations sociales à travers les rencontres avec les villages tenant compte de toutes les diversités ». Selon nos sources, Roume a compris que seules les « populations peuvent finaliser le processus de par leur engagement » dans la foulée des plaidoyers et mobilisations des villageois.
Ainsi, apprend on que le troisième axe « centré sur la capitalisation d’expériences scientifiques à travers l’organisation de forums, de conférences, colloques sur la crise casamançaise dans les universités, écoles, espaces communautaires et villageois » attend des « autorités attentionnées » une « feuille de route » pour la Casamance.
Operations de déminage
Ces ENT et déminages menées par MAG avec le concours de Handicap International se déroulant sous l’autorité du Centre National d’Action Antimines du Sénégal (CNAMS) dans les communautés devraient renseigner, dans un premier temps, sur la démarche communautaire entamées avec les villageois en vue d’identifier les zones suspectes. Une étape importante avant d’arriver à la dépollution proprement dite par l’équipe de dépollution Handicap International.
Lors de la 20e Assemblée des États parties à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction tenue du 21 au 25 novembre 2022 à Genève en Suisse, le Sénégal faisait cas de l’insécurité et des enlèvements, du retrait des partenaires techniques et financiers et de l’insuffisance des ressources financières pour expliquer les difficultés rencontrées dans le processus du déminage.
D’ailleurs, concernant les réalisations de déminage, le Sénégal en était en novembre 2022 à 1 996 775 mètres carrés ; à 490 localités pour les ENT ; à plus d’un million de personnes touchées à travers les séances d’éducation, de formations et media de masse et à 2109 acteurs formés.
Il restait à déterminer l’ampleur de la contamination. Cent dix-huit (118) localités n’avaient pas encore été visitées en 2022 par les ENT, notamment Oussouye, Ziguinchor, Bignona. 9 zones attendaient d’être édifiées par les ENT.
Le chronogramme 2022-2023 indiquait la dépollution de toutes les zones minées. A savoir 37 zones minées dont la taille était connue : 491 086 mètres carrés. En plus des zones identifiées à l’issue des enquêtes non techniques. La totalité des superficies estimées était de 1 700 000 mètres carrés.
Quant au chronogramme de 2022-2025, il faisait état de l’assurance de la gestion de qualité, de la mise en œuvre des procédures et règles encadrant les opérations, d’amener les populations évoluant dans les localités contaminées à adopter des comportements sûrs, à mener des activités, à former des acteurs.
Les perspectives 2026 laissaient ainsi entrevoir des opérations de sécurisation, des démantèlements de bases du MFDC, à Sindian et Nyassia notamment. A la possibilité de déploiement des équipes dans les zones sécurisées. Au financement avec le retour de l’Union européenne en association avec Handicap International pour un montant de 1,5 milliard FCFA, de l’accompagnement constant des USA, de la Contribution nationale de 1,5 milliards FCFA pour le fonctionnement.
Le budget exprimé sur 5 ans étant de 3 586 140 853 FCFA.
Du point de vue technique, l’arrivée du MAG sur financement propre, la poursuite des ENT et le renforcement des capacités du Centre National d’Action Antimines du Sénégal complétaient le tableau.
En 2024, les choses s’accélèrent sur le terrain avec le démarrage des ENT et le concours du MAG et Handicap International dans la foulée dans le village d’Essoukoudiack, Santhiaba Manjack
Les zones suspectes par le CNAMS dans la partie Sud-Ouest de la Basse Casamance à Djirack sont de l’ordre de 9.
4 villages suspects sont au programme de l’enquête pour déterminer le statut à savoir Santhiaba manjack, Ering, Essoukoudiack et l’aire du PNBC.
À Niassya, le déminage est presque fini avec les villages suivants : Mahmouda, Katouré Boffa Bayotte, Bouhouyou.
A Boutoupa Camaracounda, MAG a fini avec les ENT. Reste le déminage qui devrait démarrer dans les villages Bindialoum Manjack, Bilass, Mandina Manjack, Guidel Babadinka, Niafena.
Les enquêtes prendront fin en principe dans 3 mois pour laisser place au déminage avec le CNAMS.
Vers l’ouverture prochaine du Parc national de la Basse Casamance ?
Fermé depuis 1993 à la suite de l’attaque du MFDC ayant fait 2 morts dans les rangs des agents de parc, le PNBC dont la superficie de 5000 hectares donne vie aux volets faune, flore et un cours fluvial fait peine à voir. Une bonne partie des animaux a été décimée par les braconniers qui y chassent encore.
S’y rendre relève de risque. D’abord parce que toute visite est interdite, ensuite parce qu’on peut y rencontrer des braconniers ou sauter sur une mine antipersonnel. Mais le détour en vaut la chandelle. Le PNBC, selon une source, est une promesse, un champ de potentialités immenses touristiques, sociales, scientifiques, thérapeutiques
Pour que le parc redevienne ce qu’il fut afin de s’offrir à la visite nationale et internationale, il va falloir que le tandem Bassirou Diomaye Faye/Sonko déblaie les chemins obstrués par d’imposantes lianes ; restaure les miradors disparus ; en finisse avec les mines, même si des signes et symboles sur les arbres indiquent des itinéraires sécurisés ou potentiellement minés.
Ce parc naturel auquel on accède par pirogue à partir du bolong d’Essaout jusqu’au débarcadère toujours fonctionnel sur sa façade des miradors oiseaux, ou encore par la grande porte via les villages d’Emaye et Effock et d’autres passages clandestins connus des chasseurs, bandes armées, pêcheurs, trafiquants divers, s’impose majestueusement au nouveau Sénégal.
« Ce Parc n’est plus dangereux contrairement aux opinions admises. Il suffit que l’État assume ses responsabilités pour déminer et l’ouvrir », nous dit une source.
Maderpost / Charles Faye