Alain Rodrigue Oyono, saxophoniste attitré de la star internationale de la musique, Youssou Ndour, parle de l’impact qu’a eu la Covid-19 sur les musiciens.
CULTURE-Le nouveau coronavirus a durement frappé l’industrie de la musique. Ces huit derniers mois, les musiciens vivant et travaillant au Sénégal, n’ont pu livrer aucun concert; pourtant, les années précédentes, Alain Oyono se rappelle qu’il jouait jusqu’à 200 concerts par an au Sénégal ainsi qu’à l’étranger. “Au moment où le Corona arrive, tout chute et on est obligé de rester à la maison”. Le nouveau coronavirus a aussi frappé et emporté son frère ainé dans la musique, le Camerounais Manu Dibango avec qui il entretenait des relations étroites.
Calme plat pendant huit moisAlain Oyono, saxophoniste camerounais, vit et travaille au Sénégal depuis 6 ans. Lorsque les premiers cas, puis les premières mesures ont été annoncés, ses collègues et lui étaient sûrs que la situation était temporaire car personne n’osait imaginer vivre pendant plusieurs mois sans livrer de spectacles.
‘Youssou (Ndour), c’est mon papa et mon boss’
Avant la pandémie, Alain Oyono dit avoir fait le “tour du monde”: ” C’est ma vie avec Youssou Ndour. Avec lui, je commençais une nouvelle étape de carrière pro où je jouais sur les plus grosses scènes du monde. Cela m’a permis de m’améliorer en tant que musicien”, déclare-t-il.
Du positif dans l’auto-confinement
L’artiste a tout de même avoué qu’il y a eu des points positifs à rester confinés. “Ce coronavirus m’a permis de vraiment réfléchir sur moi-même et pouvoir avoir un peu de temps pour moi. J’étais un peu dispersé entre mes activités avec Youssou, mes activités avec d’autres groupes… ”
Un frère atteint du coronavirus
Un des frères d’Alain Oyono qui vit aux Etats-Unis, a contracté la Covid-19. Aujourd’hui, il est guéri mais le musicien dit avoir été très affecté par la nouvelle.” Ce sont des moments durs que j’ai vécus. Mon frère m’appelle et il me dit : “je suis malade”. Pendant plusieurs semaines, je n’ai pas voulu croire que c’était le coronavirus”, raconte-t-il. “J’ai arrêté de suivre les informations parce que non seulement je vivais dans le stress mais je n’étais pas en paix. Ça m’a heurté physiquement et mentalement”, avoue-t-il.
Le départ de Manu m’a laissé un goût amer
Alain Oyono et Manu Dibango sont tous les deux saxophonistes et camerounais, mais au-delà de cela, ils avaient développé des liens étroits et solides. L’artiste avoue qu’il a été ébranlé en mars dernier, lorsqu’il a appris la mort de la star mondiale de la musique, connu pour être le précurseur de la World Music. ” Le départ de Manu m’a laissé un goût amer parce que je me dis qu’on ne lui a pas, surtout en ce qui me concerne en tant que musicien, donné assez d’honneur. Le départ de Manu, nous as tous affectés”, déclare-t-il. Il décrit ce deuil comme un moment de réveil qui lui a indiqué qu’il était temps de pleinement se lancer en tant qu’artiste solo, notamment en finalisant son album. ” J’aurais aimé avoir fini mon album et lui dire papa Manu, voilà !”, dit Oyono. Alain Rodrigue confie que c’est en entendant Manu Dibango jouer, notamment avec des mélodies comme celles du dessin animé Kimbo, qu’il a commencé à rêver de jouer du saxophone de manière professionnelle et surtout de produire des mélodies africaines avec cet instrument. Mais les deux artistes ne se sont rencontrés qu’en 2008, lorsque Manu Dibango fait appel à lui pour l’accompagner dans le Nord du Cameroun pour un événement culturel
Quel avenir pour le monde de la musique ?
” Aujourd’hui, on devrait être emmené à avoir plusieurs métiers. C’est le monde dans lequel on évolue qui est de plus en plus exigeant”, explique Alain Oyono. Le saxophoniste pense aussi que les musiciens devraient se réunir dans un syndicat, car le système des droits d’auteurs quoi qu’honorable ne suffit pas, selon lui, à faire face à ce genre de situation. Il estime aussi que les gouvernements auraient dû penser à accompagner les musiciens lorsqu’ils ont pris les décisions de confinement ou d’interdire les rassemblements en réponse à la crise sanitaire.