Le limogeage du Directeur général de Dakar Dem Dikk, hier mercredi, survenu après une sortie musclée contre le troisième mandat qui serait un «coup d’Etat constitutionnel», a fait l’objet de beaucoup de débats. Sans jamais révéler ses véritables dessous…financiers.
LIMOGEAGE – C’est tombé au moment où tout le monde, ou presque, s’y attendait. Surtout après la déclaration énergique de Me Moussa Diop à l’émission Sen Show de la Sen TV. Porté par sa fougue et sa liberté de ton, l’avocat inscrit au barreau de Bobigny (France) a déclaré en substance, que le troisième mandat est un coup d’Etat constitutionnel.
Un crime de lèse-majesté sous le règne du Président Sall qui, depuis sa réélection en 2019, est resté intransigeant sur un point du débat politique : interdiction formelle de dire qu’il ne peut pas briguer un troisième mandat.
«Je ne tolérerai plus qu’on nous impose ce débat futile. Nous avons été élus il y a quelques mois, on n’a même pas terminé la mise en place des institutions. Ce débat du troisième mandat n’a aucun sens», avait déclaré le chef de l’Etat. Une sorte de ligne rouge que le Directeur général de Dakar Dem Dikk (DDD) a franchie à ses dépens.
400 millions à Senac
Mais dans le limogeage de Me Moussa Diop, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles n’y paraissent. Il faut d’emblée démêler les écheveaux, replacer les choses dans l’ordre exact où elle se sont inscrites.
Pour comprendre ce qui a été fatal au boss de Dakar Dem Dikk, il faut (re)plonger dans les problèmes financiers de la société de transport. Comme beaucoup d’autres entreprises nationales, celle gérée par Me Moussa Diop a vu ses difficultés de trésoreries aggravées par l’effet du Covid-19 sur l’exploitation. Ce qui aurait même fait l’objet d’un rapport dont le chef de l’Etat a reçu copie.
Les premiers signes d’essoufflement financier de DDD sont apparus au public avec la décision prise par la Senac de désactiver les badges «Rapido» des bus de la société de transport à partir du 1er juillet 2020.
Une mesure prise en raison d’une facture impayée qui tourne autour de 400 millions FCfa.
Dans son édition du même jour, L’Observateur révélait que DDD devrait environ 400 millions FCfa à la société concessionnaire bien avant le début de la pandémie du Covid-19 et ne parvient manifestement pas à honorer cette dette, en dépit de maintes relances et facilités accordées par la Senac, notamment des moratoires convenus et non respectés par Ddd.
Mais, d’après des informations de L’Observateur, la créance due à la Senec est la face visible de l’iceberg des dettes que DDD doit à ses fournisseurs. L’on confie que la société éprouve d’énormes difficultés pour se procurer du carburant à cause des factures non honorées.
Il serait arrivé que des bus ne circulent pour défaut de carburant. Pourtant, l’on reconnaît à Me Moussa Diop la capacité de développer un système de transport opérant avec de nouvelles dessertes aussi bien à l’intérieur du pays que dans certains pays de la sous-région, mais les indicateurs étaient à un niveau de dégradation très avancé. Même certaines banques avaient refusé de rallonger les prêts.
Environ 700 millions pour les salaires
Ces problèmes que rencontre la société pourraient être liés, d’après des administrateurs, à des charges très lourdes. C’est le cas avec les salaires qui nécessitent environ 700 millions FCfa par mois pour les 3 000 employés de la boîte.
Un effectif qui a cru ces dernières années à presque d’un tiers. Ce qui fait que DDD a largement dépassé le ratio de 6 agents pour un véhicule. La taille du personnel a des conséquences financières énormes sur les charges sociales que la société peine à supporter.
Déjà, dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle 2021-2023 publié par le ministère des Finances au mois de juin 2020, Dakar Dem Dikk a été citée dans le lot des entreprises publiques et parapubliques qui accumulent beaucoup de retards de paiements des cotisations sociales dues.
«La dette de ces entreprises publiques estimée à plus de 30 milliards FCfa, reste difficilement recouvrable à cause de l’immunité d’exécution dont elles jouissent, ce qui plombe ainsi les différents moyens de recouvrement dont dispose l’institution», lit-on dans le document.
Si l’on est arrivé à cette situation, c’est parce que la société a souffert d’un manque d’entretien et de maintenance des bus. Avec un parc automobile d’environ 700 bus, seuls 30% sont opérationnels.
Le défaut de pièces de rechange a maintenu des centaines de véhicules dans les garages.
Une situation pourtant longtemps décriée par les syndicalistes. Ce qui a même favorisé l’installation d’un climat social délétère. Et sur quoi, le chef de l’Etat serait appuyé pour éjecter Moussa Diop de son fauteuil de Directeur général de Dakar Dem Dikk, après sa déclaration sur le troisième mandat.
Maderpost / Igfm / Jules Souleymane Ndiaye