A lire l’article d’IGFM sur la coupe de bois en Casamance et selon lequel l’Armée sénégalaise et les eaux et forêts ont, depuis mercredi 4 juin, décidé de conjuguer leurs efforts pour mettre fin aux pillages des ressources forestières dans la région sud du pays, on se demande si l’on se moque pas des Sénégalais qui entendent la même rengaine depuis des lustres sans que rien n’est changé.
TRAFIC – Le Directeur des Eaux et Forêts, Chasses et de la Conservation des Sols le Colonel-Major Baidy Ba et le Colonel Commandant de la Zone militaire N°5, le Colonel Souleymane Kandé se sont entretenus, dans les locaux du COMZONE pour définir visant à mettre définitivement fin aux pillages des ressources forestières en Casamance, renseigne IGFM.
“Nous avons tenu une réunion hier avec le Colonel Commandant de la militaire N°5, le Colonel Souleymane Kandé et son staff. Cette rencontre a été pour nous, une occasion pour faire l’état des lieux sur le terrain et de peaufiner ensemble des stratégies pour mettre fin définitivement à cette coupe abusive et trafic de bois en Casamance”, a révélé le Colonel-Major Baidy Ba, dit IGFM.
Le Directeur des EFCCS soutenant pour sa part toujours selon iGFM : “Nous sommes aujourd’hui rassurés que grâce à cette conjugaison de nos efforts, nous allons barrer la route à ces ennemis de la nature, ces pilleurs de la forêt pour mettre fin à l’hémorragie. Il y a un engagement sans faille des autorités militaires, des hommes de troupes et l’Etat avec au premier rang le Président de la République”, .
Dans cette partie sud du pays, la forêt est dévastée et les adjectifs et les superlatifs ne manquent pas pour décrire l’ampleur du trafic du bois et ses conséquences sur l’économie régionale en particulier et nationale d’une manière générale, relate le site qui avait publié une enquête qui avait à son tour fait sortir de ses gonds le Président Macky Sall dont les ordres donnés aux ministères concernés avaient une forte incidence politique en Gambie, notamment à la dernière présidentielle gambienne perdue par Yaya Jammeh.
Quelques années après, comme toujours, après une série d’articles sur la coupe de bois en Casamance, les mêmes intentions reviennent. “
Il y a une ténacité féroce des agents des Eaux et Forêts et l’Armée, les forces de défense et de sécurité pour barrer la route aux trafiquants, aux ennemis de la forêts”, soutient le Colonel-Major Baidy Ba, déplorant selon IGFM que le bois coupé au Sénégal soit déporté dans les pays voisins comme la Gambie où sont installés depuis belle lurette des Chinois qui l’exportent vers d’autres pays.
“Nous sommes plus que jamais déterminés car, le Sénégal ne peut plus continuer à perdre ses ressources naturelles”, a conclu le Directeur des EFCCS.
Problème, ces redites témoignent soit de l’incapacité du Sénégal à préserver ses biens et son environnement, soit alors d’une grande mafia qui ne dit pas son nom et dans laquelle beaucoup s’en mettre les poches.
L’éternelle même rengaine des autorités sénégalaises
Vendredi 19 juin 2018, 48 heures après la diffusion du communiqué du conseil des ministres, du mercredi 17 janvier 2018, dans lequel, le Président de la République demandait au gouvernement de suspendre jusqu’à nouvel ordre, toutes les autorisations de coupe de bois et de procéder sans délai à la révision du Code forestier, écrivait alors Dakaractu.
Le Ministère de l’Environnement et du Développement durable, lui enjoignant tenait un point de presse au cours duquel il expliquait aux journalistes l’entendement qu’il fallait avoir de ces deux grandes mesures prises par le Chef de l’Etat.
Le Ministre de l’Environnement et du Développement durable, disait alors qu’il fallait
“sacrifier au devoir et à l’obligation d’informer juste et vrai”. Après s’être incliné devant la mémoire des disparus, Mame Thierno DIENG “heurté “par le carnage et la brutalité de ces actes innommables, perpétrés par des bandes armées dans la forêt de Boffa Bayotte, soutenait que le Président Macky Sall avait
“manifesté son sens de la responsabilité dans cette affaire, qui soulève les enjeux de contrôle des ressources naturelles”.
Il parlait alors de deux directives évoquant la finalisation, “sans délai”, du Code forestier et l’interdiction de délivrance de permis de coupe.
Selon le Ministre, le nouveau Code forestier n’avait pas intégré le contexte actuel avec l’intensification de l’exploitation illégale du bois, mais également, les avis de la cour suprême.
“Il s’agit d’une question de sécurité et de souveraineté nationales. A cet effet, il faut être plus dissuasif et aller dans le sens de durcir les peines. L’actuel Code connait des limites, par conséquent, il faut prévoir de nouveaux délits aggravés concernant le trafic international de bois et l’association de malfaiteurs portant sur le trafic de bois”, disait le ministre.
Retenons tout de même que la suspension de toutes les autorisations de coupe de bois relevaient
“d’une mesure transitoire dans l’espace et le temps”. Certains acteurs soucieux de l’approvisionnement des villes en combustibles domestiques et autres produits, s’en étaient inquiétés redoutant que ces mesures ne s’appliquent exclusivement, qu’à la région de la Casamance naturelle. Autant enfoncer une porte ouverte.
Ainsi l’arrêté portant organisation de la campagne d’exploitation forestière de l’année 2018 intègrera les nouvelles dispositions avec une campagne durant 10 mois, mais ne devant concerner pas les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda.
Seules, les régions de Tambacounda et Kédougou étaient concernées.
Le même Colonel Baidy Ba, Directeur des Eaux et Forêts, présentait le bilan très satisfaisant de la campagne nationale d’exploitation forestière 2016-2017, notamment les réalisations dans la région de Casamance.
“C’est un miracle que d’avoir de tels résultats, tant les moyens sont faibles et le terrain difficile dans cette région”, laissait-il entendre.
Plus de deux ans après nous parlons encore de coupe de bois.
Le pillage sino-gambien
Mais ce n’est pas qu’à Médina Yoro Foulah, dans le Fouladou que prospère le trafic illicite de bois. A Ziguinchor où on aime moins le bois de vène, on se tourne vers les trafiquants qui préfèrent le caïlcédrat (khaya senegalensis), comme cela se produit dans la région de Kolda, le département de Bignona et sur l’axe Diouloulou-Sindia. Implacables et impitoyables avec les arbres les trafiquants peuvent bénir la rébellion qui leur facilite le job.
Dans les zones où se trouvent les bandes armées, les trafiquants sont de connivence avec les mouvements rebelles. Cette situation est visible tout le long de la frontière avec la Gambie, écrivait Sud Quotidien.
Dans la région de Ziguinchor, le caïlcédrat, ce grand arbre, géant aux vertus thérapeutiques, reste l’espèce la plus prisée. Mais, à cause donc de cette insécurité, les agents des Eaux et forêts ne peuvent pas accéder aux zones de coupe. Le Commandant Djimanga Diédhiou informe, toutefois, qu’ils sont souvent appuyés dans la lutte par les forces militaires pour installer la peur chez les braconniers et trafiquants.
L’implication de la Gambie dans le trafic de bois en provenance de la Casamance n’est plus à démontrer soutenait le quotidien. Indiquant qu’à Ziguinchor, l’inspecteur régional des Eaux et forêts, Djimanga Diédhiou se désolait de la situation.
“Les trafiquants cachés dans ce pays sont souvent de connivence avec les bandes armées. De ce fait, ils achètent le bois coupé illégalement par ses hommes de la forêt. L’insécurité aidant, les agents des Eaux et forêts ne parviennent pas à accéder aux zones de crime. Aussi, la porosité des frontières et l’absence de contrôle au sortir du territoire sénégalais aidant, le bois se retrouve facilement entre les mains des chinois installés au pays de Yahya Jammeh”, écrivait Sud Quotidien.
La situation était d’autant plus critique que la falsification des permis de circulation du bois avait bonne pratique, rendant encore plus complexe la lutte contre le fléau.
En Gambie, tout comme du côté des rebelles, était délivré des faux permis de circulation (estampillés Sénégal) aux trafiquants. Le journal écrivait que les bandes armées s’activant dans le trafic avaient aussi leur propre sésame attestant de la légalité de la pratique. Le rôle joué par la Gambie dans ce pillage organisé était établi, selon le Commandant Djimanga Diédhiou. Pour s’en convaincre, il n’y avait qu’à voir les plaques d’immatriculation gambienne des camions,arrêtés alors qu’ils étaient en plein convoyage du bois. La zone de fort trafic est l’axe Diouloulou-Sidian, zone situé à quelques encablures de la Gambie était connue de tous.
Comment protéger le bois sans moyens ?
Il fallait voir en 2016 le local qui abritait la Direction départementale des Eaux et forêts de Bignona pour savoir que le gouvernement sénégalais se moquait royalement de tout le mal que subissait la forêt casamançaise qui n’était peut-être pas une priorité.
Faite de banco, la bâtisse résiste difficilement à cause de son âge. Elle est construite depuis l’époque coloniale, écrivait Sud Quotidien.
“De petites pièces constituent les bureaux. Les toilettes sont dans un état qui ne donne pas envie au visiteur de se soulager. La maison d’un des responsables qui loge tout prés des lieux
est, elle aussi, dans un délabrement total.”
“Cette photographie de service départemental en dit long sur le manque de moyen des agents des Eaux et forêts appelés à faire face à cet appareil organisé de déboisement de la dernière réserve forestières du Sénégal, avec la complicité ou implication de la Gambie, deuxième exportateur ouest africain de bois de Vène vers la Chine après le Nigéria”.
“En plus de ce manque de locaux fonctionnels, le commandement régional des Eaux et forêt de Ziguinchor n’a pas suffisamment de véhicules. Chaque département ne dispose que d’une seule voiture pour gérer son périmètre. Donc, face à ces scieries chinoises et mêmes des indiens impliqués maintenant dans ce trafic illicite, aidés par les autorités au sommet de la Gambie, la bataille est encore loin d’être gagnée”, s’en désolait le journal.
Le plan de guerre
5 ans plus tôt, le 1er aout 2011 pour être précisé, sous le magistère du Président Abdoulaye Wade, feu Djibo Leyti Kâ, alors ministre de l’Environnement et de la protection de la nature parlait du « plan de guerre » contre les réseaux internationaux de pilleurs et de trafiquants du bois de Casamance.
“Rien n’a altéré à la détermination des organisateurs de ce trafic vers la Gambie. Le bois des forêts de Casamance continue de remplir des conteneurs envoyés en Chine et Taiwan à partir du port de Banjul”, écrivait Frédéric Tendeng
Le journaliste soutenait que les tapis forestiers du nord de la Casamance faisaient
“l’objet d’un pillage organisé à l’échelle de la sous-région”.
“La complicité des populations autochtones favorise l’infiltration d’hommes d’affaires gambiens et étrangers qui financent le pillage à destination de Banjul où se trouvent des filières chargées de l’exportation vers la chine et Taiwan. Des élus locaux de cette partie du pays cèdent à la vue des billets de banque des pillards de la forêt au mépris de l’équilibre de l’écosystème.”
“Et le conflit armé vient porter l’estocade. Les massifs forestiers lâchent leur dernier souffle alors que le désert menace. La réalité se fait plus terrifiante à la vue du nombre de camions chargés de troncs d’arbres de Casamance traversant la frontière chaque jour pour se rendre en Gambie. Du nord-ouest de la Casamance jusqu’à Sédhiou, toutes les forêts n’échappent plus à la furie des tronçonneuses qui déciment le plus grand poumon vert du Sénégal. Les arbres son coupés avec la complicité des populations, des rebelles du Mfdc et des élus locaux.”
Déjà en 2011, on parlait de la filière transgambienne. Pour dire que la coupe de bois et le problème qu’il est ne date pas d’aujourd’hui. Les différentes administrations qui se sont succédées ont été confrontées au même problème sans jamais les avoir réglées. Pourquoi ?
Selon Tendeng, de l’ouest à l’est de la partie sud de la Gambie, les villages de Dimbaya, Darsilami, Ormortoh, Sutu Sinjang et Alla Kunda constituaient, entre autres points, les escales nocturnes des camions qui transportent nuitamment le bois en provenance de la Casamance.
Le bois était ensuite “
acheminé dans les scieries appartenant à des étrangers dont des Occidentaux et des Chinois et qui pullulent à Serrekunda dans des quartiers comme Tallinding, Churchill’s Town, Latrikunda, Bundung et Abuko”. soutenait Tendeng.
“A partir de ces scieries, le bois casamançais est chargé dans des conteneurs à destination de la Chine et de Taiwan. En tout, c’est une filière bien organisée qui rapporte un gros chiffre d’affaire aux différents acteurs de ce trafique. L’on se souvient encore de juin 2007 lorsque 12 camions gambiens chargés de bois de veine, une espèce protégée au Sénégal avaient été saisis dans le département de Bignona et dans le périmètre des forêts de Touba à Diouloulou”, expliquait-il.
Rappelant que mes coupables furent condamnés par le tribunal de Ziguinchor à six mois de prison avec sursis. Par la suite et sur ordre du Président de la République du Sénégal Abdoulaye Wade, les camions avaient été convoyés au parc de Hann à Dakar. Ce qui avait provoqué l’ire du président Gambien Yahya Jammeh qui avait déclaré “
si le Président Wade et Sénégal veulent la paix, ils n’ont qu’à libérer mes compatriotes et nous restituer, dans un court délai, les véhicules immobilisés ainsi que leur matériel” .
Or, deux des camions fraudeurs appartenaient à Diakaye et aux hommes du commandant en chef du Front nord du maquis de l’époque, Ismaïla Magne Diémé. Souleymane Ndéné Ndiaye, alors tout nouveau ministre d’Etat, ministre de l’environnement et de la protection de la nature n’avait pas tardé à apporter la réplique. “
Mes connaissances rudimentaires me permettent de dire que le président gambien ne peut pas parler comme ça au Sénégal. Il n’a pas à s’immiscer dans la justice sénégalaise. Nous allons vendre le bois et les véhicules. Notre forêt fait l’objet d’agressions souvent par des individus qui viennent le plus souvent de la sous-région”, avait déclaré M. Ndiaye. Les 12 camions avaient été ensuite libérés sans aucune autre forme d’explication.
“Les activités du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) qui mène une guérilla rurale depuis près de trois décennies pour réclamer l’indépendance de cette partie méridionale du Sénégal et les opérations de ratissage que lance très souvent l’armée dans la zone ont fini d’y installer un cocktail d’insécurité quasi permanent. C’est donc un chèque en blanc tendu aux bourreaux des arbres qui, de fait, squattent les pauvres villages meurtris par des années de conflit armé pour arracher la complicité des riverains, soit par des billets de banque, soit par des produits alimentaires ou tout cruellement par des menaces ostensibles et ostentatoires”, faisait comprendre le journaliste.
Il affirmait qu’un rapport de trois pages établi en mars 2011 par la commission du conseil rural de Kandion Mangana, chargée de la gestion des ressources naturelles et environnementales, et intitulé
“La poudrière environnementale”, décrivait le pillage du couvert végétal comme un génocide des peuplements de surface. “
La communauté rurale de Kandion Mangana sise dans le Nord ouest du département de Bounkiling est une corniche frontalière à la république de Gambie dotée de potentialités énormes ( pastorales, agricoles, (…), forestières). Elle est au bord du chaos écologique à cause de la destruction forestière. Après l’extermination des peuplements de rôniers et des caïlcédras, aujourd’hui, ce sont les espèces appelées vènes qui payent le plus lourd tribut« .
Selon lui, le rapport accablait et chargeait le pays de Yaya Jammeh dans ce pillage «
(… ) “c’est le fait des Gambiens de connivence avec les populations autochtones qui pénètrent dans les forêts casamançaises armés d’engins destructeurs appelés tronçonneuses. Dans les villages gambiens frontaliers à notre communauté rurale que sont Kampassa et Kamamoudou, vous trouverez un spectacle macabre des produits de la forêt en provenance de la Casamance” .
Le document révélait selon toujours le journaliste “
une enquête menée auprès de certains chefs de village nous a permis de déceler que certains conseillers ou responsables au sommet des institutions locales se font passer pour des agents des eaux et forêts uniquement pour s’enrichir sur le trafic de bois« . Et le rapport de conclure «
en menant une enquête judiciaire sur la déforestation dans la communauté rurale de Kandion, on trouvera inéluctablement que les véritables acteurs ne sont personne d’autre que des élus locaux. Et nous sommes prêts à offrir nos services pour dénoncer et débusquer ces criminels”.
Feu Djibo Kâ s’était saisi du dossier et avait menacé de sévir. Neuf ans après, on parle encore de la coupe de bois abusive en Casamance. Est-on sérieux ?
Maderpost]]>
Please follow and like us: