Pour ce saint Temps de Carême, en cette deuxième semaine de prière et de jeûne, Abbé Roger Gomis, de l’archidiocèse de Dakar, nous fait vivre « le cœur » de la Lettre du Pape François adressée aux fidèles catholiques.
RELIGION – Selon Abbé Roger, le Pape, nous appelle à nous départir de certains de nos vêtements qui ont pour noms « jalousie, avarie, méchanceté, haine », pour revêtir ceux de « l’amour, du partage, de la prière, de l’humilité, la solidarité » qui font de nous des enfants de Dieu et de lumière. Ainsi, dans son enseignement du jour, Abbé Roger soutient : « le Carême est propice à ce « courage de la conversion » : prendre le risque de « penser que nous ne sommes pas dans une agonie mais dans un enfantement ». Ainsi, pour ce travail spirituel pour se défaire de la « nostalgie de l’esclavage », il préconise de dépasser nos peurs face à l’inconnu et de renaître à ce que nous avons de plus grand en nous. Enseignement !
LE CRI D’ALARME DU PAPE POUR LE CARÊME 2024
« J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris ». En citant le Livre de l’Exode, le Pape François ouvre d’emblée son message pour ce Carême 2024, intitulé : « A travers le désert Dieu nous guide vers la liberté », sur un constat inquiétant sur notre monde où « les inégalités se creusent » toujours plus. Où l’on « assiste à une troisième guerre mondiale par morceaux », avec des conflits qui ne cessent de s’étendre et de s’envenimer. Un environnement pollué, des écosystèmes ravagés par un modèle de croissance « qui nous divise et nous vole l’avenir ». En 2024, le tableau brossé par le Saint-Père est véritablement alarmiste.
Face à «la pollution de la terre, de l’air et de l’eau », l’humanité semble avoir atteint un point de non-retour : elle court se réfugier dans de nouvelles formes d’esclavage, plus confortables, plus familières. Comme les Hébreux sortis d’Égypte qui regrettaient les oignons de leur captivité, nous demeurons fascinés par nos chaînes, fussent-elles dorées.
«DERRIERE LES DEREGLEMENTS DU MONDE, CE SONT NOS AMES QUI SONT ‘’CONTAMINEES’’»
C’est ici le cœur du message papal : derrière les dérèglements du monde, ce sont nos âmes qui sont « contaminées ». Contaminées par quoi ? Par la quête effrénée de l’argent, du pouvoir et de la reconnaissance qui aveuglent les consciences. Mais aussi par le règne croissant des écrans, de l’immédiateté digitale, des fausses idoles qui nous enferment dans un présent absout, sans perspective de changement.
Internet, les séries en flux continu, la pornographie, la drogue… Autant de nouveaux « opiums du peuple » qui endorment, chez certains, toute velléité de révolte. « Il subsiste en nous une nostalgie de l’esclavage », assène ainsi le Pape François. Car même libérés par le Christ, nous demeurons étrangement fascinés par ces nouveaux « Pharaons » brillants et dorés.
Alors comment échapper à ce « doux totalitarisme » moderne, qui contrôle nos vies sans violence apparente ? Pour le Pape, cela suppose de « redécouvrir notre liberté intérieure ». De retrouver, au fond de nous-mêmes, la force de « penser que nous ne sommes pas dans une agonie mais dans un enfantement ».
Oser espérer à nouveau en notre capacité à changer les choses. À faire advenir plus de justice. Et le Carême est propice à ce « courage de la conversion » : prendre le risque de « penser que nous ne sommes pas dans une agonie mais dans un enfantement ». Oser rêver à une métamorphose personnelle et collective. À ce travail spirituel pour se défaire de la « nostalgie de l’esclavage », dépasser nos peurs face à l’inconnu, et renaître à ce que nous avons de plus grand en nous.
«AU-DELA D’UN TRAVAIL INTERIEUR DE CONVERSION, LE PAPE FRANÇOIS ATTEND DES COMMUNAUTES CHRETIENNES UN ENGAGEMENT SOCIAL RENFORCE»
Toutefois, au-delà d’un travail intérieur de conversion, le Pape François attend également des communautés chrétiennes un engagement social renforcé, à leur échelle. Il les appelle ainsi à « offrir à leurs fidèles des moments pour repenser leur style de vie ; se donner du temps pour vérifier leur présence dans le quartier et leur contribution à le rendre meilleur ».
L’objectif ? Favoriser une « présence active » au plus près du terrain, là où tout se joue. Mettre en place des « initiatives locales de partage et de solidarité », pour plus de justice fraternelle avec les plus démunis.
« Quel malheur si la pénitence chrétienne ressemblait à celle qui attristait Jésus », met d’ailleurs en garde François, en référence aux pharisiens. La foi doit se vivre dans la joie et l’amour concret du prochain, pas dans l’ostentation.
Ainsi, le Carême 2024 se veut un temps pour « libérer cet amour qui fait toutes choses nouvelles, en commençant par les plus petites et les plus proches », pour irriguer de fraternité le monde qui nous entoure. Et continuer à espérer, malgré les ténèbres, qu’un autre avenir est possible.
Maderpost / Sud quotidien