La condamnation à perpétuité de l’ancien président du Tchad, Hissène Habré, montre que les militants des droits de l’homme et les victimes sont capables de “créer les conditions politiques pour traduire en justice les dirigeants qui abusent de leur pouvoir’’, a estimé Reed Brody, avocat américain, conseiller juridique à l’ONG Human Right Watch.
JUSTICE – “Une seule condamnation [de Hissène Habré] ne suffit pas. Heureusement, l’affaire Habré a montré que les militants [des droits de l’homme] et les victimes, avec ténacité et imagination, peuvent créer les conditions politiques pour traduire en justice les dirigeants qui abusent de leur pouvoir”, a-t-il notamment indiqué lundi dans un entretien accordé à l’APS.
L’avocat américain, qui fut l’un des conseillers des victimes du régime de Hissène Habré, réagissait à la suite du retour en prison, dimanche dernier, de l’ancien chef de l’Etat du Tchad.
Habré avait été placé en résidence surveillée pour une durée de 60 jours, dans l’objectif de lui éviter tout risque de contamination par le nouveau coronavirus (Covid-19).
Pour Reed Brody, qui vit actuellement en Espagne, “il appartiendra à la société civile africaine d’utiliser et de brandir le cas Habré pour maintenir leurs dirigeants dans le droit chemin”.
Concernant la question de l’indemnisation des victimes, il a précisé que ses clients n’ont jusque-là reçu “aucun centime’’ de réparation sur les 157 milliards de francs CFA que leur ont accordés les CAE (Chambres africaines extraordinaires) et un tribunal tchadien.
“Les victimes de Hissène Habré ont lutté pendant 25 ans pour le traduire en justice et le faire condamner à Dakar avec ses complices au Tchad. Ces victimes se sont vu accorder 157 milliards de francs CFA par les deux tribunaux. Jusqu’à ce jour, elles n’ont pas reçu un centime de réparation”, a-t-il indiqué.
Selon lui, le fonds fiduciaire de l’Union africaine (UA) mandaté pour rechercher les avoirs de l’ancien président du Tchad et solliciter des contributions volontaires, n’est toujours pas opérationnel, trois ans après sa création.
“L’Etat tchadien, condamné par un tribunal tchadien à verser 37 milliards de francs CFA d’indemnisation à 7.000 victimes, n’a rien payé. Les victimes qui se sont battues pendant des décennies pour obtenir ces jugements, sont obligées de se battre encore pour que ces jugements soient enfin exécutés”, a-t-il expliqué.
L’ancien président du Tchad, qui vit en exil à Dakar depuis les années 1990, a été condamné en appel à la prison à perpétuité en 2017. Il a été jugé dans la capitale sénégalaise, par les chambres africaines extraordinaires (CAE) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité durant son règne au Tchad, entre 1982 et 1990.
Les CAE sont un tribunal créé par un accord entre l’Etat du Sénégal et l’Union africaine (UA) pour connaître des crimes internationaux commis durant cette période.
L’avocat américain, conseiller juridique à Human Right Watch, a expliqué qu’il a décidé de militer dans les organisations de défense des droits de l’homme, pour avoir vu dès le jeune âge, le traitement infligé à ses camarades noirs dans son école publique à New York, aux Etats-Unis.
“Je suis né dans un quartier noir et pauvre de New York et j’étais presque le seul blanc dans mon école publique. Les injustices que j’ai vues, les discriminations contre la population noire, ont été pour beaucoup dans mon choix de militer pour la défense des droits humains”, a conclu l’avocat américain.
Maderpost / APS