La demande de l’intensification du programme de phosphatage des sols demandée par le Premier ministre Ousmane Sonko dans le lot des 23 décisions prises de concert avec des membres du gouvernement lors du Conseil international consacré à la préparation de la campagne de production agricole 2024 en fin de semaine dernière peut-elle se passer sur le plan industriel d’une reprise en main des Industries chimiques du Sénégal (ICS) ou renégociation des accords avec le principal actionnaire Indorama dont le Pdg Prakash Lohia récemment à Dakar ou encore de la recherche agronomique et du bio qui se présente comme une véritable aubaine pour l’Afrique ?
AGRICULTURE – L’intensification du programme de phosphatage des sols demandé par le chef de gouvernement confirme l’une des problématiques de l’agriculture nationale à savoir la fertilité des sols et leur fertilisation en dépit des Industries chimiques du Sénégal qui auraient pu et dû, d’une part, produire le nécessaire pour le phosphatage des sols, et d’autre part, alimenter l’usine d’engrais de Mbao en vue de satisfaire la demande nationale voire sous-régionale d’engrais organiques.
Il faut espérer que la visite du ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines, Biram Souleye Diop mardi 8 mai 2024 dans la région de Matam pour une visite dans la zone d’exploitation de la mine de phosphate de Ndendory dans le département de Kanel (Nord-Est) ait aussi un rapport avec la 21e décision d’Ousmane Sonko d’intensifier le programme de phosphatage des sols.
Il serait dommage que la visite ne s’inscrive pas dans une dynamique de renégociation avec les ICS ce d’autant que la concession accordée au groupe indonésien et sa filiale basée en Inde tirant à sa fin, en septembre prochain, se présente comme une opportunité aux nouvelles autorités.
Certes, le récent rappel par le Fonds Monétaire international (FMI) au respect des obligations du Sénégal vis-à-vis des programmes signés avec les bailleurs de fonds et partenaires au développement par le pouvoir de Macky Sall refroidit non seulement les ardeurs de Sonko dans le cadre de la renégociation des contrats miniers annoncée avec force et fracas, mais encore montre l’étroitesse de la marge de manœuvre du nouveau pouvoir.
En l’occurrence, la reprise en main des ICS ou renégociation gagnante-gagnante avec les partenaires indiens indique la nécessité pour le Sénégal de booster le Partenariat public privé (PPP) afin de le rendre plus effectif et pragmatique dans ses techniques financières.
Financer la recherche agronomique, consolider le bio
Les formules et doses d’engrais utilisées « n’ont pas été actualisées depuis des décennies » renseigne une « analyse et cartographie des besoins en éléments nutritifs du sol pour une meilleure formulation des besoins en engrais au Sénégal » publiée en 2022 par Feed The Future.
De plus, les formules et doses d’engrais utilisées ne tiennent pas compte de l’hétérogénéité des sols et des conditions d’exploitation.
Quand bien même, le Sénégal aurait fait de l’intensification et la diversification des productions agricoles une option stratégique majeure pour une atteinte des objectifs de sécurité alimentaire, les gouvernements qui se sont succédés n’ont pas atteint leurs objectifs du fait de la faiblesse de l’analyse des sols et la cartographie de la fertilité des sols et des besoins en éléments nutritifs devant contribuer d’une part, à la prise de données et, d’autre part, à une connaissance des sols.
La recherche agronomique absente des 23 décisions tout comme le bio est pourtant importante pour la compréhension du fonctionnement des sols ainsi que les plantes, insectes et animaux, sans compter la compréhension des relations entre ces derniers et les écosystèmes. La recherche est le maillon manquant. L’agriculture sénégalaise ne peut continuer d’être un paradoxe alors qu’elle dispose de ressources pour faire face á l’importation.
Le contraste saisissant étant que 60% de la population active sénégalaise est dans la production agricole alors que le pays importe 70% de ses denrées alimentaires. L’une des explications de ce paradoxe est à trouver dans la faiblesse de la recherche agronomique au service de l’étude des sols, des travaux sur la fertilité et la fertilisation des sols du fait de la modicité des budgets alloués. Cette première insuffisance pose des problèmes allant des méthodes de travail à la modernisation agricole qu’attend du reste le secteur pour accroître considérablement les rendements et réduire la forte dépendance aux importations.
La faiblesse de la recherche scientifique voire de la digitalisation de l’agriculture sénégalaise rend complexe l’exploitation des ressources et terres arables en dépit des dispositions. Sur les 3,2 millions d’hectares de terres arables, seulement 46,1% sont étaient cultivées en 2022. La dépendance aux saisons de pluie vient confirmer la nécessité de donner toute la place qu’il faut à la recherche et la démarche scientifique pour analyser, prévenir et anticiper en vue de maximiser les décisions politiques importantes comme celles prises récemment par le Premier ministre si l’on veut améliorer les pratiques et assurer des productions agricoles de qualité et durables.
Et enfin le bio qui n’a pas aussi fait l’objet de décision alors qu’il est une chance pour l’agriculture sénégalaise ainsi que les industries textile, pharmaceutique et cosmétique dont la transformation des matières premières au le label bio est de plus en plus demandé dans les rayons en Occident, en Asie et en Amérique. Ce, du fait qu’ils participent de manière conséquente à la bonne santé des consommateurs, soit les populations, et réduisent les factures sanitaires.
Cependant, le bio nécessite en plus d’une volonté affichée et assumée du gouvernement pour un changement de paradigme agricole à forte valeur ajoutée et les effets induits, une connaissance des sols, leurs identification, immatriculation, classification, digitalisation et enfin la production d’engrais bio et bien sûr le traitement bio. Soit un programme ambition qui non seulement apportera un souffle nouveau mais encore un label bio made in Africa.
Maderpost